Les Français dans la vie scientifique russe (XVIIIe-XXe siècle) – FRASCIRU

L?approche du programme proposé sera à la fois chronologique et thématique. Le projet se divise en trois tranches ; la première se prolonge de la fondation de l?Académie impériale russe (1725), l?instance qui fédère la recherche en ce pays, jusqu?aux années 1830 où l?émigration et l?immigration subirent des règlements très stricts. Une deuxième phase, allant des années 1840 à 1924 relève de la conservation des passeports et visas ; elle permet une analyse plus quantitative de la coopération scientifique franco-russe. Le XIXe siècle aboutit sur la découverte de la civilisation russe ; une génération de chercheurs slavisants assura ainsi une certaine continuité des contacts jusqu?à l?avènement de Staline. La dernière partie, consacrée au XXe siècle, s?échelonne du premier plan quinquennal, concomitant avec les premières purges à l?Académie des Sciences soviétique, à l?ère Khrouchtchev où de nombreux membres de cette institution, arrêtés et exilés à la fin des années 1920, furent réhabilités, alors que le premier secrétaire du Parti songeait définitivement à fermer ce fleuron de la recherche russe et soviétique. Plusieurs sujets de recherche orientent cette enquête de longue durée ; l?histoire des premiers contacts, l?apport culturel des Français en Russie, dans le cadre de leurs réseaux familiaux, amicaux, internationaux et surtout professionnels aboutit parallèlement à une étude sur la francophonie. L?Académie des Sciences contrôlait les connaissances des langues des immigrants qui souhaitaient devenir précepteur et le bon fonctionnement des établissements d?enseignement tenus par des Français. La venue des Français en Russie était déterminée par les conditions offertes par l?Académie. Il en allait en premier lieu du financement des recherches et des avantages matériels proposés aux chercheurs. L?usage généralisé du français facilita aussi la recherche sur le terrain. A partir de la fin du XVIIIe siècle, les Français participèrent à l?exploration du pays ; un siècle plus tard des expéditions furent organisées et donnèrent lieu à des congrès, expositions et publications communes. L?amélioration des connaissances géographiques, topographiques et ethnologiques contribua à l?industrialisation du pays qui entraîna l?établissement d?un réseau de chemins de fer, la construction de routes et l?électrification du pays auxquels les Français eurent une part importante. Ces acquisitions technologiques encourageaient les investissements financiers. Les entrepreneurs français entretenaient des réseaux dans lesquels les scientifiques avaient une part active. La majorité des Français quittèrent la Russie après 1917. Les contacts scientifiques devinrent ponctuels et s?amenuisèrent encore avec les grandes purges. Seuls les séjours de courte durée furent autorisés (colloques, visites ponctuelles et « publicitaires »). Les spécialistes de la Russie essayaient pourtant de maintenir le contact avec leurs collègues russes et encourageaient la diffusion de la culture française en leur pays. Après la mort de Staline, les contacts s?intensifièrent à nouveau. Les acquis technologiques de l?URSS conférèrent à celle-ci un prestige sans pareil. La caution des scientifiques français entre autres préserva l?Académie des Sciences d?une fermeture définitive. Ce projet conçu en étroite collaboration avec des historiens, littéraires et archivistes doit aussi contribuer à un rapprochement institutionnel entre le centre Roland Mousnier et l?Institut d?histoire universelle de l?Académie des Sciences de Russie.