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SANTé, INEgalités, viLLES : une approche comparative des constructions socio-territoriales des inégalités de santé dans des villes secondaires d’Afrique de l’Ouest, Bobo-Dioulasso (Burkina Faso) et Saint-Louis-du-Sénégal – SANTINELLES

SANTINELLES

SANTé, INEgalités, viLLES : une approche comparative des constructions socio-territoriales des inégalités de santé dans des villes secondaires d’Afrique de l’Ouest, Bobo-Dioulasso (Burkina Faso) et Saint-Louis-du-Sénégal

Enjeux et objectifs

Depuis 2007, plus d’un habitant sur deux de la planète vit en ville, résultat d’un puissant phénomène d’urbanisation qui touche tous les continents, y compris l’Afrique où la croissance urbaine annuelle serait supérieure à 3%, avec un taux d’urbanisation de près de 60% d'ici 2030. Si les grandes villes sont au cœur des préoccupations politiques, près de 50% des urbains vivent dans des villes moyennes. En Afrique , elles sont souvent le lieu d’une forte croissance mais, en l’absence de réelle politique urbaine, elles souffriraient à la fois des maux des campagnes et des maux des villes, et ne profiteraient pas de « l’avantage urbain », notamment pour la santé.<br />Au Nord comme au Sud, les questions de santé urbaine restent finalement mal connues. Il est significatif qu’aucune référence à la santé urbaine n’ait été faite en 1978 lors de la Conférence Mondiale d’Alma Ata dédiée aux Soins de Santé Primaires, et qu’elles n’aient été que vaguement soulevées en 1991 lors de l’Initiative de Bamako. Or, de nombreux travaux, au Nord comme au Sud, montrent que l’agencement d’un espace joue sur la santé, comme la santé joue sur les dynamiques territoriales.<br />En nous appuyant sur une équipe de recherche pluridisciplinaire, nous souhaitons conduire une analyse des processus (politiques, sociaux, culturels, territoriaux) à l’origine des traits sanitaires urbains.<br />Nous proposons un triple éclairage des inégalités de santé dans deux villes moyennes, Bobo-Dioulasso (Burkina) et Saint-Louis-du-Sénégal par rapport à l’exposition aux risques, aux inégalités socio-spatiales et aux besoins de soins. <br />La confrontation de ces éclairages permettra de mieux évaluer les liens entre risques, vulnérabilités et inégalités, et de comprendre les constructions socio-territoriales de la santé.<br />

La double originalité de notre projet réside dans son approche pluridisciplinaire - articulant sciences humaines et sociales, et sciences de la santé - et comparatiste. Pluridisciplinaire parce qu’une simple identification de facteurs de risques comme le fait classiquement l’épidémiologie, ne rend pas compte des processus produisant les inégalités de santé. Comparatiste, parce que l’objectif est d’identifier les traits communs et les spécificités des processus créateurs d’inégalités de santé dans deux villes moyennes, et leur traduction dans les inégalités de santé.
Les méthodes mobilisées relèvent des sciences sociales et biomédicales et allient donc des recherches aussi bien quantitatives que qualitatives. Pour la description des deux sites, les travaux s’appuient sur l’analyse des images disponibles (photographies, cartes, scènes de télédétection), la recension des archives et des enquêtes de terrain. La caractérisation des états de santé des populations visées par l’étude (adultes de 35 à 59 ans et enfants de 6 à 59 mois) est réalisée au regard de plusieurs indicateurs de santé (maladies vectorielles, hypertension artérielle, diabète, anémie, états nutritionnels) choisis pour exprimer le double fardeau de morbidité subi par les populations des pays du sud. Elle est mise en œuvre par des enquêtes transversales en population. L’appréhension de l’adéquation entre l’offre de soins et les besoins exprimés par les populations est recherchée au travers de la caractérisation de l’offre, de l’étude des besoins de soins, de l’analyse des recours, et enfin de la comparaison de l’ensemble de ces informations.

A l’issue de l’analyse d’images satellites et de photographies complétées par des enquêtes de terrain, des analyses en composantes principales suivies de classification ascendantes hiérarchiques ont été utilisées pour produire une typologie des 2 villes. Après identification des espaces d’enquête, nous avons procédé à l’échantillonnage des ménages à enquêter grâce à l’outil « Sampling Design Tool » d’ArcGis.
A Bobo-Dioulasso où les enquêtes de santé ont été réalisées fin 2013, 1045 ménages correspondant à 6284 personnes ont été inclus et 816 adultes ont pu être enquêtés ainsi que 880 enfants. Les analyses préliminaires soulignent que l’on ne vit pas de la même façon partout dans la ville et que cela impacte les états de santé. Elles révèlent le poids des maladies non transmissibles chez les adultes avec par exemple, une prévalence brute d’hypertension artérielle de 33,7%. Si 56% des adultes sont normaux pondérés, 24,4% sont en surpoids et 14,8% obèses. Ces moyennes masquent des différences importantes entre les quartiers (7,3% à 23% d’obésité par exemple). Chez les enfants, la pression de l’anémie est forte (61%). Les données relatives aux maladies vectorielles ne sont pas encore toutes disponibles mais en ce qui concerne le paludisme, Plasmodium est présent chez plus de 10% des personnes enquêtées (enfants et adultes). Ce résultat atteste de la pérennité de la transmission en ville malgré les plans de lutte rendant en principe accessibles à tous des traitements et des moustiquaires imprégnées. Des recours aux soins très variables peuvent expliquer en partie ces résultats qui traduisent une accessibilité aux soins différente selon le lieu de résidence mais aussi des niveaux de vie et des modes d’habiter différents, des perceptions de la santé différentes : tout à chacun n’a pas les moyens de tomber malade.

Si les résultats préliminaires soulignent la diversité des quartiers recherchée par notre approche, les disparités observées doivent être testées au plan statistique après avoir contrôlé les variables d’intérêt comme l’âge et le sexe notamment. Cette phase d’analyse est en cours pour les données de Bobo-Dioulasso et elle débutera à St Louis dès que la base de données issue des enquêtes de santé en cours sera validée. Elle sera conduite sur la base d’un protocole d’analyse élaboré dans un souci de comparabilité. Ces résultats devront ensuite être croisés avec ceux issus des enquêtes qualitatives conduites actuellement à St Louis et prochainement à Bobo-Dioulasso pour comprendre sur chaque site comment les inégalités de santé observées sont produites au regard de la construction socio-spatiale des quartiers.
Viendra ensuite la phase de mise en comparaison des deux villes en vue de comprendre les constructions socio-territoriales de la santé.
La restitution des résultats est prévue à différentes échelles, au niveau des quartiers des enquêtes au plus près des populations, au niveau du système de soins et des acteurs de la ville, et à celui de la communauté scientifique.
La réalisation d’un atlas géographique pour chaque ville est programmée, qui visent à un large public, sous forme numérique pour une meilleure accessibilité et une rapidité de production.
La valorisation scientifique des résultats doit démarrer avant la fin 2014.
La thèse de D Kassié, sur les inégalités de santé en lien avec l’urbanisation à Bobo-Dioulasso, soutenue par une bourse de l’IRD, devrait être défendue en décembre 2014.

- Squiban C, 2013. Urbanisation, pratiques spatiales et sanitaires des populations dans deux anciens quartiers centraux de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso). Mémoire de M1 de C Squiban, Université Paris Ouest La Défense Nanterre, 157 p.
- Roudot A, Piermay JL, 2013. Différenciation de l’espace urbain saint-louisien. Rapport de la mission réalisée à Saint Louis par A Roudot et JL Piermay, 23 novembre - 10 décembre 2013, 43 p.
- Salem G, 2013. Urbanisation et santé : une nouvelle équation au sud. Sciences au Sud - n° 71 - septembre/octobre 2013.
- Fournet F, 2013. L’irruption des maladies chroniques. Sciences au Sud - n° 71 - septembre/octobre 2013.
- Salem G et Niang A, 2013. Offre de soins variée mais inégalitaire. Sciences au Sud - n° 71 - septembre/octobre 2013.
- Karama F, 2014. Dynamique de l’offre de soins dans la ville de Bobo-Dioulasso. Mémoire de M1, Université de Ouagadougou, 87 p.
- Fournet F, 2014. La dengue : diagnostic et stratégies de lutte. Conférence invitée. 17èmes Journées de la santé de Bobo-Dioulasso, 6-9 mai 2012, Bobo-Dioulasso, Burkina Faso.
- Kassie D, Zeba A, Rouamba J, Yaméogo TM, Tougouma JB, Barro SDC, Sanou RA, Karama F, Sanou S, Kinda AA, Ouédraogo A, Paré L, Dabiré R, Fournet F, 2014. Inégalités de santé et urbanisation : l’exemple de Bobo-Dioulasso. 17èmes Journées de la santé de Bobo-Dioulasso, 6-9 mai 2012, Bobo-Dioulasso, Burkina Faso.
- Karama F, Kassie D, Sanou S, Nikiema H, Ouedraogo FC, Fournet F, 2014. Dynamique de l’offre de soins modernes dans la ville de Bobo-Dioulasso. 17èmes Journées de la santé de Bobo-Dioulasso, 6-9 mai 2012, Bobo-Dioulasso, Burkina Faso.
- Fournet F et Salem G, 2014. Compte rendu de l’atelier de mi-parcours. Bobo-Dioulasso, mai 2014, 43 p.
- Fournet F et Salem G, 2014. Protocole de collecte et d’analyse des données. Note méthodologique (en cours de finalisation).

Notre proposition de recherche, pluridisciplinaire et comparative, se distingue par sa volonté de donner un triple éclairage aux inégalités de santé dans deux villes moyennes, Bobo-Dioulasso (Burkina Faso) et Saint-Louis-du-Sénégal : des inégalités d’exposition, des inégalités socio-spatiales d’états de santé, des inégalités de satisfaction des besoins de soins.
La confrontation de ces éclairages sur les deux sites, permettra de mieux évaluer les liens entre risques, vulnérabilités et inégalités, et de comprendre les constructions socio-territoriales de la santé.

a) Production de l’espace urbain et exposition inégale aux risques sanitaires - La ville n’est pas homogène, pas plus au plan social que sanitaire : les inégalités de santé entre quartiers de ville sont générées par une certaine production et gestion de l’espace urbain dont il convient d’analyser les processus si l’on veut en comprendre l’origine. Pour reconstituer ces logiques, et caractériser les formes de « développement inégal » au sein de la ville, il importe donc de mettre en perspective historique, sociale et politique la construction de l’espace urbain, en la considérant avec le regard particulier de ceux qui s’intéressent aux questions de santé.

b) Des inégalités socio-spatiales de santé aux profils sanitaires - Nous proposons d’étudier dans des aires géographiques exemplaires de la diversité de ces deux villes l’état de morbidité de la population âgée de 40 à 59 ans parce que cette classe d’âge joue un rôle économique et social majeur, et qu’elle est tout à la fois exposée aux classiques pathologies infectieuses et parasitaires et aux pathologies chroniques dont le risque augmente avec l’âge.
En utilisant des traceurs variés, infectieux ou non transmissibles, nous ambitionnons de mesurer des inégalités intra urbaines en termes de prévalence, et de définir des profils sanitaires d’individus et/ou d’espaces, en montrant d’éventuels cumuls de pathologies pour certains groupes de populations.

c) Des inégalités socio-spatiales aux inégalités de satisfaction des besoins de soins - Si la littérature souligne la correspondance globale entre niveau de pauvreté, exposition aux risques, état de santé et satisfaction des besoins de soins, cette correspondance est modulée par les rapports sociaux tels qu’ils se manifestent, notamment dans les relations de solidarité intergénérationnelle ou de voisinage, les représentations de la maladie et de ses causes, ou encore les relations de genre. La proximité géographique d’une structure de soins ne saurait en aucune façon être une condition suffisante de la satisfaction des besoins. Il importe dès lors de s’intéresser à la façon dont on se soigne et dont on est soigné dans la ville. Ce processus de décision, inscrit dans les relations sociales (relations entre pairs, avec le conjoint, les parents) est d’autant plus complexe que la ville se caractérise par la densité et la variété de l’offre de soins.

d) Les constructions socio-territoriales de la santé - La mise en perspective historique, sociale, politique, culturelle, environnementale de la production de l’espace et du territoire urbains, éclaire les processus à l’origine des inégalités/disparités de santé, et en retour, la place de la santé dans les dynamiques socio-territoriales des sous-ensembles urbains. La mesure des inégalités d’état de santé et de satisfaction de besoins de soins - preuves empiriques des processus à l’œuvre -, la place centrale donnée à l’approche genre dans chacun des volets de la recherche dépassent donc la simple mesure des disparités socio-spatiales et l’évaluation des effets de lieu, et permettent d’aborder les « constructions socio-territoriales de la santé ».

Coordination du projet

Gérard SALEM (INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT) – salem.gerard@gmail.com

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

IRD - CEPED INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT
IRD - MIVEGEC INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT

Aide de l'ANR 299 857 euros
Début et durée du projet scientifique : novembre 2012 - 36 Mois

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