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L'insertion par le religieux des migrants au Burkina Faso – Relinsert

L'insertion par le religieux des migrants au Burkina Faso

Ce projet vise à analyser le rôle du religieux dans l’insertion de migrants qui s'installent au Burkina Faso ou qui en sont originaires, dans trois régions du pays marquées par des dynamiques migratoires et religieuses importantes.

Étudier les mobilités et les retours de migration à partir des pratiques religieuses

Ce projet est parti d’interrogations relatives aux travaux de l’anthropologue américain E.P. Skinner et de plusieurs observations de terrain menées en amont par des membres de l’équipe. Dans les années 1950, Skinner remarquait en effet que les migrants moose en Côte d’Ivoire, souvent pratiquants des religions dites « traditionnelles » quand ils quittaient leurs localités de départ, se convertissaient généralement à la religion dominante dans la société d’accueil, dans le but de s’insérer socialement et de s’assurer que des funérailles seraient organisées s’ils venaient à mourir en migration (Skinner 1958). Plus d’une soixantaine d’années plus tard, nous avons choisi de réinterroger cette problématique alors que de nombreux migrants burkinabè étaient rentrés de Côte d’Ivoire depuis le début des années 2000, et que tant les routes migratoires que l’offre religieuse s’étaient diversifiées au Burkina Faso. Face à l’évolution rapide du terrain, une enquête collective questionnant de façon plus globale l’insertion des déplacés internes dans la capitale Ouagadougou a été menée en fin de projet afin de mieux ancrer nos travaux dans l’actualité de ces mobilités.

Anthropologues, géographes et historiens ont croisé leurs approches respectives et ont articulé leurs méthodologies pour interroger les dynamiques migratoires et religieuses sur des terrains proches. Les enquêtes ont en majorité été qualitatives. Elles ont été conduites à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso ; à Koudougou, troisième ville du pays ; à Bobo-Dioulasso, qui fut une zone d’accueil importante, lors des retours massifs des Burkinabè de Côte d’Ivoire au début des années 2000 ; et enfin, en milieu rural dans plusieurs localités du « pays bissa », zone importante d’émigration vers l’Italie et la Libye.
L’enquête collective sur les déplacés internes à Ouagadougou a été mise en œuvre selon la méthode de recherche ECRIS (enquête collective rapide d'identification des conflits et des groupes stratégiques). Après un atelier préparatoire de plusieurs jours à Ouagadougou, des enquêtes qualitatives (entretiens collectifs et individuels, observations) ont été menées par des équipes de chercheurs organisées en binômes ou en trinômes, et les données collectées systématiquement discutées et mises en commun.

Nos recherches ont permis de réinterroger des terrains connus dans les études sur les migrations au Burkina Faso sous l’angle des pratiques religieuses, et d’explorer de nouvelles formes de mobilités. Les mobilités intra-urbaines ou vers les grandes villes, en lien avec des structures ou des réseaux religieux, participent ainsi aux dynamiques urbaines et à éclairer les liens entre religions et mobilités. De nouvelles destinations ont pu faire l’objet d’enquêtes de terrain, mais les migrations de retour se sont avérées être un fil conducteur rencontré sur la plupart de nos terrains de recherche.

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L’ouvrage collectif «Migrations, mobilités et réseaux religieux au Burkina Faso« (2021) rassemble nos principaux résultats. Le rapport de l’enquête collective sur les déplacés internes à Ouagadougou paraîtra quant à lui début 2023. Le projet a aussi donné lieu à la traduction en anglais d’un ouvrage co-dirigé par des membres de l’ANR, à 8 articles dans des revues à comités de lecture, 20 chapitres d’ouvrages, 51 communications et conférences, 5 mémoires de Master, 4 ateliers et journées d’étude, une exposition photographique et un livret, un film.

Ce projet part du constat de la situation religieuse plurielle du Burkina Faso et d’observations anthropologiques qui soulignaient dès la fin des années 1950 le rôle de la conversion religieuse comme moyen d’insertion pour les migrants burkinabè en Côte d’Ivoire. Il s’agit d’interroger la façon dont le religieux peut constituer un mode d’insertion pour les migrants (de retour, internes ou internationaux) qui s’installent ou se réinstallent actuellement au Burkina Faso. Les évolutions de ces pratiques religieuses en migration seront ainsi questionnées à partir de recherches de terrain menées dans trois zones du Burkina Faso : la capitale Ouagadougou, qui polarise des mouvements migratoires internes, de retour et internationaux ; Koudougou, troisième ville du pays et ville historique de départ des migrants en Côte d’Ivoire ; Sinikiéré et Ouarégou, deux localités du « pays bissa », marquées par une tradition migratoire forte en direction de l’Italie et de la Libye. L’hypothèse principale de ce projet de recherche est que le religieux en migration, bien que possiblement associé à des logiques migratoires d’individuation ou d’émancipation, est jusqu’à présent apparu comme un facteur de cohésion et d’intégration dans le contexte de ces localités burkinabè. En associant des méthodologies issues de l’anthropologie, de la géographie et de l’histoire, les pratiques de ces migrants à l’échelle locale (quartier, famille) seront étudiées en milieu rural et urbain. L’insertion sera ainsi questionnée en lien avec le contexte religieux pluriel qui caractérise ces localités et qui sera analysé à partir d’une articulation entre analyses spatiales (cartographies des lieux de culte) et enquêtes de terrain socio-anthropologiques et historiques. Plusieurs entrées permettront d’aborder la notion d’insertion par le religieux en migration : la conversion religieuse appréhendée par la mise en perspective de parcours religieux et migratoires ; la participation à des cérémonies familiales au niveau local, comme révélatrices de l’insertion dans des réseaux sociaux locaux ; des mécanismes de solidarité comme la zakat dans l’islam ; le rôle d’ONG confessionnelles ou d’équipement liés à des structures religieuses dans l’accès aux services publics de base pour les migrants (santé, éducation, services sociaux) ; la visibilité sur la place publique et les enjeux locaux de gouvernance liés au religieux en migration ou de retour de migration. Les limites de ces processus d’insertion et les possibilités d’exclusion seront cependant aussi envisagées, dans un contexte sous-régional et national fragilisé par la montée du terrorisme et du radicalisme violent. Avec ce projet de recherche prévu pour trois ans, une nouvelle équipe sur le religieux en migration en Afrique subsaharienne sera créée, dans le cadre des relations de partenariat entre l’IMAF (UMR 243 IRD 8171 CNRS) et l’INSS/CNRST au Burkina Faso. Les membres de l’équipe de recherche mèneront conjointement des missions de terrain dans les localités retenues et travailleront de façon pluridisciplinaire. La stratégie de diffusion des résultats s’appuie sur l’organisation de trois manifestations scientifiques qui rythmeront le programme (atelier de lancement, journée d’étude à mi-parcours, colloque international final). Elle se base sur des activités de formation à destination des étudiants, des publications scientifiques et d’autres au format plus adapté au grand public (livre en collaboration avec un photographe, film) ou aux politiques et décideurs (plaquettes de communication des résultats). L’un des principaux résultats attendus est la proposition d’une autre lecture des liens entre religions et migrations, en décentrant cette problématique et en l’envisageant à partir de l’exemple burkinabè, où ces deux dimensions ne sont pas nécessairement entendues comme facteur d’exclusion sociale ou de discrimination lorsqu’elles sont pensées ensemble.

Coordination du projet

Alice Degorce (Institut de recherche pour le développement)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

IRD Institut de recherche pour le développement

Aide de l'ANR 223 400 euros
Début et durée du projet scientifique : mars 2018 - 36 Mois

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