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Bio-physicochimie des nuages tropicaux au Maïdo (Île de la Réunion) : processus et impacts sur la formation des aérosols organiques secondaires – BIO-MAIDO

Bio-physicochimie des nuages tropicaux au Maïdo (Île de la Réunion) : processus et impacts sur la formation des aérosols organiques secondaires (AOS)

Le milieu tropical de l’île de La Réunion présente des conditions optimales pour étudier la formation des AOS : (1) de nombreux composés biogéniques, précurseurs des AOS sont émis en grande quantité et le fort ensoleillement et la température élevée favorisent leurs transformations chimiques ; (2) en raison de la forte occurrence des nuages de pente, ce site permet d’évaluer l’influence des processus aqueux dans la formation des AOS.

Mieux représenter les mécanismes chimiques et biologiques nuageux conduisant à la formation d’aérosols organiques secondaires dans les modèles pour une meilleure estimation des aérosols organiques

Le programme BIO-MAIDO a pour objectif de mieux comprendre les mécanismes chimiques et biologiques multiphasiques contrôlant la formation des aérosols organiques secondaires (AOS). Les incertitudes sur les processus de formation et de transformation des aérosols organiques atmosphériques doivent être levées pour répondre aux questions des impacts de ces particules sur la qualité de l’air, la santé et le changement climatique. Les modèles tridimensionnels de chimie atmosphérique sont globalement incapables de reproduire les observations quant à la quantité, le degré d’oxydation et la distribution spatiale des aérosols organiques. La majeure partie de la masse de cette fraction organique est d’origine secondaire c’est à dire directement formée dans l’atmosphère. Les précurseurs majeurs de ces AOS sont des composés naturels émis par la végétation (ou composés biogéniques comme l’isoprène) mais aussi des composés aromatiques d’origine anthropique. Bien que la réactivité chimique en phase gazeuse de ces composés soit relativement bien connue, la nature et le potentiel de formation d’AOS de leurs produits d’oxydation restent encore incertains. Les composés biogéniques sont particulièrement importants puisqu’ils représentent jusqu’à 90% des hydrocarbures non méthaniques émis dans l’atmosphère. Leurs produits d’oxydation sont solubles dans l’eau atmosphérique où ils sont photo-oxydés. La réactivité chimique en phase aqueuse est différente de celle en phase gazeuse et peut conduire à la formation de composés moins volatils. La contribution de la phase aqueuse est maintenant reconnue comme importante dans la formation des AOS mais elle est à ce jour mal comprise en termes de processus et très mal représentée en particulier dans les modèles 3D. Le rôle potentiel de bactéries présentes dans l’eau nuageuse sur la composition chimique du nuage a été démontré mais aucune étude à ce jour n’a évalué leurs effets sur la formation d’AOS.

La campagne de mesure de BIO-MAÏDO a eu lieu du 13 mars au 4 avril 2019 sur l’île de La Réunion dans l’objectif de documenter le cycle de vie des nuages sur la pente du Maïdo, le développement de la couche limite et l’évolution de la composition chimique atmosphérique (aérosols primaires et secondaires et gaz précurseurs) le long de la pente jusqu’au site récepteur, l’observatoire du Maïdo. La campagne a eu lieu sur cinq sites répartis sur la pente du Maïdo jusqu’à l’observatoire à 2165 m qui se trouve en zone réceptrice où de nombreuses mesures physico-chimiques pour les aérosols et chimiques pour les gaz permettent d’y caractériser les masses d'air transformées et oxydées. L’analyse des données obtenues a pour objectif d'évaluer les voies multiphasiques de formation et d'oxydation des AOS en incluant l’effet des bactéries présentes dans l’eau nuageuse. Des calculs de rétro-trajectoires et de trajectoires permettent d’estimer les grandes origines des masses d’air et les contributions des différentes sources locales (marine, urbaine depuis la côte).
Les données obtenues seront exploitées dans un modèle explicite de chimie du nuage (CLEPS) qui permet d’intégrer l’effet des bactéries dans l’eau nuageuse. Les résultats de CLEPS permettront d’optimiser le mécanisme chimique réduit multiphasique du modèle 3D de transport/chimie (Meso-NH). Une paramétrisation de l’effet des bactéries sera prise en compte dans Meso-NH. Meso-NH sera appliqué à plusieurs cas d’étude de la campagne afin de déterminer sa capacité à simuler la formation d’AOS, la contribution des voies multiphasiques dans cette formation et le rôle potentiel des bactéries.

La campagne de mesures a été un succès avec des conditions météorologiques largement favorables avec la formation de nuages sur pente presque tous les jours de la campagne.
Les analyses chimiques pour les gaz, les aérosols et l’eau nuageuse, et les analyses biologiques pour les aérosols et l’eau nuageuse sont presque entièrement finalisées. Les calculs de rétro-trajectoires avec FLEXPART/ECMWF ou /AROME ont été effectuées. Les analyses chimiques des aérosols montrent que la contribution anthropique est très faible, que la contribution de l’isoprène, composé d’origine biogénique, à la formation d’aérosols organiques secondaires est significative à l’observatoire du Maïdo et que la présence de sulfate est forte que ce soit dans le mode submicronique ou super-micronique. L’origine principale de ce sulfate ne semble pas être marine et reste à identifier. Les analyses chimiques de l’eau nuageuse montrent aussi la présence de sulfate d’origine inconnue. Les concentrations en ions inorganiques sont globalement élevés avec une contribution marine (Na, Cl) dominante. Les teneurs en métaux traces et notamment le fer sont faibles. Enfin, la composition en composés organiques dissouts est extrêmement complexe montrant la présence importante de composés biogéniques comme les sucres, les acides aminés. Les composés oxygénés sont également présents en phase aqueuse comme les composés carbonylés (formaldéhyde dominant) et les acides carboxyliques qui sont également mesurés dans la phase particulaire plus bas sur la pente.Toutefois, les niveaux de matière organique identifiés dans l’eau nuageuse par ces analyses chimiques bien plus complètes que ce qui est généralement pratiqué ne permettent au mieux d’expliquer que 30% de la matière organique totale présente dans l’eau nuageuse.
Les analyses biologiques pour les aérosols et l’eau nuageuse montre que 4 groupes de bactéries dominent ce qui est représentatif du core microbien atmosphérique.

Afin de déterminer les jours où une connexion existe entre les sites donc où la masse d’air arrivant à l’observatoire est bien passée par les sites sur la pente, des calculs complémentaires de trajectoires sont en cours avec un autre modèle lagrangien, CAT. CAT utilise les données des simulations dynamiques de Meso-NH qui sont disponibles pour toute la campagne à des résolutions horizontales de 2km, 500m et 100m. Les trajectoires obtenues sont donc capables de déterminer finement où les masses d’air sont passées. Le jeu de données complets gaz, aérosols et eau nuageuse va être analysée à l’aide de ces nouvelles trajectoires. Ce travail donnera lieu à une publication générale sur les résultats de la campagne.
L’analyse de la composition chimique de l’eau nuageuse est en cours de finalisation et va donner lieu à une publication qui devrait être soumise début 2021. D’autres publications sont en attente sur les gaz précurseurs et les aérosols.
Le travail de modélisation chimique 3D avec Meso-NH va débuter en 2021. Il se penchera dans un premier temps sur l’étude des gaz précurseurs et des aérosols avant l’introduction de la chimie nuageuse. Le mécanisme chimique de Meso-NH pour la phase aqueuse bénéficiera des simulations effectuées avec CLEPS qui devrait débuter courant 2021. Une attention particulière sera portée à l’introduction de l’effet des bactéries sur la composition chimique organique de l’eau nuageuse et sa simplification pour la prise en compte dans le modèle 3D.

Conférences :
Leriche, M., C. Jambert, A. Colomb, A. Borbon, L. Deguillaume, P. Tulet, V. Duflot, S. Houdier, J.-L. Jaffrezo, M. Vaitilingom, F. Burnet et al. : Bio-physicochemistry of tropical clouds at Maïdo (La Réunion Island): processes and impacts on SOA formation, workshop des acteurs et utilisateurs ACTRIS-FR, 21-24 mai 2019, Saint-Pierre D’Oléron, France, Mai 2019.
Rocco, M., A. Colomb, J.-L. Baray, A. Borbon, L. Deguillaume, M. Leriche, P. Tulet, C. Amelynck, N. Schoon, B. Verreyken, V. Gros, C. Jambert, L. Bouvier, R. Sarda-Esteve, G. Péris, C. Guadagno, F. Burnet, T. Bourrianne: Characterization of reactive gases during BIO-MAIDO campaign along the Maïdo slope on Indian Ocean tropical island (Reunion Island), Atmospheric Chemical Mechanisms Conference, 9-20 novembre 2020, conférence virtuelle organisée par UC Davis Air Quality Research Center, Novembre 2020.
Action de diffusion :
Communiqué de presse au début de la campagne de mesures en mars 2020.
Reportage TV sur la campagne diffusé pendant un bulletin d’information d’Antenne Réunion en mars 2020, www.linfo.re/la-reunion/societe/changement-climatiques-les-scientifiques-s-installent-au-maido
Conférence de presse avec visite des sites de mesures organisée par l’Université de la Réunion en mars 2020.
Leriche, M. : BIO-MAÏDO : une campagne de mesures tropicale pour l’étude de la formation d’aérosols organiques dans les nuages, La Météorologie, 8, 106, 17-19, août 2019.

Le projet BIO-MAIDO a pour objectif de mieux comprendre les mécanismes chimiques et biologiques multiphasiques contrôlant la formation des aérosols organiques secondaires (AOS). Le milieu tropical de l’Ile de la Réunion présente des conditions optimales pour étudier la formation des AOS : (1) de nombreux composés biogéniques, précurseurs des AOS sont émis en grande quantité et le fort ensoleillement et la température favorisent leurs transformations chimiques ; (2) en raison de la forte occurrence de brouillards, ce site permet d’évaluer l’influence des processus aqueux dans la formation des AOS. La stratégie proposée repose sur une campagne de mesures d’ampleur sur deux sites afin de caractériser les sources d’émission des gaz et des aérosols, et d'évaluer les voies multiphasiques de formation et d'oxydation des AOS. Ce travail s’effectue en synergie avec des études de modélisation avec un modèle explicite de chimie du nuage (CLEPS) et un modèle 3D de transport/chimie (Meso-NH).
La campagne de mesures se déroulera sur deux sites : un situé à mi-pente proche des sources biogéniques (milieu forestier) et soumis à la formation de nuage et un en zone réceptrice de l’air ayant subi des transformations multiphasiques chimiques (observatoire du Maïdo). Les résultats antérieurs de simulations numériques et d’observations in situ ont montré que l’air mesuré à l’observatoire du Maïdo provient de l’océan et résulte d’un mélange de sources à la fois anthropiques, marines et biogéniques. Des simulations de rétro-trajectoires seront effectuées pendant la campagne afin d’aider à l’interprétation des mesures in situ. Les sources marines et anthropiques seront évaluées grâce aux résultats du projet OCTAVE (Oxygenated Compounds in the Tropical Atmosphere: Variability and Exchange) à l’identification de marqueurs chimiques de ces sources et au calcul de retro-trajectoires. L’évolution de la couche de mélange à l’aide de mesures lidar (instrument MARLEY) embarqué dans un pick-up sera étudiée pendant la campagne. Un parc instrumental complet sera déployé pendant les 4 semaines de campagne prévue afin de caractériser les composés émis primairement, d’étudier les propriétés physico-chimiques des aérosols et de caractériser la composition bio-physico-chimique des nuages qui se forment pendant l’ascension de l’air humide depuis l’océan. La campagne sera jumelée avec celle de l’ANR NEPHELAE qui documentera la structure nuageuse en 4D grâce à une flottille autonome de drones intelligents. Ce jeu d’observations sera analysé afin d’évaluer la formation d’AOS en atmosphère tropicale. Ces données permettront d’initialiser les modèles utilisés pour interpréter les données in situ (modèle de processus 0D CLEPS et 3D MESO-NH). Les données de la campagne permettront également de mieux contraindre les modèles afin d’améliorer les paramétrisations/mécanismes de formation des AOS par voie gazeuse et aqueuse en considérant également l’activité biologique dans les nuages, ce qui n’a jamais été étudié à ce jour.

Coordination du projet

Corinne JAMBERT (Laboratoire d'aérologie)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LA/CNRS Laboratoire d'Aerologie
FRE Fédération des recherches en environnement
IGE Institut des Géosciences de l'Environnement
LACY Laboratoire de l'atmosphère et des cyclones
LA Laboratoire d'aérologie
LARGE LABORATOIRE DE RECHERCHE EN GÉOSCIENCES ET ENERGIES
CNRM Centre national de recherches météorologiques

Aide de l'ANR 497 727 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2018 - 48 Mois

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