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27/01/2015

Allégations et messages nutritionnels : quels impacts sur le choix des consommateurs ?

Recommandations émanant des autorités sanitaires, prises de positions d’experts dans les média, messages diffusés par les industries agro-alimentaires, ... Pour faire leurs choix alimentaires, les consommateurs font face à une multitude d’informations souvent non concordantes. Comment appréhendent-ils ces différents messages? Influent-ils sur les choix en matière d’alimentation ? C’est pour examiner ces questions et en particulier l’impact des allégations, que le projet ALLEGNUTRI a été mis en place. Financé en 2006 dans le cadre du Programme National de Recherches en Alimentation et Nutrition Humaines (PNRA), ses résultats ont été présentés fin 2014 au cours d'une conférence organisée par le Fonds Français Alimentation & Santé.

"Riche en calcium et en fer", "Contribue à renforcer les défenses naturelles de l'organisme", "Allégé en sucre", ... Les allégations sont des messages présents sur certains emballages alimentaires qui font état des propriétés pour la santé et/ou nutritionnelles des aliments ou de leurs composants. Afin de déterminer la manière dont ces messages sont perçus par les consommateurs et leur influence sur les choix alimentaires, le projet Allegnutri reposait sur une méthodologie à la fois qualitative (groupes de discussion avec des consommateurs , observations sur lieux de vente, achats accompagnés en magasins et en laboratoires, relevés de consommations...) et quantitative (questionnaire soumis à un échantillon représentatif de la population française de 1 000 personnes de dix-huit ans et plus).

L'origine plutôt que la composition nutritionnelle

Premier élément issu de ce travail, si les Français sont soucieux de leur alimentation et de leur santé, ils ne sont pas pour autant sensibles aux discours nutritionnels. La conception qu'ils se font de l'effet des aliments sur leur santé est en effet éloignée de celle de la nutrition. Comme précédemment décrit dans la littérature, cette étude confirme que pour un consommateur français, un aliment "bon pour la santé" est avant tout un aliment "naturel", dont il connaît l'origine et qui a été élaboré selon des procédés si possible traditionnels, sans pesticide, sans produit chimique et sans conservateur, c'est-à-dire sans "intervention industrielle".

Ainsi quand les français pensent "bon pour la santé", ils pensent "naturalité", pas nutriments. En magasin, ils chercheront ainsi des mentions faisant référence au «terroir», au «local», à la "naturalité", à la «fraîcheur», à la «qualité» et éviterons les ajouts nutritifs, dont ils se méfient.

Dans leur très grande majorité les consommateurs sont ainsi hostiles aux produits porteurs d'allégations et cela pour deux raisons au moins : d'abord, parce qu'ils pensent que les produits "naturels" n'ont pas besoin d'être optimisés et parce qu'ils s'interrogent, ensuite, sur la nature des procédés que les industriels utilisent pour le faire.

Développer une éducation nutritionnelle dès l'enfance

Ce comportement alimentaire s'explique par les spécificités culturelles et les valeurs au cœur de notre modèle alimentaire telles que la convivialité et le partage. Mais les auteurs de ce travail pointent également le rôle de connaissances insuffisantes en matière de nutrition. Au cours de l'étude, les personnes interrogées ont ainsi été incapables d'associer des nutriments (vitamines, magnésium, antioxydants...) aux aliments qui en contiennent. Certains volontaires de l'étude n'associaient les vitamines qu'aux fruits, d'autres les associaient à tous les aliments sans distinction. Beaucoup de volontaires pensaient que la viande rouge contenait des fibres, ou que l'huile d'arachide était plus grasse que l'huile d'olive.

Selon Mohamed Merdji, le coordinateur du projet, ces résultats montrent une tendance des français à la pensée "substantialiste" : ils imaginent que chaque aliment est constitué de substances qui lui appartiennent exclusivement et qui ne peuvent être retrouvées ailleurs. Un jus de fruit enrichi aux oméga-3, dont l'étiquette préciserait qu'ils sont issus d'huile de poisson, sera donc évité. Au contraire, pour le lait et les yaourts considérés comme des "alicaments naturels", l'ajout de calcium serait  "toléré".
Ainsi, le développement de produits nutritionnellement enrichis, porteurs d'allégations, doit prendre en compte l'usage qui sera fait de l'aliment, c'est-à-dire de déterminer si l'usage sera compatible ou non avec les valeurs au centre du modèle alimentaire français, notamment celles du partage, sous peine de se heurter à un rejet de la part des consommateurs.

Conclusion connexe de ce travail, les auteurs appellent à ce que soit développée une éducation alimentaire dès l'enfance, basée sur une démarche ludique d'ateliers cuisine, d'éveil au goût ou de visites d'usine.

 

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Mis à jour le 21 mars 2019
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