Blanc SVSE 4 - Sciences de la vie, de la santé et des écosystèmes : Neurosciences

Décision, Confiance, Actions Compulsives : les bases neurales de la métacognition et de ses dysfonctionnements dans le trouble obsessionnel compulsif – DECCA

Bases neurales de la confiance dans ses décisions et ses dysfonctionnements dans le trouble obsessionnel-compulsif (TOC)

Ce projet explore les bases neurales de la métacognition (sentiment de confiance dans ses décisions) par des études comportementales, de neuroimagerie et d’électrophysiologie chez des humains sains et des primates non-humains ainsi que chez des patients souffrant de TOC avec l’objectif de mieux comprendre les mécanismes du doute pathologique et de la vérification compulsive et leur amélioration observée lors d’un traitement par stimulation cérébrale profonde.

Approches multi-espèces et multi-modalités de la métacognition chez l’humain et l’animal

Notre projet explore par des études expérimentales les bases neurales des processus psychologiques sous-tendant la métacognition, c’est-à-dire les processus d’introspection qui permettent d’évaluer le degré de confiance que l’on a dans nos décisions, lequel guide le besoin d’acquérir de l’information supplémentaire, par un comportement dit « de vérification ». Dans la maladie psychiatrique du trouble obsessionnel compulsif (TOC) ces processus sont dysfonctionnels et se manifestent par un doute pathologique et des vérifications compulsives. Notre projet vise à développer et exploiter des paradigmes comportementaux de discrimination visuelle pour évaluer la confiance dans ses décisions et le comportement de vérification à la fois chez des humains mais aussi chez des primates non humains (macaques). Nous chercherons a créer une situation expérimentale dans laquelle les sujets produisent spontanément des vérifications liées à leur degré d’incertitude. La première partie du projet vise à valider sur le plan comportemental ce paradigme expérimental et par la suite, à l’utiliser pour croiser les outils d’exploration fonctionnelle chez l’humain (IRMf) et l’animal (électrophysiologie) avec des méthodes d’intervention, respectivement : stimulation cérébrale profonde (SCP) via un projet indépendant de recherche clinique dans le TOC et inactivation pharmacologique de régions cérébrales candidates (cortex cingulaire antérieur et orbitofrontal). Cette démarche devrait nous permettre d’établir le rôle causal des circuits cérébraux impliquées dans la métacognition et dans la physiopathologie du TOC de vérification et d’éclairer le mécanisme thérapeutique de la SCP dans cette pathologie.

Notre projet de recherche déploie une exploration transversale chez volontaire sain, le patient souffrant de TOC et le primate non-humain (macaque) d’un comportement complexe de type métacognitif : l’évaluation de la confiance dans ses décision et la vérification. Les premières phases visent à établir et valider notre protocole, notamment sa capacité à produire suffisamment de comportements de vérifications. Pour cela, nous nous appuierons sur une tâche de catégorisation perceptive : en manipulant le degré de difficulté d’une manière paramétrique, nous pensons pouvoir obtenir une quantification assez précise du comportement de vérification en regard de la performance. Malgré de nécessaires adaptations (entraînement pus long chez l’animal, récompenses), nous emploierons un protocole aussi similaire que possible. Les outils d’exploration fonctionnelle (IRMf chez l’humain et électrophysiologie chez le macaque) permettront d’obtenir une vue complémentaire de l’activité cérébrale associée à ce comportement et en particulier au sein de régions cingulaires et orbitofrontales, réputées dysfonctionnelles dans le TOC. Grâce aux enregistrements électrophysiologiques réalisés chez des patients TOC candidats à la stimulation cérébrale profonde (dans le cadre d’un programme de recherche associé mais distinct du présent), nous pourrons confronter plus directement les données humaines et animales puis tester leur influence réelle sur le comportement au sein de la tâche de vérification.

En raison de difficultés administratives majeures, le projet a accumulé beaucoup de retard dans la construction du paradigme expérimental chez l’humain. Pour contrecarrer cela, des études pilotes chez l’humain ont aussi été engagées par le partenaire 2. Malgré la difficulté à obtenir un nombre important de vérifications chez les volontaires sains, les données issues des études pilotes montrent qu’il existe une relation non-triviale entre la difficulté de la tâche, la décision de vérifier et la performance. Ce résultat intriguant va être explorer en conduisant d’autres études comportementales en manipulant les incitations (compromis vitesse/précision) et en utilisant une analyse par modélisation dérivée de la théorie de la détection du signal. Par ailleurs, les premiers résultats semblent aussi souligner l’influence d’un contexte sensoriel dynamique (nuage de points en déplacement) vs statique (orientation d’une barre) sur la décision de vérifier. Cet aspect pourra être investigué en comparant les décisions métacognitives portant sur des jugements de différentes dimensions d’un même stimulus.

Des données d’électrophysiologie humaine ont été obtenues dans le contexte du protocole de recherche clinique PRESTOC2 chez 6 patients TOC sévères résistants traités par stimulation à haute fréquence du noyau sous-thalamique. Les premières analyses des potentiels de champs locaux dans cette structure montrent une réponse différenciée à la récompense (feedback positif vs feedback négatif). Ce résultat préliminaire suggère qu’une information concernant l’évaluation de la performance est disponible à cet étage des ganglions de la base, confortant l’hypothèse de l’implication du noyau sous-thalamique dans le contrôle métacognitif.

Ces résultats encore préliminaires suggèrent plusieurs directions pour la suite du projet. D’une part, ils invitent à raffiner le protocole expérimental de la tâche de vérification de façon à mieux caractériser les déterminants de la décision de vérifier chez le sujet sain et leur éventuelle altération chez le patient TOC. Par ailleurs, la réponse du noyau sous-thalamique à des informations affectives (signal de récompense) nous incite à prendre en compte le rôle du contexte émotionnel dans la participation de cette structure au contrôle métacognitif et donc dans l’élaboration d’un modèle neuro-comportemental du TOC. Le fait de disposer d’un modèle comportemental de la symptomatologie de vérification transposable à l’animal (macaque) représente une voie unique d’exploration des mécanismes thérapeutiques mis en œuvre par la stimulation cérébrale profonde à haute-fréquence des ganglions de la base.

N/A

Background scientifique
Le trouble obsessionnel compulsif (TOC) est un trouble psychiatrique envahissant dans lequel le patient montre un comportement compulsif et se plaint d’idées obsessionnelles. Des modèles psychopathologiques récents de TOC ont proposé que des déficits de la métacognition (la capacité à évaluer son propre fonctionnement cognitif, par exemple dans quelle mesure a-t-on confiance en ses propres perceptions ou comment agit-on pour s’assurer de bien mémoriser une information) pourraient être centraux dans l’apparition de comportements compulsifs visibles chez les patients TOC, en particulier la vérification compulsive. En effet, les patients TOC expriment souvent un doute pathologique qui traduit un manque de confiance en leurs capacités mnésiques et/ou un sentiment exagéré d’incertitude concernant les conséquences de leurs décisions. Plus récemment, des résultats expérimentaux en neurosciences ont suggéré qu’un corrélat électrophysiologique du doute dans la décision peut être trouvé dans le cortex orbitofrontal (COF) qui entretient des liens fonctionnels avec la portion limbique des ganglions de la base (GB). L’une des hypothèses majeures est que ces processus concernent aussi le cortex cingulaire antérieur (CCA) dont nous avons montré chez le primate non-humain qu’il est central dans le monitoring de l’action au-delà de la simple détection d'erreur. De plus, des données préliminaires de notre groupe montrent qu’au sein des GB, l’activité neuronale du noyau subthalamique (NST) peut prédire le comportement de vérification des patients TOC, en accord avec le rôle supposé du NST dans la capacité à différer une prise de décision et initier une réponse. Elles sont aussi renforcées par les résultats cliniques récents suggérant que la stimulation cérébrale profonde (SCP) du NST pourrait être effective chez des patients TOC sévères.

Méthodologie du projet
Notre projet vise à explorer les corrélats neuronaux des processus métacognitifs dans une tâche comportementale conçue pour provoquer un sentiment d’incertitude et un comportement de vérification chez des sujets normaux, des patients TOC et Parkinson, et des primates non-humains. Les principaux buts spécifiques sont les suivants :
1) Affiner notre compréhension du rôle spécifique du COF et du CCA dans la métacognition. Nous ferons des enregistrements neurophysiologiques chez le singe et confronterons les résultats avec des signaux métaboliques corticaux et BG chez des sujets humains exécutant la même tâche.
2) Analyser la contribution spécifique du COF et du CCA aux processus métacognitifs. Nous mesurerons les conséquences comportementales d’une inactivation pharmacologique temporaire de chacune des ces régions séparément.
3) Comprendre le rôle du NST dans la métacognition et les effets de sa modulation par SCP. Nous évaluerons l’effet de la SCP sur les performances des patients TOC (et Parkinson) dans notre tâche pour caractériser les modifications du fonctionnement métacognitif induites par la modulation du NST. Cette partie du projet bénéficiera aussi des résultats d’un programme connexe mais financé séparément et destiné à l’enregistrement de l’activité électrophysiologique unitaire de neurones dans les GB chez des patients qui exécutent notre tâche comportementale pendant l’implantation des électrodes de SCP.

Résultats attendus
Ces données seront cruciales pour valider la participation des GB dans les processus métacognitifs et les comportements compulsifs. S’ils sont positifs, ces résultats serviront à décider de la faisabilité et du planning du programme suivant, intitulé Tâche 4 dans ce projet, et qui videra à développer un modèle animal de comportement compulsif et sont traitement par stimulation du NST. Ce modèle sera un aboutissement naturel du transfert de compétence entre les partenaires de ce projet.

Coordination du projet

Luc MALLET (INSTITUT NATIONAL DE LA SANTE ET DE LA RECHERCHE MEDICALE - INSERM Siège) – luc.mallet@upmc.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

INSERM INSTITUT NATIONAL DE LA SANTE ET DE LA RECHERCHE MEDICALE - DELEGATION PARIS VI
INSERM INSTITUT NATIONAL DE LA SANTE ET DE LA RECHERCHE MEDICALE - DELEGATION DE LYON
INSERM INSTITUT NATIONAL DE LA SANTE ET DE LA RECHERCHE MEDICALE - INSERM Siège

Aide de l'ANR 621 201 euros
Début et durée du projet scientifique : - 36 Mois

Liens utiles

Explorez notre base de projets financés

 

 

L’ANR met à disposition ses jeux de données sur les projets, cliquez ici pour en savoir plus.

Inscrivez-vous à notre newsletter
pour recevoir nos actualités
S'inscrire à notre newsletter