CE34 - Contaminants, écosystèmes et santé

Impacts d'une exposition chronique aux addtifs aliemntaires inorganiques de la vie in utero à l'âge adulte sur le développement de désordres neurodéveloppementaux et métaboliques: rôle du microbiote – DevADDIRisk

Impacts santé d’une exposition quotidienne aux additifs alimentaires inorganiques depuis la vie in utero

DevADDiRisk étudie chez la souris les conséquences « santé » d’une exposition chronique à des additifs alimentaires nanoparticulaires (E171, E551, E174) incorporés dans l’aliment, seuls ou en mélange, donné au mères depuis la conception puis à leur descendance, avec pour cible le risque de désordres métaboliques et/ou de troubles neurodéveloppementaux. Le rôle synergique du microbiote dans ces effets est étudié.

Effets d’une exposition chronique dès la vie in utero aux additifs nanoparticulaires E171, E551 et E174 sur la santé digestive, métabolique et cérébrale de la descendance : rôle du microbiote

La présence de nanoparticules (NPs) inorganiques dans des additifs alimentaires communs (colorants, anti-agglomérants) soulèvent des questions de santé publique. Leur dimension (< 100 nm) permet aux NPs de franchir les barrières biologiques (intestin, placenta, hémato-encéphalique) jusqu’à contaminer le foetus, quand leurs propriétés antibactériennes sont aussi susceptibles de perturber la composition et l’activité du microbiote intestinal (dysbiose) avec des conséquences santé pour l’hôte. Parmi ces agents, le dioxyde de titane (TiO2, E171), de silice (SiO2, E551) et l’argent (Ag, E174) sont représentatifs des nanomatériaux manufacturés exposant les femmes enceintes. Chez l’animal, des nanomodèles (100% nanométriques) de TiO2, d’Ag et de SiO2 passent le placenta et sont détectées dans le cerveau des nouveau-nés avec des conséquences comportementales dans la descendance. Leur accumulation dans le foie du nouveau-né suggère aussi des altérations du métabolisme énergétique. Or le microbiote joue aussi un rôle clé dans la régulation du métabolisme énergétique et le développement cérébral. Ces régulations à distance impliquent des métabolites bactériens, comme les acides gras à chaine courtes (AGCC) et les ligands du récepteur Aryl Hydrocarbure (AhR) essentiels au maintien des fonctions intestinale, cérébrale et hépatique. Une perturbation dans ce dialogue pourrait participer aux effets délétères des NPs sur la progéniture. Toutefois les études chez l’animal ont été menées à fortes doses de nanomodèles, données aux mères par inhalation ou injections sous-cutanées. Elles ne sont pas représentatives de l’exposition humaine via l’alimentation à des additifs communs constitués de micro- et de nanoparticules en mélange. Par une étude longitudinale allant de la vie in utero à l'âge adulte chez la souris, l’objectif de DevADDiRisk est d'explorer le devenir périnatal des NPs de E171, E174 et E551 à doses alimentaires, et d’en évaluer les effets sur les fonctions neurologiques et métaboliques des descendants, jusqu’au rôle synergique du microbiote dans ces altérations.

Le projet DevADDiRisk utilise des souris de laboratoire nourries avec des régimes supplémentés ou non avec l’additif alimentaire d’intérêt (E171, E551, E174, seuls ou en mélange) à des doses d’exposition humaine selon les données d’exposition publiées par l’Agence Européenne de sécurité sanitaire des aliments (Efsa). Les mères sont exposées dès 40 jours avant la conception, puis pendant la gestation et la lactation. La descendance est ensuite exposée au même régime alimentaire dès le sevrage. Les protocoles d’exposition (7 mois au total) sont basées sur les lignes directrices de l’OCDE pour les études chroniques (Extended One Generation Repro-Toxicity Study, EOGRTS). Ils suivent aussi les recommandations de l’Efsa sur les requis en Nanotoxicologie appliquée à l’alimentation pour être utile à l’évaluation du risque sanitaire pour l’homme. Le devenir des NPs alimentaires est étudié par dosages ICP-MS des éléments d’intérêt (Titane, Silice, Argent) dans les fœtus et dans la descendance (foie, cerveau), complété par la microscopie électronique couplée à la spectrométrie à rayons X (EDX) pour mesurer la taille des particules (TiO2, SiO2, Ag) accumulées dans les tissus. Les impacts sur le microbiote et la barrière intestinale, les fonctions cérébrales et le métabolisme dans la progéniture jeune et adulte sont étudiés par une combinaison d’approches moléculaires ciblées ou à haut débit (métagénomique par séquençage 16S des bactéries, transcriptomique pour l’expression de gènes, métabolomique par RMN sur les fèces), histologiques (intestin, foie, cerveau) et comportementales dans les deux sexes. Enfin, des approches de transfert de microbiote intestinal des souris exposées vers des souris receveuses (axéniques) vierges de tout traitement aux additifs nous permettrons de déterminer le rôle du microbiote intestinal dans les effets délétères identifiés pour chaque additif inorganique ou leur mélange.

Nos résultats préliminaires montrent une accumulation de Ti dans les fœtus des mères exposés au TiO2 (E171) par leur nourriture ainsi que dans le foie des descendants (J150) ayant consommé le même régime supplémenté, quel que soit le sexe des animaux. Cette exposition au E171 dès la vie in utero a induit une augmentation de la production de la cytokine pro-inflammatoire IL1ß dans le côlon des souris mâles adultes. Des modifications dans la composition et l’activité métabolique du microbiote intestinal, caractérisées par une augmentation de la ß diversité et du ratio Firmicutes/Bacteroidetes et par une réduction de production de ligands AhR sont observées uniquement chez les descendants mâles. Ces altérations étaient concomitantes à une intolérance au glucose et une augmentation de l’insulinémie à jeun. Face à la dysbiose intestinale installée par le traitement au E171 et les désordres métaboliques observés dans la descendance, le projet DevADDiRisk a été enrichi d’une étude supplémentaire en soumettant les souris à un régime enrichi en gras (dit Western diet) pour stimuler le métabolisme des individus traités au E171. Ainsi, les effets induits par l’exposition précoce et chronique au E171 dans la descendance mâle ont été aggravés sous régime Western diet, une observation suggérant des propriétés pro-obésogènes de l’additif. A l’inverse chez les femelles, une diminution de la sécrétion de cytokines pro- et anti- inflammatoires a été observée dans le côlon sous régime E171 par rapport aux contrôles. Dans ce sexe, le E171 n’a pas accentué les altérations métaboliques induites par un régime riche en gras, concluant à un dimorphisme sexuel prononcé dans les effets du E171 sur les fonctions immunitaires et métaboliques. Ces données suggèrent qu'une exposition chronique au E171 dès la vie in utero et jusqu’à l’âge adulte pourrait initier et promouvoir le développement de troubles métaboliques chez l'homme, de façon sexe-dépendant, via une altération dans la composition et l’activité du microbiote intestinal essentiellement observées chez le mâle.

Un même protocole d’exposition a été réalisé avec le E551 et doit être mis en place avec le E174. Outre un effet sur le métabolisme du glucose, les perspectives avec le E551 portent plus particulièrement sur un affaiblissement des défenses immunitaires systémiques chez le mâle, un effet immunosuppresseur que nous étudierons chez des souris exposées à un agresseur d’origine microbienne. Pour les trois additifs (E171, E551, E174), les impacts sur les fonctions cérébrales et le comportement dans la descendance seront également évalués. In fine les perspectives consistent à déterminer le rôle du microbiote intestinal dans les effets au niveau immunitaire, métabolique et cérébral via des approches de transfert de flore. L’importance du microbiote intestinal dans la mise en place de ces différentes fonctions étant souvent négligé en toxicologie, le projet DevADDiRisk permettra l’apport de données inédites pour les Agences (ANSES, Efsa) quant aux conséquences « santé » d’un exposition chronique aux additifs alimentaires inorganiques.

- Une communication orale (E171) sélectionnée pour le Congrès de la Société américaine de Toxicologie (2022) : Evariste L, Gaultier E, Cartier C, Noireaux J, Chassaing B, Houdeau E, Lamas B. Mice exposed to food-grade TiO2 from in utero life to adulthood show sex-specific gut microbiota and metabolic disorders. Society of Toxicology (SOT) 61st Annual meeting, San Diego, USA, Mars 2022.

- Un article de synthèse (E171) dans les Cahiers de Nutrition et de Diététique (2023) : Lamas B, Evariste L, Houdeau E. Interactions du dioxyde de titane alimentaire avec l’axe microbiote-système immunitaire : un nouvel acteur dans le développement de désordres métaboliques ? 58 : 70-81.

La présence de nanoparticules (NPs) inorganiques dans des additifs alimentaires ingérés au quotidien soulèvent des questions de santé publique. Des travaux ont montré que l'ingestion de NPs altère la flore intestinale, le comportement et la structure cérébrale. Ces effets sont notamment liés aux propriétés physico-chimiques des NPs qui leurs permettent de franchir la barrière hémato-encéphalique, l’intestin et le placenta. Parmi les additifs alimentaires, le dioxyde de titane (TiO2, E171 en UE), l'argent (Ag, E174) et le dioxyde de silice (SiO2, E551) sont représentatifs des nanomatériaux manufacturés exposant la population générale, y compris les femmes enceintes. L'Ag (E174) utilisé pour colorer des pâtisseries et des chocolats, présente des niveaux d'exposition allant de 0,03 à 2,6 µg/kg de poids corporel (pc)/jour (j). Les niveaux d’exposition du TiO2 (E171) utilisé dans les confiseries, les sauces et le glaçage, sont compris entre 0,3 à 10,4 mg/kg pc/j, tandis que l’exposition au SiO2 (E551) utilisé comme anti-agglomérant (e.g., sel, sucre, épices, lait en poudre), est évaluée entre 0,9 et 31,2 mg/kg pc/j. Le Haut Conseil de la Santé Publique (2018) a souligné que chez l’Homme le risque d’un transfert de NPs de TiO2 au fœtus et les conséquences santé pour le nouveau-né ne sont pas abordés. Or, des études chez l’animal montrent que des NPs modèles de TiO2, Ag et SiO2 passent la barrière placentaire et sont détectées dans le cerveau des nouveau-nés, affectant le développement cérébral et le comportement. L’accumulation chez le rongeur de NPs de TiO2, Ag et SiO2 dans le foie des nouveau-nés suggère aussi des altérations du métabolisme énergétique. Cependant, ces études ont utilisé des nanomodèles (100% nanométriques) administrés à fortes doses aux mères par inhalation ou injections sous-cutanées. Dans le cadre des additifs alimentaires constitués de micro- et de nanoparticules, les études toxicologiques doivent prendre en compte l’exposition périnatale aux NPs d’origine alimentaire (E171, E174 et E551). Du fait de propriétés antibactériennes des NPs de TiO2, Ag et SiO2, une exposition chronique aux E171, E174 et E551 est susceptible d’altérer le microbiote intestinal (appelé dysbiose), avec des effets néfastes chez la descendance. Le microbiote joue un rôle clé dans différentes fonctions physiologiques, comme le métabolisme énergétique et le développement cérébral. Le dialogue entre microbiote et organes distants est complexe et implique des métabolites bactériens, comme les acides gras à chaine courtes (AGCC) et les ligands du récepteur Aryl Hydrocarbure (AhR), essentiels au maintien des fonctions intestinale, cérébrale et hépatique.
Nos données préliminaires ont montré un passage transplacentaire de NPs de TiO2 (E171) sur placenta humain perfusé, ainsi qu’une accumulation de Ti dans le placenta humain et le méconium suggérant une exposition fœtale. Chez le rat adulte exposé au E171, nous avons observé une activation microgliale et une altération de la neurogenèse dans l’hippocampe, zone cérébrale essentielle à la mémoire et à l’apprentissage. Une diminution de la production d’AGCC et de ligands AhR par le microbiote a aussi été observée chez des rongeurs exposés per os au E171 durant 60 ou 100 jours. Ces résultats suggèrent qu’une exposition orale chronique des mères à des additifs alimentaires inorganiques (E171, E174 et E551) pourrait induire dans la descendance des désordres métaboliques et neurologiques. Ces effets peuvent être synergiques ou potentialisés par une dysbiose intestinale transmise par les mères à la descendance et/ou directement induite chez la progéniture. En réalisant une étude longitudinale allant de la vie in utero à l'âge adulte chez la souris, l’objectif de ce projet est d'explorer le devenir périnatal des additifs alimentaires E171, E174 et E551, et d’en évaluer les effets sur les fonctions neurologiques et métaboliques des descendants, jusqu’au rôle synergique du microbiote dans ces altérations.

Coordination du projet

Eric HOUDEAU (Institut National de la Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement Centre Occitanie-Toulouse)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

INRAE TOXALIM - ENTeRisk Institut National de la Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement Centre Occitanie-Toulouse
Institut Cochin, INSERM U1016 - CNRS UMR8104 - Université de Paris
NutriNeurO Nutrition et Neurobiologie intégrée
INRAE TOXALIM - TIM Institut National de la Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement Centre Occitanie-Toulouse

Aide de l'ANR 559 988 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2020 - 48 Mois

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