FRAL - Franco-allemand en sciences humaines et sociales

Développement professionnel et capacité d'agir des salariés en entreprise. La France et l'Allemagne au prisme des multinationales – DEVENT

Travail et capacité d’agir des salariés dans des entreprises multinationales Une comparaison franco-allemande

Alors que l’agir individuel est aujourd’hui célébré comme un élément de redéfinition du travail, en étroite association avec l’idée de liberté, de responsabilité, mais aussi d’aspiration et d’épanouissement individuels, ce projet soumet les politiques de ressources humaines des entreprises à l’épreuve d’une enquête sur la capacité effective d’agir des salariés.

Travail et capacité d’agir

Pour ce faire nous avons choisi trois domaines d’investigation : la capacité d’agir en matière de qualité du travail –au double sens de la qualité du travail réalisé et de la qualité des conditions de travail –, de développement professionnel, et de conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Un questionnement plus transversal porte sur la manière dont la capacité ou l’incapacité d’agir des salariés s’articule avec les mécanismes de production de la confiance et de la défiance dans l’entreprise.<br />D’un point de vue conceptuel, nous utilisons la notion de capacité telle qu’elle a été définie par A. Sen autour des trois dimensions suivantes : liberté de choisir, liberté d’agir et responsabilité collective (Sen 2000), en la redéployant à travers une grille d’analyse sociologique.<br />En choisissant comme accès au terrain des multinationales installées en France et en Allemagne, l’objectif était d’étudier, d’une part, comment des politiques RH définies au niveau de groupes multinationaux se traduisent localement dans l’activité de travail, les relations professionnelles, les parcours et le développement professionnel des salariés, d’autre part, d’interroger conjointement l’impact de ces politiques multinationales et des institutions nationales du travail sur la capacité d’agir des salariés. Ce faisant, il s’agissait de revisiter et de questionner l’actualité de « l’effet sociétal » mis en évidence à la fin des années 1970 par M. Maurice, F. Sellier et J. J. Silvestre (1985).

Parce que la capacité d’agir d’une personne ne dépend pas seulement de ses qualités individuelles, mais de son environnement au sens large, il convient d’en interroger les conditions organisationnelles, de même qu’institutionnelles. A cette fin, nous avons opté pour une analyse multi-niveaux combinant l’étude de différents facteurs – de nature institutionnelle, organisationnelle et biographique – susceptibles de contribuer à la capacité ou l’incapacité d’agir des salariés au travail. Au-delà de l’étude de ces facteurs, l’analyse a porté sur la manière dont ils interagissent.
L’approche multi-scalaire se combine avec un principe d’enquête multi-située (Marcus 1995) par études de cas auprès de six multinationales des secteurs de la chimie et de la métallurgie et deux de leurs sites, l’un en France, l’autre en Allemagne, choisis pour le caractère similaire de leurs activités. 12 monographies de site et plus de 300 entretiens biographiques ont ainsi été réalisés.

Autonomiser et responsabiliser les salariés

Les résultats montrent que la capacité d’agir des salariés résulte d’une co-construction entre le salarié et son environnement qui ne se laisse pas caractériser par des traits qui seraient spécifiquement français ou allemands, pas plus qu’elle n’est déterminée en première instance par la politique du groupe multinational. Ce sont des configurations propres à chacun des sites étudiés qui se dessinent. Sur ce point, l’analyse doit encore être poursuivie. Après avoir étudié les facteurs institutionnels et organisationnels qui contribuent à façonner chacune des configurations, il nous faut maintenant nous pencher de plus près sur d’éventuelles récurrences, d’un cas à l’autre, des logiques qui président à l’articulation de ces facteurs.

En dépit du poids historique des institutions éducatives et du travail, les chemins de la France et de l’Allemagne se croisent aujourd’hui autour de la promotion de la capacité d’agir des salariés, associée à une responsabilisation et une autonomisation de ces derniers. Cette croisée des chemins peut signifier aussi bien rapprochement que prise de distance pour le futur. Elle peut être une opportunité pour repenser les fondements communs d’une Europe sociale du travail. Mais il en va ici du volontarisme politique de nos gouvernants et de la mobilisation des travailleurs et des entreprises, pour saisir ce moment de remise en question des certitudes héritées pour construire un avenir commun.

Publications

• B. Zimmermann et L. Renard, à paraître 2019, « Close comparison in a global world. Categorizing quality of work in France and Germany », in O. Giraud, M. Lallement (eds), Decentering Comparative Analysis in a Globalizing World, Leiden, Brill.
• B. Zimmermann, à paraître 2018, « La formation continue et ses réformes : talon d’Achille du système allemand de formation professionnelle », Droit Social, décembre.
• A. Pohn-Weidinger et M. Weissmann, 2017, « L’ouvrier, l’entretien et l’évolution : l’appropriation de la Loi 2014 dans une usine automobile », Sociologies Pratiques, n° 35, 95-104.
• B. Zimmermann, à paraître 2019, « Sécuriser les parcours par le compte. Formation continue, droits subjectifs et politiques de la singularité », in M. Bessin, S. Cavalli et C. Negroni (eds), Le parcours en question, Lille, Presses Universitaires du Septentrion.

Rapport
• A. Pohn-Weidinger et B. Zimmermann, Les ressorts de la confiance en entreprise. Une comparaison franco-allemande, Rapport de recherche du projet DEVENT, 2018, 77 p.


Sur fonds de mondialisation de l’économie, d’exigences de flexibilité accrues pour les entreprises et leurs salariés, mais aussi d’une diversification des aspirations individuelles par rapport au travail, ce projet propose d’étudier les interactions entre les politiques d’entreprises et la capacité d’agir des salariés quant à leur devenir professionnel en France et en Allemagne. Nous analyserons le rôle des politiques du travail et du personnel des entreprises, et la manière dont celles-ci interfèrent avec des facteurs structurels externes, de nature institutionnelle, mais également économique et sociale. D’un point de vue conceptuel, nous mobiliserons la notion de capacité telle qu’elle a été définie par Amartya Sen autour de la liberté de choisir, la pouvoir d’agir et la responsabilité collective.
L’enquête empirique qualitative appréhendera la capacité d’agir des salariés en lien avec trois thématiques qui sont débattues à la fois en France et en Allemagne, mais à partir de lignes de problématisation différentes.
1) La thématique du développement professionnel, en lien avec les politiques d’entreprise et les possibilités de développement des compétences et de carrière qu’elles offrent aux salariés;
2) La thématique de la qualité du travail, sous l’angle de sa prise en compte par les entreprises et des attentes des salariés en la matière.
3) La thématique de l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle, en lien avec la distribution du temps de travail, l’intensification du travail et les risques psycho-sociaux.
L’approche se veut à la fois comparative et croisée, en ce qu’elle entre sur les terrains français et allemands à partir de multinationales installées dans chacun des deux pays. Il s’agira ainsi de contribuer à une approche croisée du travail en France et en Allemagne. L’ambition est de rendre compte de la manière dont les salariés et les entreprises se positionnent aujourd’hui dans chacun des pays, de manière contrastée ou non, par rapport à des enjeux et des problèmes similaires, en tenant compte de la structuration historique des institutions et des catégories qui encadrent leur action. D’un point de vue méthodologique, l’approche articule ainsi différentes perspectives : institutionnelle à travers la prise en compte des institutions qui encadrent le travail, organisationnelle à travers la réalisation des monographies d’entreprise et individuelle à travers la conduite d’entretiens biographiques. Elle combine par ailleurs différentes échelles – de l’échelle locale d’un site de production ancré dans un territoire à l’échelle transnationale d’une multinationale, en passant par les niveaux régionaux et nationaux.

Coordination du projet

Bénédicte ZIMMERMANN (Centre Georg Simmel. Recherches franco-allemandes en sciences sociales (UMR EHESS/CNRS 8131))

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

Centre Simmel Centre Georg Simmel. Recherches franco-allemandes en sciences sociales (UMR EHESS/CNRS 8131)
SOFI Soziologisches forschungsinstitut

Aide de l'ANR 136 682 euros
Début et durée du projet scientifique : mars 2014 - 36 Mois

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