DS0501 - Biologie des animaux, des végétaux, des micro-organismes et adaptation aux changements environnementaux

Identification des régulateurs participant à la plasticité d'adaptation des graines de légumineuses aux changements environnementaux – REGULEG

De la plasticité à la stabilité: amélioration des fluctuations dans la qualité des graines de légumineuses

L’adoption des légumineuses par les agriculteurs européens demeure fortement entravée par l'instabilité des rendements grainiers et de la teneur en protéines des graines due aux fluctuations de l'environnement. Un levier permettant de stabiliser les rendements est la production de graines vigoureuses à haute qualité germinative. L’atténuation des effets du changement climatique sur les qualités nutritionnelle et germinative représente un enjeu important pour l’industrie semencière.

Améliorer la stabilité des caractères liés à la qualité des graines de légumineuses face aux changements climatiques via l'identification des régulateurs de plasticité

Une grande partie de l'alimentation humaine et animale est basée sur les semences, et le contrôle de leur qualité est essentiel pour la sécurité alimentaire. Les légumineuses à graines, riches en protéines et ayant la capacité de fixer l’azote atmosphérique s’imposent comme une culture de choix pour répondre aux enjeux de la sécurité alimentaire et de l’agriculture durable. Malgré les efforts déployés pour stimuler la production de légumineuses à graines, leur adoption à grande échelle dans l'agriculture européenne est fortement entravée par l'instabilité du rendement en graines et la diminution de la qualité nutritionnelle, notamment la teneur et composition en protéines due aux fluctuations de l'environnement, en particulier la sécheresse et les fortes températures. De plus, la vigueur des semences est fortement affectée par l'environnement, et une vigueur élevée des semences est considérée comme un levier clé pour augmenter l'efficacité de la production agricole. En tant qu'organismes sessiles, les plantes sont remarquables dans leur capacité à détecter, à répondre et à survivre à une variété de stress abiotiques. Ceci est en grande partie le résultat de l'acclimatation à l'environnement local dans lequel elles se développent et est appelé plasticité phénotypique. Une manière de sélectionner pour une qualité et un rendement stable de semences consiste à identifier les gènes responsables de cette plasticité. L'évaluation de la variabilité des caractères de qualité des graines en réponse à des variations environnementales à l'aide de la diversité génétique est donc un excellent moyen d'identifier les gènes de plasticité. Le transfert des connaissances sur ces gènes à d'autres espèces de légumineuses ouvre la voie à une amélioration de la stabilité et à une augmentation de la production des légumineuses.

Dans le projet REGULEG, nous avons utilisé la diversité génétique qui existe chez la légumineuse modèle Medicago truncatula pour identifier les gènes responsables des variations de composition et de vigueur des graines produites dans différents environnements. Des plantes de 200 accessions originaires du pourtour méditerranéen et dont les génomes sont séquencés ont été cultivées dans quatre milieux différents (sécheresse, décalage de dates de semis) à Angers et Montpellier, et les graines ont été récoltées à maturité. Un large éventail de caractères comme le poids d’une graine, la composition protéique et la vigueur des graines a été déterminé sur les lots récoltés dans chaque environnement. Pour chaque caractère et chaque accession, nous avons calculé un indice de plasticité, qui rend compte de la variation de réponse de l’accession vis à vis des environnements de production. Ces indices de plasticité ont ensuite été utilisés pour effectuer une analyse de génétique d'association, mettant en relation les variations de ces indices et le polymorphisme génétique présent dans les 200 accessions pour identifier et localiser les gènes potentiellement impliqués dans la plasticité de ces caractères. Les connaissances ainsi acquises sur les gènes de plasticité ont été transférées de Medicago truncatula au pois cultivé via des études de synténie et de phylogénie ainsi que des comparaisons d'expression génique entre les deux espèces. Le rôle de certains gènes candidats a été validé grâce au phénotypage de graines de mutants de pois et de Medicago truncatula sous diverses conditions environnementales.

Ce projet a mis en évidence plusieurs gènes de plasticité impliqués dans la modulation de la qualité nutritionnelle et germinative des graines lorsque les plantes sont cultivées dans des conditions environnementales changeantes. Parmi les découvertes majeures, il est à souligner l'identification d'un gène d'homocystéine S-méthyltransférase 3 qui agit comme un gène de plasticité en contribuant à stabiliser le ratio de globulines 7S/11S dans des conditions de limitation en soufre, et le rôle d'un facteur de transcription bHLH associé à la date de floraison dans la plasticité de la vigueur des graines en condition de stress hydrique. Ces gènes candidats peuvent être ciblés pour atténuer les impacts négatifs des stress environnementaux sur la mise en réserve des protéines et la vigueur des graines, améliorant ainsi l'homogénéité et la stabilité des rendements via le transfert des connaissances aux légumineuses d’intérêt agronomique.

Le projet REGULEG a contribué à la compréhension fondamentale des mécanismes de la plasticité moléculaire des caractères des graines. Ces données fournissent une ressource unique de gènes qui peuvent être ciblés pour atténuer les impacts négatifs des stress environnementaux sur les protéines des graines. Par exemple, pour améliorer la stabilité des protéines des graines, l'identification de HMT3 et des régulateurs sensibles au stress exprimés pendant l'étape de remplissage des graines sont des candidats intéressants. De même, des gènes comme ABI4, bHLH49 ou MIEL1 sont des gènes candidats intéressants pour améliorer la stabilité de la vigueur des graines. Une sélection des gènes les plus prometteurs pour améliorer la stabilité a été ciblée par Tilling chez le pois et une analyse fonctionnelle sur ces mutants est actuellement en cours. S'ils sont validés, ce sont des gènes intéressants à cibler dans les programmes de pré-reproduction pour améliorer la stabilité à l'environnement dans d'autres cultures légumineuses de valeur (haricot, pois, soja, fève).
L'identification des régulateurs de la plasticité de la qualité des semences trouve leur applicabilité au-delà des espèces de légumineuses, comme nous l'avons montré pour MIEL1, qui a été découvert chez M. truncatula, mais montre un phénotype similaire chez Arabidopsis et donc un régulateur de plasticité conservé.

Cartelier, K., Aimé, D., Ly Vu, J., Combes-Soia, L., Labas, V., Prosperi, J.-M., Buitink, J., Gallardo, K. and Le Signor, C. (2021), Genetic determinants of seed protein plasticity in response to the environment in Medicago truncatula. The Plant Journal. Accepted Author Manuscript. doi.org/10.1111/tpj.15236
Chen Z, Ly Vu J, Ly Vu B, Buitink J, Leprince O, Verdier J (2021) Genome-wide association studies of seed performance traits in response to heat stress in Medicago truncatula reveal MYB30-Interacting E3 Ligase1 as a regulator of seed germination plasticity. Accepted in Frontiers in Plant Science, doi: 10.3389/fpls.2021.673072
Zinsmeister J, Leprince O, Buitink J (2020) Molecular and environmental factors regulating seed longevity Biochemical Journal 477: 305–323, doi.org/10.1042/BCJ20190165
Pecrix et al. (2018) Whole-genome landscape of Medicago truncatula symbiotic genes Medicago genome, Nature Plants 4: 1017-1025 doi.org/10.1038/s41477-018-0286-7
Buitink J, Leprince O (2018) «Letters to the twenty-first century botanist. Second series: “What is a seed? – 2. Regulation. Botany Letters 165, 181-185, doi.org/10.1080/23818107.2018.1476177
Leprince O, Pellizzaro A, Berriri S, Buitink J (2016) Late seed maturation: drying without dying. Journal of Experimental Botany doi: 10.1093/jxb/erw363

Les graines sont la base de l’alimentation humaine et animale. Le contrôle de leur qualité est donc essentiel pour assurer la sécurité alimentaire. De plus, l’augmentation de la consommation mondiale en produits carnés de ces dernières années exige des besoins croissants en protéines végétales. Les légumineuses à graine, riches en protéines et ayant la capacité de fixer via des symbioses l’azote atmosphérique s’imposent donc comme une culture de choix pour répondre aux enjeux de la sécurité alimentaire et de l’agriculture durable. En dépit des efforts consentis pour stimuler la production des légumineuses à graines comme le pois protéagineux, l’Europe reste très dépendante des importations en protéines végétales, notamment issues du soja sud-américain. En effet, l’adoption des légumineuses par les agriculteurs français et européens demeure fortement entravée par l'instabilité des rendements grainiers et de la teneur en protéines des graines due aux fluctuations de l'environnement, en particulier la sécheresse et la chaleur. Dès lors, la création de variétés présentant des rendements et composition protéiques stables est nécessaire. Un levier supplémentaire permettant de stabiliser, voire augmenter les rendements est la production de semences vigoureuses à haute qualité germinative. Les caractéristiques recherchées à cet effet sont une bonne aptitude à la conservation à l’état sec et un taux élevé de germination et de levée des plantules, même en conditions défavorables. La vigueur germinative est sous le contrôle d’interactions génotype x environnement parental (GxE) qui restent à élucider, ce qui complique la production de semences très vigoureuses de manière constante. L’atténuation des effets du changement climatique sur les qualités nutritionnelle et germinative des légumineuses représente donc un enjeu important pour l’industrie semencière. La plasticité phénotypique est la capacité d’un génotype à produire des phénotypes distincts dans différents environnements. Elle est bien étudiée en relation avec l’adaptation aux stress (a)biotiques et à la nutrition dans les tissus végétatifs. La prise en compte de cette plasticité est de plus en plus considérée comme jouant un rôle important dans l’amélioration des cultures. Cependant, chez les graines, nous sommes remarquablement ignorants des facteurs moléculaires responsables des effets dramatiques que l'environnement parental peut avoir sur les qualités nutritionnelle et germinative. L'objectif de ce projet est donc d'identifier les gènes régulant la plasticité phénotypique liée à la composition des graines et à leur qualité germinative. Afin de détecter les loci expliquant la plasticité phénotypique des graines, les interactions GXE seront caractérisées par étude d’association pan-génomique (GWAS) en exploitant les connaissances et données génomiques caractérisant la variabilité naturelle chez la légumineuse modèle Medicago truncatula. Un réseau de régulation multi-niveaux sera généré afin de décrire les processus moléculaires qui, sous l’influence de l’environnement, modulent le remplissage des graines et l’acquisition des différentes caractéristiques de la qualité germinative. Les loci significatifs par GWAS seront intégrés dans le réseau afin d’inférer les gènes régulateurs de la plasticité des graines. En exploitant la synténie entre M. truncatula et les légumineuses à graines cultivées, principalement le pois, la transférabilité des gènes ainsi découverts sera testée. Ce projet permettra de mieux comprendre les mécanismes régulant la plasticité des qualités nutritionnelle et germinative des graines, offrant ainsi des nouvelles pistes de recherche et d’applications technologiques vis à vis de la filière protéagineux.

Coordination du projet

Julia BUITINK (UMR 1345 Institut en Horticulture et Semences)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

UMR 1334 AGAP AGAP
UMR 1347 Agroecologie Agroecologie UMR1347
UMR 1403 IPS2 INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE - CENTRE DE RECHERCHE DE VERSAILLES GRIGNON
UMR 1345 IRHS UMR 1345 Institut en Horticulture et Semences

Aide de l'ANR 562 582 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2015 - 48 Mois

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