CE41 - Inégalités, discriminations, migrations

Inégalités patrimoniales et dynamiques du marché du logement : Comprendre le Régime d’Inégalités Spatiales liées au marché IMMObilier (CRISIMMO) – WIsDHoM

Inégalités patrimoniales et dynamiques des marchés de la propriété résidentielle

Comment l’inflation et la volatilité des marchés immobiliers jouent sur la géographie des inégalités ? Depuis les années 1990, les prix ont augmenté plus vite que les revenus, facteur de polarisation. Les réformes de l'État providence encouragent un régime assurantiel reposant sur la capitalisation des actifs des ménages. Comment les dispositifs de financement du logement jouent « sur le terrain », en reliant la dynamique des marchés résidentiels à la production d'inégalités socio-spatiales.

Une étude empirique des facteurs de renforcement des inégalités, conceptualisée comme rétroaction entre des prix, des types de marchés et les régimes de financement du logement.

Dans quelle mesure la division sociale de l'espace et les inégalité sociale contemporaine sont façonnées par les rapports financiers que l'on entretient avec les marchés du logement et leur stratification spatiale ? Nous faisons l'hypothèse que le flux d'investissements immobiliers des ménages et la production de logements sont fondés sur l'intensification de la stratification financière des inégalités urbaines au niveau des quartiers. Les dispositifs de marché ou systèmes d'incitations nationales et locales à l'accès au crédit sont articulés sur la variabilité spatiale des revenus et des prix du logement. En utilisant des données désagrégées sur les transactions immobilières, des enquêtes auprès des ménages et des informations sur la mobilité résidentielle des propriétaires, nous analysons les trajectoires économiques, spatiales et financières des ménages par rapport à la dynamique des prix du logement dans trois villes françaises (Paris, Lyon, Avignon). Ce projet permet de mieux comprendre comment les dispositifs et régimes de financement du logement jouent «sur le terrain », en reliant la dynamique financière des marchés résidentiels à la production d'inégalités socio-spatiales au niveau local.

- Notre analyse comparative s'appuie sur des études de cas à Paris, Lyon et Avignon afin de caractériser les prix, les revenus et d'autres variables d'intérêt parmi les zones urbaines fonctionnelles.
- Un inventaire a été réalisé afin d'identifier les principales infrastructures de marché qui permettent les stratégies d'accumulation de biens immobiliers à différentes échelles (prêts à taux zéro, subventions à l'investissement locatif et incitations fiscales, législation locale en matière de construction. Les entretiens avec les principales parties prenantes visent à approfondir notre compréhension des politiques locales du logement et de leur mise en œuvre.
- Pour analyser la structure spatiale locale de l'accessibilité financière, nous intégrons différents jeux de données, qui ont jusqu'à présent été étudiés séparément. Les données relatives aux transactions sont collectées par la Chambre des notaires et stockées dans les bases de données BIEN et PERVAL, ainsi que par le ministère français des finances publiques qui fournit des données cadastrales et fiscales (ensemble de données DVF) en source libre. Nous procédons à l’analyse la stratification spatiale à une échelle d'analyse plus fine, à partir d’une analyse spatiale du marché (grille de 200 m, grille de 1k et municipalités), en assurant la robustesse des techniques d'agrégation
- Pour analyser les diverses formes d'accumulation d'actifs, nous classons les profils des propriétaires selon des indicateurs de constitution d'actifs, en utilisant des données individuelles liées à la taxe foncière et des données désagrégées de la Caisse d'allocations familiales (accès aux données individuelles pour 2,3 millions de ménages). Des études plus détaillées sont ensuite menées dans des quartiers ciblés, à l'aide d'une enquête auprès des ménages.

- Nous caractérisons l'accessibilité financière des ménages médians comme un point d'entrée pour évaluer l'inégalité socio-économique dans la boucle de rétroaction, en commençant par la mesure du ratio prix/revenu.
- Nous analysons le contexte dans lequel l'accessibilité financière contraint les trajectoires résidentielles des ménages par l'inflation des prix des logements et la volatilité du marché.
- Nous utilisons la part des revenus de l'investissement en capital dans le revenu d'un ménage comme une approximation pour observer les conditions locales d'accumulation de la richesse.

Les modèles spatiaux de vulnérabilité que nous avons identifiés dans les études de cas montrent que si la boucle inflation - accumulation patrimoniale fonctionne globalement, selon la position des ménages dans le cycle d’acquisition et d’endettement. Mais les ménages propriétaires sont affectés par le risque de baisse des prix ou par une inflation des prix inférieure à la moyenne : il n’y a pas d’accumulation patrimoniale des ménages propriétaires modestes. Les études de cas montrent que la vulnérabilité est un processus à multiples facettes, qui est façonné par une combinaison de ratios dette/valeur élevés, de risque de baisse de la valeur des propriétés, de discrimination sociale ou raciale des ménages conduisant à une évaluation des risques élevés (coût élevé des assurances et des prêts immobiliers), ainsi que par une précarité accrue de la situation professionnelle d'un ménage.

Les évolutions des marchés immobiliers et des dispositifs de solvabilisation de la demande ont contribué, dans les 3 métropoles analysées, à renforcer les inégalités sociales entre les ménages. Les objectifs scientifiques initiaux du projet WIsDHoM sont globalement atteints, en analysant les évolutions des dispositifs de marché (facilités de crédit et un certain niveau de réforme de l'Etat providence, asset-based welfare), on démontre que la capitalisation immobilière comme actif des ménages, la volatilité du marché, l'inflation, influent sur la géographie des inégalités. On peut en déduire l’induration de rapports de classe fondés sur la propriété et le patrimoine. Ces rapports s’inscrivent dans la géographie des marchés, non seulement à partir des conditions locales de l’accession, mais aussi des dynamiques locales de prix et de vulnérabilité des ménages (dévalorisation des bien pour les ménages les plus endettés par exemple). Les trajectoires des ménages sont ainsi largement ancrées dans les lieux de résidence, qu’il s’agisse des trajectoires patrimoniales (assurantielle, vulnérabilisante, incertaine) qui dépendent de la position dans le parcours d’achat pour les mono-propriétaires (crédit en cours, crédit remboursé) ; de structure du patrimoine immobilier (accédant, multipropriétaire modeste, grand multipropriétaire) ; des potentiels locaux de valorisation des biens (volatilité des marchés locaux). La mobilité du capital, que nous avons commencé à analyser, met en évidence le rôle de la connaissance de proximité des marchés, même pour les gros multi-propriétaires, et permettent de nuancer les perception d’une déterritorialisation de l’investissement locatif.

1. Renaud Le Goix, Laure Casanova Enault, Loïc Bonneval, Thibault Le Corre, Eliza Benites-Gambirazio, et al.. Housing (In)Equity and the Spatial Dynamics of Homeownership in France: A Research Agenda. Tijdschrift voor economische en sociale geografie, 2021, 112 (1), pp.62-80. ?10.1111/tesg.12460?. ?halshs-02916066?
2. Eliza Benites-Gambirazio et Loic Bonneval (forthcoming) Housing as Asset-based Welfare. The Case of France. Housing Studies, 2022.
3. Eliza Benites-Gambirazio, Loïc Bonneval. Promouvoir un dispositif d’incitation fiscale à l’investissement locatif. Gouvernement & action publique, Presses de sciences po, 2022, VOL. 10 (4), pp.137-160. ?10.3917/gap.214.0137?. ?halshs-03787570?
4. Pierre Le Brun. Un soutien géographiquement inégal : la sélectivité spatiale des aides publiques à l'investissement immobilier résidentiel des ménages en France. Géographie, Économie, Société, Lavoisier, 2022, 24 (2022/1), pp.43-68. ?10.3166/ges.2022.0002?. ?hal-03719877?
5. Constance Berté, Guilhem Boulay, Eliza Benites-Gambirazio, Loïc Bonneval. 20 % de plus, 20 % moins cher ». Le plan 3A de la Métropole de Lyon ou les ambiguïtés de l’accession abordable. Géographie, Économie, Société, Lavoisier, 2022, 24 (1), p.103-123. ?10.3166/ges.2022.0004.?. ?halshs-03787571?
6. Pierre Le Brun. L’État dans la régulation locale : le cas des aides fiscales à l’investissement locatif des ménages en France. Revue d'économie régionale et urbaine, Armand Colin, A paraître, Prépublication, pp.5zh-19. ?10.3917/reru.pr1.0045?. ?hal-03774611?
7. Thibault Le Corre, Antonine Ribardière. Production de logements et accession à la propriété dans les communes populaires franciliennes. Espaces et sociétés (Paris, France), Erès, A paraître. ?halshs-03783835?
8. Thibault Le Corre. Une base de données pour étudier vingt années de dynamiques du marché immobilier résidentiel en Île-de-France. Cybergeo : Revue européenne de géographie / European journal of geography, UMR 8504 Géographie-cités, 2021, ?10.4000/cybergeo.37430?. ?hal-03328524?
9. Renaud Le Goix. Entre étalement urbain et financiarisation ordinaire des ménages : regards croisés sur les recompositions des fronts d’urbanisation en France et aux États-Unis. revue Urbanités, 2020. ?halshs-03117764?

WIsDHoM analyse la croissance des inégalités socio-spatiales dues à l’inflation des prix immobiliers. Dans la majorité des villes, les prix du logement ont crû plus vite que les revenus. L’immobilier est ainsi devenu une composante essentielle des inégalités, les ménages concentrant toujours plus leurs investissements et leur patrimoine dans ce secteur. Un PRC (CES 41, challenge B8, axe 2) est sollicité pour étudier les inégalités de revenu et de patrimoine selon une approche pluridisciplinaire (géographie, aménagement du territoire, histoire, sciences politiques, sociologie, économie) et comprendre le rôle de l’immobilier dans le renforcement des inégalités spatiales et patrimoniales.

WIsDHoM réunit des experts du logement afin d’analyser le caractère systémique des inégalités liées aux dynamiques et au contexte politique et financier du marché français depuis la fin des années 1990. Les agglomérations françaises se distinguent depuis une vingtaine d’années par une hausse durable des prix doublée d’une augmentation régulière du taux de propriétaires. Cette situation qualifiée de “bulle robuste” (Timbeau, 2013) accrédite l’idée d’un nouveau régime de prix élevés (Tutin, 2013b) susceptible d’expliquer la résilience des marchés, paradoxale au vu de la dégradation du pouvoir d’achat des ménages et de la rentabilité des logements locatifs après la crise de 2008. Ce régime articule des facteurs de différents niveaux : nationaux (conditions d’accès au crédit, incitation à l’accession à la propriété, place croissante de la propriété immobilière dans les patrimoines des ménages et comme forme de protection se substituant aux systèmes de protection sociale), et locaux (politiques de stimulation du marché et différenciation spatiale des prix de l’immobilier).

L’ambition du projet WIsDHOM consiste à saisir les interactions entre la dynamique locale des prix, les inégalités et les politiques menées. La variabilité des prix des logements, dépendant d’un certain nombre de conditions locales, détermine à la fois le tri social des propriétaires immobiliers, les conditions de (dé)valorisation du patrimoine des ménages, et les opportunités immobilières pour les acteurs locaux, publics ou privés. En retour ces éléments influencent les conditions de marché. C’est l’étude spatialisée de cet effet d’auto-renforcement qui constitue le cœur du projet.

Afin de restituer la spatialisation de ce régime d’inégalités, l’étude s’appuie sur trois cas à trois niveaux de la hiérarchie urbaine : Paris, Lyon et Avignon. L’analyse empirique consiste en une approche multiscalaire pour saisir l’articulation entre les politiques nationales, locales et les stratégies des ménages. Notre programme scientifique se décline en trois axes : 1) une analyse approfondie de la construction sociale des marchés locaux du logement par les acteurs publics et privés dans les trois agglomérations retenues 2) L’analyse spatiale des inégalités d’accès à la pierre à partir de bases de données désagrégées (transactions immobilières, fiscalité, crédit immobilier, cadastre) ;3) Une enquête ménages sur les stratégies patrimoniales dans nos trois terrains, visant à mettre en évidence d’une part les formes d’enrichissement et de vulnérabilisation liées à la propriété immobilière et, d’autre part, la façon dont ces stratégies (réhabilitations de logements, bimby, nimby, etc.) peuvent avoir des répercussions sur les politiques locales de l’habitat. L’expertise pluridisciplinaire de l’équipe en matière d’enquête et de traitement des données permettra de relever le défi de l’intégration de sources jamais traitées conjointement jusqu’ici.

Coordination du projet

Renaud LE GOIX (Géographie-cités)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CNRS/CMW CENTRE MAX WEBER
Géographie-cités
ESPACE Etudes des structures, des processus d'adaptation et des changements de l'espace

Aide de l'ANR 383 571 euros
Début et durée du projet scientifique : janvier 2019 - 36 Mois

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