Le développement de la compréhension des textes: analyse des habiletés sous-jacentes et consruction d'un outil d'évaluation – DEVCOMP

Les questions de la compréhension en lecture et de son développement comme celles de son évaluation et de son enseignement, se posent aujourd’hui avec de plus en plus d’acuité. Elles suscitent l’intérêt d’un nombre croissant de chercheurs mais aussi celui des responsables et décideurs en matière de politiques éducatives. Malgré le très grand nombre de recherches développées depuis une quarantaine d’années en psychologie dans le domaine de la compréhension du langage et des textes, les scientifiques, comme les enseignants peinent à répondre à la légitime demande sociale, pourtant de plus en plus pressante, qui consiste à demander à l’école de former des lecteurs capables de comprendre et d’apprendre en lisant.
La complexité de l’activité de compréhension mais, plus encore, son statut scientifique ambigu au sein des sciences cognitives sont sans doute les éléments majeurs à l’origine de cette situation paradoxale (see Catts & Khami, 2005). Il s’ensuit que les recherches sur la lecture ont été majoritairement consacrés au code alphabétique et à son acquisition. On sait aujourd’hui assez bien décrire la construction des habiletés d’identification des unités graphiques, les difficultés qu’elles soulèvent et les modes d’enseignement efficaces de la lecture (Ehri & al., 2001 ; Hatcher & al. 2004 ; Sprenger-Charolles & al., 2006, Ziegler & Goswami, 2006). La situation est beaucoup plus confuse en matière de compréhension de l’écrit. Son développement n’est encore que partiellement compris et les prescriptions pédagogiques restent partielles et sont encore très peu étayées sur des résultats empiriques. Il en est de même des outils d’évaluation actuellement disponibles qui, dans leur majorité, présentent la compréhension comme une activité unitaire et donne une mesure généralement globale de la performance individuelle rapportée à une population de référence alors que la compréhension des textes n’est précisément pas une activité unitaire (voir Bianco, 2010 ; Fayol, 2003, Kintsch 1998). Plus encore, des analyses récentes ont montré que les différents tests étalonnés ne mesurent pas exactement les mêmes habiletés et que les performances d’un même individu varient énormément selon l’épreuve utilisée; les corrélations observées entre les différentes épreuves sont souvent moyennes et s’échelonnent selon les études de .18 à .70 (Keenan & Betjemann, 2006 ; Keenan, Betjemann & Olson, 2008). Nos connaissances actuelles sur le développement de la compréhension, les activités d’enseignement et/ou de remédiation susceptibles de favoriser ce développement, souffrent, à notre avis, d’un double manque : (1) celui de disposer d’une meilleure description du développement des habiletés cognitives qui concourent à la compréhension des textes pendant l’enfance et (2) celui de disposer d’un outil d’évaluation étalonné qui prenne explicitement en compte les habiletés langagières et cognitives sous-jacentes afin de permettre un diagnostic précis des difficultés rencontrées par un individu donné.
L’objectif de ce projet est d’apporter tout d’abord une meilleure description du développement des dimensions essentielles de la compréhension des textes et d’élaborer un outil d’évaluation encore inexistant en France. Cet outil devra permettre une évaluation précise des habiletés qui sous-tendent la compréhension des textes et présenter une sensibilité développementale adaptée. Cette double contrainte nécessite l'utilisation de modèles statistiques sophistiqués – modèles de réponse à l’item, analyse factorielle d’items et analyses factorielles confirmatoires - qui permettront à la fois de questionner la « dimensionnalité » du concept de compréhension et de produire une échelle dévelopmentale adaptée. Cette approche novatrice permettra de construire des épreuves théoriquement motivées et statistiquement validées dans leur dimensionnalité comme dans leur sensibilité dévelopementale (Francis, Flechter, Cats & Tomblin, 2005 ; Francis, Snow & al., 2006).