CE31 - Physique subatomique et astrophysique

Interférométrie d'intensité à Calern – I2C

L'interférométrie d'intensité pour le 21ème siècle

Après les études pionnières dans les années 1960-70s, l’interférométrie d’intensité a laissé place à l’interférométrie d’amplitude, dotée d’une meilleure sensibilité, au prix d’une bien plus grande complexité. Le projet I2C vise à démonter le nouveau potentiel de l’interférométrie d’intensité grâce aux technologies modernes de détection et manipulation de photons et de traitement digital du signal.

Augmentation des performances de l’interférométrie d’intensité et application à la physique stellaire

Notre objectif est de démontrer que :<br />1- Les performances de l'interférométrie d'intensité (I.I.) peuvent atteindre un niveau bien supérieur à celui de l'époque de Hanbury Brown & Twiss grâce aux progrès technologiques déjà réalisés et à ceux à venir ;<br />2- L'I.I. peut déjà être utilisée pour des mesures de physique stellaire avec les technologies photoniques déjà disponibles<br /><br />Objectif n°1 : Pousser les performances de l'interférométrie d'intensité<br /><br />L'avenir de l'I.I. dépend essentiellement de ses performances, telles que la ligne de base maximale atteignable et la magnitude limite. Sur la base de nos expériences précédentes, nous allons donc améliorer la sensibilité et la résolution angulaire. Bien que des améliorations progressives soient nécessaires et seront réalisées, nous visons également des innovations disruptives basées sur des technologies qui n'existaient pas jusqu'à récemment. Par exemple, nous prévoyons d'utiliser des détecteurs de photons uniques à nanofils supraconducteurs (SNSPD, jamais utilisés pour ce type d'application jusqu'à présent). Nous développerons également des techniques de synchronisation à longue distance pour les mesures à longue ligne de base et nous effectuerons des corrélations multicanaux via le multiplexage en longueur d'onde pour augmenter le rapport signal/bruit.<br /><br />Objectif n° 2 : utiliser l'interférométrie d'intensité pour des mesures de physique stellaire<br /><br />Cet objectif consiste à démontrer l'utilité de l'I.I. en effectuant des mesures réelles qui peuvent difficilement être réalisées au moyen de l'interférométrie de Michelson, en particulier l'I.I. résolue en polarisation, que ce soit dans le continuum ou dans les lignes spectrales (d'émission). En particulier, nous effectuerons des mesures d'I.I. aux courtes longueurs d'onde visibles.<br /> Les premières mesures seront effectuées à Calern sur quelques cibles brillantes afin d'obtenir des résultats astrophysiques, de fixer les limites de ces techniques et de préparer des observations sur de plus grands instruments. Le plus adapté à ce type d'observation est les 4 télescopes auxiliaires (ATs) du VLT à Paranal (Chili), qui ont l'avantage unique d'être mobiles et qui peuvent être exploités efficacement pendant que les lignes à retard du VLTI sont utilisées avec les 4 télescopes UT de 8 m. D'autres possibilités seront également explorées, comme les observatoires de Maunea Kea.

Le projet est divisé en 4 workpackages (WP) scientifiques et 8 tâches:

WP1 : Augmentation de la sensibilité
Tâche 1a : Améliorations progressives du rapport signal/bruit.
Tâche 1b : Interférométrie d'intensité avec des détecteurs à photons uniques à nanofils supraconducteurs (SNSPD).
Tâche 1c : Vers une I.I. multicanaux

WP 2 : Améliorer le pouvoir de résolution angulaire
Tâche 2a : Synchronisation de l'I.I. sur de longues et de multiples lignes de base avec une liaison physique
Tâche 2b : Interférométrie d'intensité sans fil

WP 3 : Application à la physique stellaire
Tâche 3a : I.I. résolue en polarisation.
Tâche 3b : Raie d'émission des supergéantes massives de type précoce

WP 4 : Interférométrie en intensité sur des grands instruments
Tâche 4a : I.I. au VLTI

Tâche 1a - Améliorations incrémentales
- Nous avons remplacé le filtre polarisant par un séparateur de faisceau polarisant (PBS) et nous exploitons désormais simultanément les deux canaux de polarisation, ce qui augmente le rapport signal/bruit (SNR) d'un facteur v2.
- Nous avons mis en place une correction de tip-tilt, qui permet une bien meilleure stabilité de l'injection dans la fibre, et donc une meilleure injection moyenne, avec beaucoup moins d'intervention humaine lors de l'acquisition des données. C'est un élément clé qui nous a permis de réaliser des mesures interférométriques avec un télescope de 1 m mobile (moins stable).
- Nous avons mis en place un schéma permettant de mesurer simultanément la corrélation zéro-base et la corrélation spatiale, au prix de l'utilisation de deux fois plus de détecteurs.
Toutes ces améliorations seront détaillées dans deux publications à venir (de Almeida et al., MNRAS 2022, et N. Matthews et al., Proc. SPIE 2022).

Tâche 1b - I.I. avec SNSPDs
Nous avons engagé des discussions fructueuses avec un groupe de TU Delft, qui construit des SNSPD compatibles avec les fibres multimodes. Nous avons visité leur laboratoire et effectué des tests expérimentaux utiles à Delft en août 2021.
Tâche 2a - Synchronisation de lignes de base longues et multiples
Nous avons déjà effectué des tests en laboratoire sur le transport à longue distance (250 m) du signal sur des câbles coaxiaux avec une méthode électronique permettant de surmonter les effets néfastes de la distorsion et de l'atténuation du signal dans les câbles. Cette méthode a permis de maintenir la précision des événements de marquage temporel à quelques picosecondes, ce qui est excellent.

Tâche 3a - I.I. à résolution de polarisation
Le module résolu en polarisation est construit et validée (voir tâche 1a).

Tâche 3b - I.I. sur les raies d'émission
- Nous publions les nouveaux résultats de deux campagnes interférométriques sur les raies d'émission Halpha des étoiles P Cygni et Rigel. Nous utilisons les mesures de visibilité, avec les spectres et une modélisation complexe, pour inférer la distance aux étoiles. Nous obtenons des résultats en bon accord avec la littérature et avec des incertitudes comparables (E. de Almeida, MNRAS 2022).
- Nous avons également réalisé une campagne de mesure sur la raie Halpha de l'étoile gamma Cas, et l'analyse préliminaire montre que les résultats sont également cohérents avec les propriétés connues de l'étoile. Les résultats ont été obtenus à l'aide du télescope MéO (télémétrie laser) et d'un télescope portatif. Ils seront publiés dans un article dédié.

Tâche 4a I.I. sur le VLT
Nous avons eu notre première mission à l'Observatoire ESO-Paranal en mars 2022 pour un run technique de 6 nuits sur deux télescopes auxiliaires (ATs, 1.8 m). La mission a été un succès avec des mesures interférométriques de l'étoile binaire Spica. Les résultats seront présentés dans les actes de SPIE 2022.

- En cours: demonstration en labo de l’augmentation du rapport signal/bruit par multiplexage en longueur d’onde à l’aide d’un monochromateur.
- Juillet 2022: Test d’une méthode de transport du signal à longue distance sur fibre optique telecom.
- Fin 2022 ou début 2023: Test sur le ciel des SNSPDs.
- 2023: Deuxième mission au VLTI et experience à 3 télescopes.
- 2023/24 : mesures résolues en polarisation.

1. I3T: Intensity Interferometry Imaging Telescope, P.-M. Gori, F. Vakili, J.-P. Rivet, W. Guerin, M. Hugbart, A. Chiavassa, A. Vakili, R. Kaiser, G. Labeyrie, MNRAS 505, 2328 (2021), arXiv:2105.07072.

2. Combined spectroscopy and intensity interferometry to determine the distances of the blue supergiants P Cygni and Rigel, E. S. G. de Almeida, M. Hugbart, A. Domiciano de Souza, J.-P. Rivet, F. Vakili, A. Siciak, G. Labeyrie, O. Garde, N. Matthews, O. Lai, D. Vernet, R. Kaiser, W. Guerin, MNRAS, in press (2022), arXiv:2204.00372.

Grâce à une approche multidisciplinaire, le projet I2C vise à développer des techniques avancées de mesures de corrélation de photons en fonction du temps et de l’espace pour l’astrophysique.

L’idée d’utiliser les corrélations de photons entre deux télescopes séparés, technique dite « interférométrie d’intensité », a été développée par Hanbury Brown et Twiss dans les années 1950s – 1970s, qui l’ont utilisée pour mesurer le diamètre angulaire de 32 étoiles. Cependant cette technique a été ensuite abandonnée pour son manque de sensibilité, en particulier comparé à l’interférométrie directe, qui consiste à faire interférer directement la lumière issue des deux télescopes. Cette dernière technique est maintenant bien maitrisée mais elle est aussi extrêmement exigeante techniquement, et seuls quelques interféromètres de ce type sont opérationnels dans le monde, avec des séparations entre télescopes allant jusqu’à 300 m, et peu de perspectives d’aller au-delà. Or c’est la séparation entre télescopes qui définit le pouvoir de résolution angulaire.

Le projet I2C propose de faire renaitre l’interférométrie d’intensité et de démontrer son nouveau potentiel. En effet, les composants photoniques ont beaucoup progressé depuis les années 1970s et l’interférométrie d’intensité devrait être beaucoup plus efficace maintenant. Surtout, plusieurs technologies sont maintenant disponibles qui peuvent faire rentrer l’interférométrie d’intensité dans une nouvelle ère. Par exemple, il est maintenant possible de synchroniser des télescopes à longue distance en utilisant des horloges atomiques, et les ordinateurs modernes permettent d’enregistrer les temps d’arrivée de tous les photons et de calculer les corrélations entre n’importe quelle paire de télescopes après la mesure. Ces techniques rendent possible l’interférométrie d’intensité avec des réseaux de télescopes répartis sur des kilomètres, produisant des résolutions inégalées. De plus, le manque de sensibilité de l’interférométrie d’intensité pourrait maintenant être compensé par des mesures multiplexées en longueurs d’onde.

S’appuyant sur ses récentes expériences d’interférométrie d’intensité temporelle et spatiale avec des télescopes de un mètre, le consortium à l’origine de ce projet appliquera ces technologies modernes. Les démonstrations technologiques seront effectuées en utilisant les télescopes situés sur le plateau de Calern après des tests et calibrations en laboratoire. En particulier, la démonstration d’interférométrie d’intensité entre multiple télescopes (utilisant trois télescopes à Calern) avec synchronisation à longue distance sans lien physique sera un résultat important, puisque l’extrapolation à des réseaux de télescopes répartis sur des kilomètres serait alors immédiate.

L’interférométrie d’intensité sera aussi appliquée à la physique stellaire par des mesures de diamètres angulaires d’étoiles en fonction de la polarisation et de la longueur d’onde, en particulier sur des raies d’émission. Cela donne des informations sur l’atmosphère ou l’enveloppe circumstellaire de l’étoile. En interférométrie directe, les mesures résolues en polarisation sont extrêmement difficile à cause de la complexité du banc optique, et les raies d’émission de petite longueur d’onde ne sont pas atteignables, deux limitations qui sont absentes en interférométrie d’intensité.

A terme, ce projet devrait déboucher sur la démonstration de l’intérêt et de la faisabilité d’un nouvel instrument interférométrique qui pourrait être installé sur un réseau de grands télescopes existant, par exemple le VLTI.

Coordination du projet

William Guerin (Institut de Physique de Nice)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LAGRANGE (OCA/CNRS/UCA) Laboratoire J-L. Lagrange (OCA/CNRS/UCA)
GEOAZUR Géoazur
INPHYNI Institut de Physique de Nice

Aide de l'ANR 408 780 euros
Début et durée du projet scientifique : - 48 Mois

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