DS04 - Vie, santé et bien-être

Fonction des forces mécaniques dans la construction des circuits neuronaux in vivo – NEUROMECHANICS

La mécanique du développement des neurones

Les circuits neuronaux sont les unités fonctionnelles du système nerveux. Leur construction dépend du mouvement des neurones et de l'extension des axones et dendrites. L'analyse de ces processus s'est jusqu'ici focalisée sur les signaux chimiques qui guident la migration neuronale et la navigation des axones. Or ils doivent aussi être influencés par des forces mécaniques, dont la fonction reste largement inconnue in vivo.

Etudier le rôle des forces mécaniques dans la mise en place des circuits neuronaux

Le mouvement est omniprésent dans le développement des circuits neuronaux, qui sont les briques fonctionnelles du système nerveux : dans l’embryon, les neurones migrent vers leur destination finale et forment de longues protrusions (axones et dendrites) qui s'allongent avant de se connecter au niveau des synapses. L'étude de ces processus s'est jusqu'ici focalisée sur les signaux chimiques qui guident la migration neuronale et la navigation des axones. Or les mouvements des neurones et de leurs protrusions sont aussi influençés par des signaux mécaniques provenant de leur environnement, dont la fonction reste largement inconnue in vivo. Disséquer le rôle des forces mécaniques dans l'assemblage des circuits neuronaux représente donc un défi majeur pour les neurosciences modernes. Dans ce projet nous avons relevé ce défi, en organisant notre recherche autour de trois axes: <br />(1) Cartographier les forces mécaniques dans un circuit neuronal en développement, <br />(2) Identifier l'origine et la contribution de ces forces dans la mise en place du circuit, <br />(3) Analyser les bases moléculaires qui sous-tendent la propagation et la détection des forces dans le circuit.<br />Nous avons utilisé comme modèle le circuit olfactif du poisson-zèbre, localisé juste sous la peau, ce qui facilite l'imagerie in vivo et les manipulations mécaniques. Ce projet a apporté des connaissances inédites sur la construction du système nerveux en mettant en lumière l'importance des signaux mécaniques, contribuant ainsi à une meilleure compréhension du développement neuronal. Ces résultats apportent également un nouvel éclairage sur l’origine des pathologies du système nerveux liées à des défauts de migration neuronale ou de corissance des axones, et ils nourriront l'ingénierie tissulaire dédiée à la réparation du cerveau et de la moelle épinière.

Nous avons utilisé une approche pluridisciplinaire qui combine imagerie des comportements neurones (mouvements cellulaires, pousse des axones), approches physiques de mesure et de perturbation des forces in vivo et outils moléculaires/génétiques plus classiques.
Pour établir une carte des forces mécaniques dans notre système, nous avons principalement utilisé la technique de l’ablation laser. Il s’agit de détruire avec un laser une structure au sein d’un tissu (comme par exemple un contact entre deux cellules, ou un petit groupe de cellules) et d’analyser la réaction immédiate du tissu. Si la structure est sous tension, elle s’ouvre au moment de l’ablation, d’autant plus vite que la tension est élevée. On peut donc utiliser cette vitesse comme une approximation de la tension mécanique au sein de la structure biologique. Nous avons réalisé ces ablations laser à l’échelle tissulaire, cellulaire (Monnot et al., 2022) et subcellulaire (Baraban et al., 2023). Nous avons également commencé à développer, en collaboration avec la physicienne Laetitia Pontani, une nouvelle approche de mesure des forces in vivo qui consiste à injecter de petites gouttes d’huile dans les tissus biologiques, puis de suivre leurs déformations par microscopie, et d’en déduire les forces qui sont appliquées sur ces gouttes par les cellules/tissus environnants.
Pour perturber les forces mécaniques et analyer leur rôle, nous avons utilisé :
- une approche pharmacologique : nous traitons les embryons de poisson zèbre avec des drogues qui ciblent les molécules qui génèrent les forces mécaniques dans les cellules et les tissus (actomyosine) ;
- des approches génétiques, comme par exemple une lignée mutante de poisson-zèbre dans laquelle les yeux, dont la morphogenèse est source de forces mécaniques, ne se développent pas (Monnot et al., 2022), ou bien des lignées permettant de perturber génétiquement l’actomyosine dans certains tissus uniquement (Baraban et al., 2023).

Nos résultats antérieurs suggéraient que des forces mécaniques extrinsèques contrôlent le mouvement des neurones olfactifs et l'extension de leurs axones en provoquant le déplacement passif du corps cellulaire loin de l'extrémité axonale qui elle, reste fixe (Breau et al., 2017). Grâce au financement ANRJC, l'équipe a identifié l'origine des forces extrinsèques, qui proviennent de la morphogenèse d’un tissu voisin, l’œil en développement, et sont transmises par la matrice extracellulaire située à l’interface entre les deux tissus. Nous avons également utilisé le financement de l'ANRJC pour ouvrir une nouvelle piste de recherche et caractériser l’interaction mécanique entre les neurones olfactifs et l'épithélium de la peau, qui entraîne l'ouverture de la narine du poisson zèbre, essentielle à la fonction olfactive.

Les objectifs ont été largement atteints en ce qui concerne la cartographie et la perturbation des forces dans le circuit olfactif en développement. La matrice extracellulaire a été identifiée comme un acteur central de la transmission des force entre l'œil et la placode olfactive, mais les mécanismes sous-jacents à cette propagation de force restent à caractériser en détail. Dans ce sens, une technique utilisant des gouttes d'huile comme senseurs de forces et des propriétés mécaniques au sein de la matrice est actuellement développée en collaboration avec la physicienne Laetitia Pontani (Laboratoire Jean Perrin, en attente de candidature ANR PRC, collaborateur : M. Breau, partenaire : L. Pontani).

Nous anticipons que cette recherche interdisciplinaire apportera de nouvelles connaissances sur le développement des circuits neuronaux. Notre travail remet en question la vision classique du développement du système nerveux, selon laquelle les signaux chimiques sont les seuls responsables des mouvements des neurones et de la navigation des axones pendant le développement et la régénération du système nerveux. En identifiant le rôle des signaux mécaniques, nous faisons un pas en avant vers une vision plus intégrée du développement neuronal. Nous développons de nouveaux outils pour cartographier et disséquer le rôle des forces et des propriétés mécaniques des tissus lors de la morphogenèse neuronale, qui peuvent être utilisés dans de nombreux autres systèmes, in vivo et ex vivo, ou dans des systèmes d'organoïdes.
Au-delà de son impact fondamental en neurosciences, ce projet a des implications biomédicales dans la physiopathologie des maladies du système nerveux et la bioingénierie des tissus neuronaux. Ici, nous nous concentrons sur la contribution des forces dans les mouvements neuronaux et la formation des axones, deux événements clés de la construction des circuits neuronaux. Si l'un de ces deux processus ne se produit pas correctement, la fonction du système nerveux est affectée, comme en témoignent les troubles neurodéveloppementaux graves résultant de défauts de migration neuronale et de formation des axones, tels que les lissencéphalies, le retard mental, les épilepsies et le syndrome de Kallmann. La contribution des signaux mécaniques dans l'étiologie de ces maladies est loin d'être comprise et nécessite plus d'attention. De plus, décrypter les règles de base de la réponse neuronale aux signaux mécaniques fournira des informations précieuses pour la conception de systèmes de culture neuronale et d'échafaudages 3D dédiés à la réparation du cerveau et de la moelle épinière. Nos travaux alimenteront ainsi potentiellement les développements futurs en ingénierie biomédicale pour aider à traiter les lésions neuronales du cerveau et de la moelle épinière.

Production scientifique (articles de recherche)
• Monnot P, Gangatharan G, Baraban M, Pottin K, Cabrera M, Bonnet I, Breau MA. Intertissue mechanical interactions shape the olfactory circuit in zebrafish (2022) EMBO Rep 23: e52963.
Dans cet article nous avons identifié la source des forces extrinsèques impliquées dans la construction du circuit olfactif. Nous avons montré que les forces mécaniques proviennent de la morphogenèse de l’œil, transmises aux neurones olfactifs par la matrice extracellulaire.

• Baraban M, Gordillo Pi C, Bonnet I, Gilles JF, Lejeune C, Cabrera M, Tep F, Breau MA. Actomyosin contractility in olfactory placode neurons opens the skin epithelium to form the zebrafish nostril (2023) Dev Cell S1534-5807(23)00043-6.
Les neurones olfactifs des larves de poisson zèbre sont exposés aux odeurs via une ouverture dans la peau qui préfigure la future narine. Nous avons analysé les interactions mécaniques entre les neurones olfactifs et la peau lors de l'ouverture de la narine, et montré que les neurones olfactifs tirent sur les cellules de la peau pour déclencher l'ouverture de la peau et la formation de la narine.

Le but de ce projet est d'étudier le rôle des forces mécaniques dans la mise en place des circuits neuronaux, qui sont les briques fonctionnelles du système nerveux. Le mouvement est omniprésent dans le développement du système nerveux: les neurones migrent vers leur destination finale, et leurs axones et dendrites s'allongent avant de se connecter au niveau des synapses. L'étude de ces processus s'est jusqu'ici focalisée sur les signaux chimiques qui guident la migration neuronale et la navigation axonale. Or les mouvements des neurones et de leurs protrusions sont aussi influencés par des stimuli mécaniques provenant de leur environnement, dont la fonction reste largement inconnue in vivo. Disséquer le rôle des forces mécaniques dans l'assemblage des circuits neuronaux représente donc un défi majeur pour les neurosciences modernes.

Mon projet propose de relever ce défi en utilisant une approche pluridisciplinaire qui allie imagerie multi-échelles, approches physiques de mesure et de perturbation des forces in vivo et analyses moléculaires/fonctionnelles. Le projet s'organise autour de trois axes de recherche:
(1) Cartographier les forces mécaniques dans un circuit neuronal en développement,
(2) Identifier l'origine et la contribution de ces forces dans la mise en place du circuit,
(3) Analyser les bases moléculaires qui sous-tendent la propagation et la détection des forces.

Nous utilisons comme modèle le circuit olfactif chez le poisson-zèbre: ce tissu est localisé en superficie de l'embryon, juste sous la peau, ce qui facilite l'imagerie in vivo, les manipulations mécaniques et le criblage de drogues. En utilisant des approches d'imagerie quantitative, nous avons déjà caractérisé la dynamique des mouvements neuronaux et de la formation des axones dans ce contexte, analysé le rôle de deux composants du cytosquelette connus pour produire des forces au sein des tissus -microtubules et actomyosine- , et commencé à cartographier la tension au sein du circuit. Nos résultats montrent que le circuit olfactif du poisson-zèbre se construit par un mécanisme original: des forces mécaniques extrinsèques contrôlent l'extension rétrograde des axones en provoquant le déplacement du corps cellulaire loin de l'extrémité axonale qui elle, reste fixe. Avec ce système nous avons l'opportunité unique d'explorer le déploiement et la contribution des forces mécaniques dans la mise en place d'un circuit neuronal in vivo.

Fondé sur ces résultats prometteurs, ce projet apportera des connaissances inédites sur la construction du système nerveux en mettant en lumière l'importance des signaux mécaniques, contribuant ainsi à une meilleure compréhension du développement neuronal. Au delà de son importance pour les neurosciences fondamentales, ce projet apportera un nouvel éclairage sur l'étiologie de neuropathologies humaines comme les lissencéphalies, les retards mentaux et le syndrome de Kallmann, et nourrira l'ingénierie tissulaire dédiée à la réparation du cerveau et de la moelle épinière.

Coordination du projet

Marie BREAU (équipe Schneider-Maunoury)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

UMR7622 équipe Schneider-Maunoury

Aide de l'ANR 333 720 euros
Début et durée du projet scientifique : septembre 2017 - 48 Mois

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