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Formes de la vie dans la mégapole: Milet dans la longue durée – MegaMil

Formes de la vie dans la mégapole: Milet dans la longue durée – MegaMil

Archéologie sociale d'une grande ville antique

Une approche concrète d'une mégapole antique

Milet est connu comme un exemple type d'une grande ville grecque antique, surtout pour son plan urbain: par-delà la figure d'Hippodamos, originaire de Milet et figure emblématique de l'urbanisme grec intimement rattaché à la cité-Etat, des travaux de terrain ont permis durant les années 2000 de tracer très précisément les articulations du plan urbain. Néanmoins, sa nature exacte et les moments importants de son histoire, de sa création à son abandon, restent obscurs. De manière paradoxale sur un site exploré depuis un siècle, les fouilles d'habitat sont très rares, conséquence de la concentration des travaux sur les grands monuments. Il est donc nécessaire de passer à une archéologie sociale et environnementale d'une grande ville antique, pour restituer, par-delà le dessein d'ensemble, les articulations locales et les processus concrets de l'organisation urbaine.

Eléments prévus:
(1) La construction d’un SIG visant à intégrer les données géoréférencées. Sur la base d’un plan numérique, les données produites par le projet sont mises en ligne sur un GeoServer (Web Map Service, Web Feature Service). Le système, durable, pourra à l’avenir intégrer d’autres ensembles de données (UHH, avec la Beuth-Hochschule für Technik/Berlin).
(2) Des sondages dans le réseau de rues dans l’ensemble de l’espace urbain, en se fondant sur les résultats des prospections géophysiques (UHH et ENS).
(3) L’étude d’ensembles issus de fouilles anciennes et restés non publiés, pertinents pour l’étude de l’architecture et de l’équipement domestiques à différentes époques (ENS et UHH).
(4) Des fouilles stratigraphiques (a) dans l’habitat à l'ouest du Bouleutérion, zone occupée depuis le Bronze récent (ENS) ainsi que (b) dans l’habitat occupé de l’époque classique à l’époque impériale tardive sur le Humei-Tepe (UHH).
(5) Une étude intégrée du matériel domestique : analyse des témoignages matériels de la vie quotidienne (en particulier la céramique), analyses scientifiques sur les reste animaux et végétaux (ENS, UHH, CNRS).
(6) Un atelier scientifique à Milet rassemblant des experts de la céramique travaillant dans le cadre d’autres projets archéologiques de la région du Méandre : échanges scientifiques sur le répertoire céramique comme première évaluation des relations de Milet avec la région et comme premier pas vers un projet plus large.

Le rythme de réalisation de ce projet, qui porte essentiellement sur une activité de recherche de terrain visant à constituer des sources nouvelles, est dépendant de celui des fouilles archéologiques en Turquie. Nous avons chaque année une ‘fenêtre’ d’un peu plus de deux mois, entre juillet et septembre, pour mener les fouilles. En-dehors de cette période on se concentre sur l’exploitation des données.
Le GeoServer comprend désormais les données topographiques et l’ensemble des données des fouilles anciennes qui ont pu être localisées. Ce travail a été effectué tout au long des deux premières années du projet. Il correspond à l’objectif (1) [voir C1]. Des données utilisables dans tout logiciel de SIG sont ainsi disponibles ; une version en ligne de la carte du site est disponible ici : geoserver.dainst.org/catalogue/.
Une bibliographie de tous les travaux effectués à Milet depuis le XIXe s., sous forme d’une base de données en lignes et disponible aussi en pdf (en trois versions, alphabétique, thématique et chronologique), a été établie par l’équipe : www.miletgrabung.uni-hamburg.de/material/bibliographie.html
Enfin au titre des outils de travail, un manuel de fouille exposant les méthodes employées et la structure de la documentation est disponible depuis 2021 : www.miletgrabung.uni-hamburg.de/material/milet-manual.html, pour le moment en allemand et en anglais.
Une traduction française de ce manuel et du guide de Milet édité par Ph. Niewöhner, actuellement disponible en allemand et en turc, est en préparation.
La fouille stratigraphique de deux zones (équipe allemande sur le Humeitepe, la colline septentrionale du site, et équipe française dans le quartier à l’ouest du Bouleutérion, en plein centre-ville hellénistique) a permis de fonder clairement certaines observations essentielles sur la chronologie du plan hippodamien et l’importance de l’entretien, voire de la construction des rues par les habitants du lieu, à l’échelle du quartier voire de l’îlot.

Chacune des zones de fouilles a permis :
- des résultats d’ordre chronologique, sur l’ampleur temporelle de la mise en place et de la permanence du plan urbain antique, ainsi que sur les périodes précédentes (âge du Bronze, époques géométrique et archaïque) et suivantes (époque méso-byzantine, émiratie et ottomane). En ce qui concerne l’implantation du plan orthogonal,
- des résultats d’ordre fonctionnel et social : une résidence aisée dans la zone du Humeitepe, répondant à ce qui apparaît comme un plan type pour les résidences de l’élite, déjà connues par d’autres exemples anciennement fouillés et mal documentés ; et un quartier plus modeste, en plein centre-ville, près du siège du Conseil (Bouleutérion), avec des bâtiments plus petits et des ateliers (un atelier de bronzier fouillé en 2022, des vestiges d’artisanat du fer).
- des résultats sur la nature et le fonctionnement du plan, entretenu à une échelle locale, cohérents avec les résultats des sondages dans les rues.

Des sondages ponctuels ont comme prévu été effectués dans les rues. Dans la zone à l’ouest du Bouleutérion il a été établi que les rues n’ont été mises en place que vers 400 avant notre ère, ce qui contredit les hypothèses maximalistes sur l’existence d’un plan orthogonal dès l’époque archaïque et pose en termes nouveaux la question de la nature de l’occupation à ces hautes périodes. Un sondage effectué par l’équipe française près de l’agora méridionale a montré qu’un segment de rue souvent représenté comme tel sur les plans de la ville n’avait jamais été aménagé et était resté à l’état de terrain vague (le rocher plus haut qu’ailleurs n’a pas été entamé) ; le plan hippodamien apparaît comme une proposition pas toujours réalisée. Des sondages en plusieurs autres points du site sont en cours et seront achevés en 2023.
L’étude des fouilles anciennes enfin a avancé, comme le montre le SIG en ligne, et les données seront utilisées dans le prochain volume sur les rues (Rues de Milet/Strassen von Milet, en préparation).

Pour le moment:
Miletus Documentation Manual / Manuel de fouille de Milet, en open access : www.fdr.uni-hamburg.de/record/10030

Située sur la côte occidentale de la Turquie, Milet fut une mégapole importante de la Méditerranée antique, et représente un lieu essentiel pour les recherches archéologiques sur l’urbanisme. Ce site offre un exemple idéal de la genèse d’une grande ville parfaitement intégrée dans les réseaux méditerranéens. Les recherches s’y sont cependant concentrées, jusqu’ici, sur certaines parties de l’habitat de l’âge du Bronze à l’époque archaïque, et sur le centre monumental de la ville postclassique. L’objectif du présent projet est, à l’inverse, de s’attacher au développement dynamique de l’habitat, par-delà les lieux publics centraux, dans une perspective de long terme, depuis le Bronze récent jusqu’à la fin de de l’empire romain (des environs de 1400 avant notre ère jusque vers 400 de notre ère). Dans le cadre d’une coopération entre l’ENS Paris et l’Université de Hambourg, les formes spécifiques de la vie dans une grande ville seront explorées à trois échelles : celle des maisons et de leur environnement immédiat, celle de la structure d’ensemble de l’habitat, enfin celle des relations entre la mégapole et ses environs. L’absence d’occupation moderne sur le site permet d’envisager l’emploi d’un large spectre interdisciplinaire de méthodes archéologiques, qui permettront d’étudier l’ensemble des contextes de manière adaptée selon les problèmes à explorer. On prévoit en particulier, en se fondant sur les résultats des prospections géophysiques entreprises ces dernières années à Milet, des sondages ciblés dans l’ensemble de la ville pour reconstruire le développement urbain dans sa dynamique spatiale et temporelle, ainsi que des fouilles fines comprises comme des études de cas sur les espaces éloignés du centre et leur environnement. L’étude du matériel portera sur l’ensemble de l’équipement des maisons ainsi que sur les restes animaux et végétaux. Des informations précieuses peuvent être tirées de l’exploitation des données issues de contextes domestiques mis au jour dans des fouilles anciennes. Un SIG intégrera les différentes bases de données existantes, qui peuvent d’ores et déjà être complétées par une reconstruction de la ligne de côte fondée sur les résultats des recherches géomorphologiques récentes ainsi que par un modèle numérique de terrain (MNT) en cours de construction. L’ensemble des données est placé sur un GeoServer qui permet des accès différenciés aux participants au projet, aux collègues intéressés et à un large public. Les résultats obtenus aboutiront à une ample monographie. De manière générale, ce projet vise à contribuer à notre connaissance des formes de la vie quotidienne dans une grande ville antique, grâce à l’exemple de Milet.

Coordination du projet

Julien ZURBACH (Archéologie et philologie d'Orient et d'Occident)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

AOROC Archéologie et philologie d'Orient et d'Occident
UHH Université de Hambourg

Aide de l'ANR 331 430 euros
Début et durée du projet scientifique : mai 2020 - 36 Mois

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