CE36 - Santé Publique

Des virus pour soigner: le difficile développement d'une innovation biomédicale contre-intuitive – anthropo-phages

Résumé de soumission

Ce projet a pour objectif de mener une réflexion interdisciplinaire sur l’utilisation thérapeutique des virus bactériophages (ou phages) pour traiter les infections bactériennes humaines. Face à la montée en puissance des bactéries résistantes aux antibiotiques, considérées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme l’un des défis majeurs de santé publique du 21ème siècle, la thérapie phagique, développée en France il y a 100 ans puis tombée peu à peu dans l’oubli en Europe de l’Ouest et aux Etats-Unis, apparaît en effet très prometteuse. Alors que nous assistons aujourd’hui à une volonté forte de certains acteurs des sphères clinique, scientifique et économique de la voir se développer de nouveau, la disparition de la thérapie phagique de l’offre de soin pendant plusieurs dizaines d’années en Occident, et les hostilités multiples qu’elle rencontre aujourd’hui, la cantonnant à une pratique à usage compassionnel, doivent nous amener à nous interroger sur une telle situation. Il s’agit donc dans ce projet de comprendre l’histoire du développement de cette thérapie et les défis auxquels elle est confrontée aujourd’hui, pour mieux anticiper les conditions de son déploiement.
Ce projet repose sur une hypothèse forte : la thérapie phagique, l’utilisation d’entités biologiques dynamiques, implique des conceptions de la santé, de la maladie, du soin, mais aussi des relations entre humains et environnement qui sont différentes de celles développées dans le cadre de la biomédecine du 20ème siècle, qui s’est principalement fondée sur l’utilisation de molécules chimiques. Cette spécificité des phages traverse l’ensemble des corpus disciplinaires mobilisés sur les questions de santé, et se répercute à différents niveaux de la production, de l’évaluation et de la circulation des savoirs biomédicaux, constituant autant d’obstacles ou de points de blocage à analyser.
Le projet est organisé en quatre axes, et fondé sur une analyse qualitative interdisciplinaire et comparative. Il aura ainsi pour objectif de dresser un état des lieux de la thérapie phagique en Europe, et de livrer des études de cas principalement en France et en Belgique, de façon à analyser les interactions entre production des savoirs, réglementation et logiques d’appropriation ou de marchandisation des phages.
Le premier axe, consacré à l’histoire scientifique et médicale des phages, permettra notamment de développer une analyse conceptuelle de la notion de médecine de précision, et ce qu’elle engage dans nos conceptions du soin, de la maladie, des relations de l’humain aux microbes et à l’environnement. Le deuxième axe, en s’intéressant à la production de la preuve dans le domaine de la santé, permettra d’analyser les liens existant entre réglementation et production des savoirs scientifiques sur les phages. Cette réflexion sera d’autant plus riche que ces virus, en raison de changements réglementaires en cours, appartiennent à deux catégories juridiques distinctes (phages comme médicaments / comme ingrédients d’une préparation magistrale), ce qui permettra de comparer les deux situations. Le troisième axe analysera les logiques d’appropriation ou de marchandisation permises par ces différentes réglementations, ainsi que leurs conséquences sur la production des savoirs. Le dernier axe sera consacré quant à lui aux usages des phages. Le potentiel des phages en fait des éléments précieux en santé humaine, mais aussi en santé animale et environnementale. Il s’agira donc de s’interroger sur l’acceptabilité de leur utilisation, mais également sur les éventuelles conséquences sociales, culturelles, politiques, et environnementales, de la généralisation de leurs usages. Ce projet a ainsi pour ambition d’étudier une innovation biomédicale mais également de renouveler le regard que nous portons sur nos relations aux microbes, condition sine qua none pour faire face aux défis de santé publique du 21ème siècle.

Coordination du projet

Charlotte Brives (CENTRE ÉMILE-DURKHEIM - SCIENCE POLITIQUE ET SOCIOLOGIE COMPARATIVES)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CED CENTRE ÉMILE-DURKHEIM - SCIENCE POLITIQUE ET SOCIOLOGIE COMPARATIVES

Aide de l'ANR 282 746 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2018 - 36 Mois

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