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26/09/2023

L’ANR renforce sa politique en matière d’éthique, d’intégrité scientifique et de déontologie

Soucieuse de contribuer au déploiement d'un cadre favorable à la conduite de recherches intègres et responsables, l’Agence nationale de la recherche (ANR) formalise sa politique en matière d’éthique, d’intégrité scientifique et de déontologie, dont elle décrit les modalités dans un document destiné à l’ensemble des acteurs de la recherche.

Entretien avec Laurence Guyard, Référente Intégrité Scientifique (RIS) à l’ANR.

Dans quel contexte et à quelle fin l’ANR a-t-elle renforcé sa politique en matière d’éthique, d’intégrité scientifique et de déontologie ?

Laurence Guyard : Ces enjeux ont toujours été une préoccupation majeure pour l’ANR qui a mis en place des mesures pour garantir l’équité de traitement entre projets déposés et qu’ils soient portés par des coordinateurs ou des coordinatrices, pour prévenir les conflits d’intérêt dans les processus d’évaluation et de sélection et pour promouvoir une culture de recherche intègre et responsable. L’Agence s’est notamment dotée d’une charte de déontologie en 2009, révisée en 2018 afin d’y inscrire l’intégrité scientifique et l’égalité femmes-hommes.

Nous sommes aujourd’hui dans un contexte de vigilance accrue sur la manière dont les recherches sont conduites et dont les résultats sont publiés. La crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 a très largement révélé les enjeux autour des pratiques de recherche, et le public a pris conscience de l’existence de pratiques non rigoureuses, voire malhonnêtes. Ce contexte nous a conduit à renforcer la cohérence de nos procédures et à clarifier le périmètre de responsabilité des différents acteurs pour chacune de ces notions qui ne sont pas aisément manipulables. Il peut, en effet, être difficile de comprendre ce qui relève de l’éthique, de l’intégrité scientifique ou de la déontologie car ces notions sont souvent indissociables.

Nous avons ainsi élaboré un document unique qui présente les grands principes, les responsabilités des différents acteurs, et les procédures qui s’appliquent pour la gestion des signalements qui relèvent de l’éthique, de l’intégrité scientifique ou de la déontologie, dans le cadre du Plan d’action de l’ANR et des appels mis en œuvre pour France 2030. Il vise à accompagner au mieux les communautés scientifiques qui peuvent être confrontées à des cas de méconduite et ne savent pas à qui s’adresser pour faire un signalement.

En quoi ces notions sont-elles indissociables ?

L. G. : Ces notions, qui renvoient à des aspects distincts de la recherche, sont indissociables car elles sont souvent intriquées dans le sens où des recherches qui ne sont pas conduites de manière scientifiquement rigoureuse ou honnête, peuvent interroger la dimension éthique de ces recherches en ce qu’elles ne sont pas inscrites dans une démarche réflexive, c’est-à-dire s’interroger sur ce que je fais, comment je le fais et quelles conséquences potentielles cela peut avoir pour la société dans son ensemble ou pour certaines catégories d’individus. Cela rejoint également les principes déontologiques d’honnêteté ou de professionnalisme.

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Notions

L’éthique questionne les progrès de la science et leurs répercussions sociétales. Elle consiste en une démarche réflexive et constitue un socle pour faire évoluer l’exercice de la recherche en fonction des contextes et des enjeux, et garantir le caractère intègre et responsable des sciences.

L’intégrité scientifique renvoie à l’ensemble des règles et valeurs qui doivent régir l’activité de recherche pour en garantir le caractère honnête et scientifiquement rigoureux. Ses règles et valeurs ne peuvent être figées mais au contraire être soumises de façon renouvelée à la réflexivité et évoluer au regard des connaissances et avancées technologiques.

La déontologie correspond à l’ensemble des règles et devoirs spécifiques à l’exercice d’un métier. La charte de déontologie et d’intégrité scientifique de l’ANR exprime ainsi les principes et les règles que l’ensemble de ses collaborateurs internes et externes, s’engagent à respecter dans le cadre des activités qu’elles/ils exercent pour l’Agence.

Comment l’ANR a-t-elle procédé à l’élaboration de ce document ?

L. G. : Nous avons tout d’abord réalisé une revue de littérature sur ces définitions, puis rédigé une première version et constitué un groupe de travail avec Pierre Corvol, président du Comité de pilotage scientifique (CPS) de l’ANR, Bruno Chaudret, membre du CPS, et Ghislaine Filliatreau, déléguée à l’intégrité pour l’Inserm, qui a une forte expérience dans le domaine. Nous leur sommes très reconnaissants pour leurs éclairages sur ces questions. Le document a été validé à l’été 2023 par le CPS et présenté au conseil d’administration et au comité social de l’Agence

Quelles actions l’ANR met-elle en œuvre pour prévenir les manquements ?

L. G. : Dans le cadre de l’évaluation que l’ANR organise, les liens d’intérêts sont systématiquement recherchés par les chargés et chargées de projets scientifiques avant de solliciter des membres de comité ou des experts et expertes. Toutefois, il relève de la responsabilité des membres, des experts et expertes de déclarer tout lien qui n’aurait été identifié tout au long du processus de sélection. Tous les scientifiques impliqués dans l’évaluation ou dans un projet déposé et/ou financé s’engagent à respecter les principes inscrits dans la charte de déontologie et d’intégrité scientifique de l’ANR. L’Agence informe les communautés lors des Rendez-vous de l’ANR et propose régulièrement des formations sur ses engagements à ses collaborateurs et collaboratrices internes et externes.

L’ANR s’est plus largement engagée à contribuer au déploiement d’un cadre favorable à la conduite de recherches intègres et responsables et a défini à ce titre des politiques qualité, égalité et science ouverte. Elle est également signataire de la Déclaration de San Francisco (DORA) qui appelle à ne pas recourir aux indicateurs bibliométriques pour une évaluation qualitative de la recherche, et est impliquée dans des instances européennes et internationales qui mènent des travaux collaboratifs et élaborent des recommandations pour accompagner en cohérence les communautés scientifiques.

L’Agence appelle aussi les scientifiques à considérer la dimension sexe et/ou genre dans leurs approches afin d’anticiper les conséquences potentielles de l’application de leurs résultats de recherche sur le plan sanitaire bien sûr, mais également social, économique ou politique. Ces éléments, qui font aujourd’hui consensus au niveau national mais aussi européen et international, sont autant de leviers pour la conduite de recherches intègres et responsables.

Et pour gérer les signalements ?

L. G. : Concernant les soupçons de manquements relatifs à l’éthique et à l’intégrité scientifique, l’ANR a adopté et repris en partie la procédure proposée par le réseau national des référents à l’intégrité scientifique (RESINT)https://www.hceres.fr/fr/actualites/le-resint-publie-son-guide-pour-le-recueil-et-le-traitement-des-signalements-relatifs1 pour assurer une cohérence des pratiques entre les opérateurs. Nous l’avons adaptée à notre activité et y avons distingué d’une part, les cas de soupçon dans le cadre de l’évaluation des projets déposés en réponse aux appels de l’ANR, et d’autre part, les cas de soupçon dans les projets de recherche financés.

Lors d’un signalement concernant l’évaluation, l’instruction est conduite par le référent intégrité scientifique de l’ANR qui fait appel à des experts et expertes des domaines concernés en vue d’apporter un éclairage sur la problématique soulevée, et constitue un comité ad hoc pour rendre un avis sur la base de ces expertises. L’évaluation par les pairs, qui est un des principes fondamentaux de l’ANR, s’applique aussi dans la gestion des signalements qu’elle reçoit. Cet avis vient alors éclairer la décision du PDG de l’Agence sur la ou les sanctions à appliquer.

Lors d’un signalement concernant un problème dans un projet financé, les instructions sont conduites par les RIS des organismes concernés et ceux-ci doivent en informer l’ANR. Les recherches sont conduites dans les établissements et c’est donc avant tout le lieu où les instructions sur les pratiques scientifiques doivent être réalisées.

L’ANR applique également depuis plusieurs années une procédure de gestion des liens et des conflits d’intérêts, et une procédure de gestion des recours portant sur soupçon de conflits d’intérêts. Nous les avons inscrites dans ce document en toute transparence pour donner une meilleure visibilité de nos actions.

Quelles sont les prochaines étapes ?

L. G. : Nous travaillons actuellement sur une actualisation de la charte de déontologie et d’intégrité scientifique, par souci de cohérence avec ce document, et poursuivrons les formations auprès des évaluateurs et évaluatrices, et auprès du personnel de l’ANR. Nous poursuivrons également les réflexions sur ces enjeux avec les acteurs de la recherche aux niveaux national et international, tout en veillant à ne pas complexifier ou alourdir les modalités de dépôt de projets en réponse à nos appels, ainsi que les modalités relatives au suivi des projets en cours de financement.

En savoir plus :

« Ethique, intégrité scientifique et déontologie à l’ANR. Principes et dispositifs opérationnels » - Juillet 2023

La charte de déontologie et d’intégrité scientifique de l’ANR

1 Le RESINT vise à favoriser les échanges et le partage de pratiques entre ses membres, ainsi qu’à porter une réflexion collective sur l’intégrité scientifique et la fonction de référent à l’intégrité scientifique (RIS). Pour en savoir plus : https://www.ofis-france.fr/espace-resint/

Mis à jour le 26 septembre 2023
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