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26/05/2015

Tara : transformer la manière d’étudier les océans

Vendredi 22 mai, les premiers résultats de l’expédition Tara Océans (2009-2013) faisaient l’objet d’un numéro spécial de la revue Science. Afin d’étudier et de comprendre l'impact des changements climatiques et de la crise écologique sur nos océans, la goélette parcourt les mers depuis 2003, effectuant des mesures in situ et collectant des échantillons. Panorama des projets financés par l’ANR en lien avec les expéditions Tara et les données qu’elles ont permis de générer.

L’écosystème marin, en particulier planctonique, est très mal connu malgré son importance considérable dans la régulation du climat et de la chaîne alimentaire. Les communautés d’organismes composant le plancton produisent, en effet, la moitié de notre oxygène et agissent comme un puits de carbone. Ils influencent et sont influencés par le climat et sont à la base des chaînes alimentaires océaniques qui nourrissent les poissons et les mammifères marins. Avec l’expédition Tara Océans (2009-2013), il s’agissait de faire avancer les connaissances sur cet écosystème crucial. Près de 35 000 échantillons ont ainsi été collectés dans les océans de la planète. Ces données constituent des ressources sans précédent pour la communauté scientifique, dont un catalogue de plusieurs millions de nouveaux gènes, qui transforment dès à présent la façon dont on étudie les océans et la biodiversité ainsi que leur impact sur le changement climatique.

L’ANR a participé au financement de plusieurs projets liés à l’expédition Tara-Océans, dont notamment les projets décrits ci-dessous :

Mieux comprendre l’écosystème planctonique par l’analyse génomique

Destiné à proposer une vue d’ensemble de cet écosystème, le projet PROMETHEUS a cherché à explorer les génomes de l’ensemble des organismes eucaryotes présents dans les échantillons de plancton recueillis, des plus petits (virus) au plus « gros » (organismes comptant quelques cellules). L’envergure du projet était avant tout liée aux difficultés technologiques à relever. En effet, les approches de métagénomique telles qu’ont été initiées dans ce projet commençaient tout juste à émerger dans les années 2000 et aucune approche de ce type n’avait été menée pour étudier, dans toute sa complexité, la biodiversité des eucaryotes planctoniques. Cette méthode d’analyse consiste à étudier collectivement et massivement les gènes présents dans un milieu donné, sans connaître a priori les organismes porteurs de ces gènes. Grâce aux progrès technologiques (méthodes de séquençage, robotisation, …), les partenaires de PROMETHEUS ont pu développer des chaines de traitements inédits de biologie moléculaire et de bioinformatique permettant de traiter la complexité de cet écosystème et de le caractériser sur le plan génomique. Un répertoire de 7 millions de gènes, dont la majorité n’a aucune similarité avec ce qui était connu au préalable, a ainsi pu être créé. Cette collection constitue le point de départ de nouvelles investigations visant à caractériser des fonctions biologiques jusque-là inconnues.

Les virus géants (« Girus ») sont une lignée ancienne de virus infectant divers micro-organismes marins, allant des micro-algues aux prédateurs planctoniques. En tuant ces organismes, ils affectent la chaine alimentaire dépendante des microbes marins, impactant ainsi les cycles du carbone et des nutriments. Malgré leur importance écologique, la biologie de ces virus reste mal connue. Dans ce contexte, le projet TARA-GIRUS a cherché à mieux caractériser la diversité génétique de ces pathogènes marins et à mieux comprendre leurs rôles écologiques dans les communautés de plancton. Les travaux conduits dans le cadre de ce projet ont, d’une part, directement contribué à la mise en place des stratégies de prélèvements à bord qui ont permis de s’adapter à l’espace réduit disponible sur le navire TARA. Ils ont, d’autre part, conduit à la production des données de séquences par les technologies les plus évoluées, ainsi qu’au développement de nouvelles méthodes de bioinformatique pour l’analyse de ces données. Plus de 9 Gb de données de séquences génétiques ont ainsi été produites, soit trois fois plus que pour le génome humain, ce qui correspond à une augmentation de 20% de la totalité de l’information génétique maintenant accessible au public.

Contourner les limites des outils informatiques actuels

Suite au développement de ces nouvelles méthodes de séquençage, la masse de données à traiter s’est révélée si importante qu'elle représentait un goulot d'étranglement freinant les possibilités d’analyse et d’interprétation. Pour y remédier, le projet MAPPI a développé de nouveaux algorithmes et logiciels de nature à prendre en charge ces quantités importantes de données. Issus des travaux de groupes de recherche en informatique, ces outils ont été appliqués aux données de métagenomique (étude de l’ADN des cellules d'un échantillon complexe ) et de métatranscriptomique (étude de l’ARN) provenant de Tara Océans, soit plus de 100TB de données.

De manière similaire, le projet Hydrogen cherche à développer des outils algorithmiques et statistiques permettant de mesurer et d’analyser la biodiversité par métagénomique comparative. Cette technique fournit une information environnementale globale à partir des molécules d’ADN des milieux étudiés. La validation des travaux  réalisés et leur passage à l’échelle des outils algorithmiques et statistiques, sera faite à partir des données issues du séquençage des échantillons recueillis lors de l’expédition Tara Oceans.

Océanomics, exploiter  l’immense masse de données recueillies

Dans le prolongement des explorations Tara et du projet TARA-GIRUS, le projet OCEANOMICS, financé dans le cadre de l’action «Biotechnologies et Bioressources» du programme d’Investissements d’Avenir, s’appuie sur les milliers d’échantillons et données récoltés lors de l’expédition Tara Oceans. Il va tout d’abord explorer cette collection unique par des méthodes de séquençage ADN et d’imagerie à très haut-débit, afin de déterminer quels sont les organismes du plancton, quels sont leurs gènes, et comment ils s’organisent en fonction des paramètres environnementaux. In fine, il s’agit d’apporter une compréhension globale du fonctionnement de ces écosystèmes et d’identifier de nouvelles espèces de choix pour la recherche de composés à haute valeur ajoutée.

Plus d’information :

Initiative française à but non lucratif, Tara Expéditions agit depuis 2003 en faveur de l’environnement et de la recherche grâce au bateau Tara. Cette goélette parcourt les océans afin d’effectuer des mesures in situ et de prélever des échantillons destinés à étudier et comprendre l'impact des changements climatiques et de la crise écologique sur nos océans.

  • Le communiqué publié à l’occasion  du numéro spécial de Science
     
  • Le projet Prometheus est coordonné par le Génoscope (CEA – Institut de Génomique – Genoscope, Université d’Evry val d’Essonne). Il associe les équipes de la Station Biologique de Roscoff et de l’Ecole Normale Supérieure de Paris. Dans le cadre de l’édition 2009 du programme Génomique,  il a bénéficié d’une aide ANR de 678K€.
     
  • Le projet TARA-GIRUS est coordonné par le laboratoire d’Information Génomique et Structurale (CNRS) de Marseille. Il associe l’Observatoire Océanologique de Banyuls, , Station Biologique de Roscoff, le Genoscope et l’Institute of Marine Sciences (ICM/CSIC) en Espagne. Dans le cadre de l’édition 2009 du programme Génomique, il a bénéficié d’une aide ANR de 583 k€.
     
  • Le projet MAPPI est coordonné par le Laboratoire d'Informatique Algorithmique: Fondements et Applications de Jussieu. Il associe le Laboratoire d'Informatique Fondamentale de Lille, l'Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires (Rennes) et le Génoscope. Dans le cadre de l’édition 2010 du programme COSINUS, il a bénéficié d’une aide de l’ANR de 457k€.
     
  • Le projet Hydrogen est coordonné par l’Inria Rennes. Il associe les équipes de l’INRA, d’AgroParisTech et du Génoscope. Dans le cadre de l’édition 2014 de l’appel à projets générique de l’ANR, il bénéficie d’une aide de l’ANR de 399 k€.
     
  • Le projet Océanomics est coordonné par la station Biologique de Roscoff. Il associe
    Il est financé par l’Etat à hauteur de 7M€ sur huit ans dans le cadre de l’action «Biotechnologies et Bioressources» du programme d’Investissements d’Avenir.
Mis à jour le 21 mars 2019
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