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La ville comme frontière. Ce que les villes font aux migrants, ce que les migrants font à la ville. D'une ethnographie multi-site à une anthropologie publique. – BABELS

BABELS - La ville comme frontière

Ce que les villes font aux migrants, ce que les migrants font à la ville

Villes-carrefours, villes-frontières et villes-refuges

En 2015, ladite « crise migratoire » a fait de l’asile une question centrale, débattue à l’échelle européenne – par l’instauration de quotas de répartition des réfugiés – et nationale. Certains pays, au premier rang desquels l’Allemagne, s’engage dans l’accueil des migrantes et des migrants pendant que d’autres choisissent de fermer leurs frontières. Dans ce contexte, les villes sont apparues comme de nouveaux acteurs centraux de l’hospitalité par leur capacité à mettre en œuvre des politiques singulières – plus accueillantes ou plus hostiles – envers les migrants. Espace d’imbrication des différents niveaux des politiques migratoires, espace de coprésence entre nouveaux arrivants et installés de plus longues date faisant surgir de nouveaux acteurs de l’hospitalité – les riverains et voisins qui témoignant d’une solidarité spontanée – les villes sont les lieux privilégiés de l’observation de la recomposition du paysage des migrations contemporaines. Entre passage et attente forcée, les villes sont également les lieux où la frontière acquiert une temporalité singulière. La ville met ainsi en tension l’hospitalité et le rejet des sociétés locales, le passage et l’ancrage des migrants, faisant émerger trois formes de villes au cœur de l’étude du projet Babels : les villes-frontières, les villes-refuges et les villes-carrefours.

Les espaces traversés et habités par les migrant·e·s sont autant de lieux-frontières qu’ils contribuent à façonner par leur présence. Ces espaces, reliés entre eux par les parcours migratoires, dessinent des itinéraires mouvants et évoluant en fonction des opportunités et des situations locales. Pour appréhender le vaste ensemble régional migratoire entre Europe et Méditerranée, la recherche collective s’est organisée autour d’une série d’ethnographies multi-situées et connectées entre elles, permettant de suivre des parcours de migrants dans la ville et entre les différentes villes. Articulée autour des « ateliers publics des villes frontières », le projet Babels a résolument été ancré dans une démarche d’anthropologie publique associant les savoirs produits par les enquêtes de terrain aux connaissances des acteurs des milieux associatifs, institutionnels et médiatiques concernés par l'asile, les politiques migratoires et l'accueil des étrangers. Cette démarche a permis de fonder empiriquement et théoriquement une intervention dans les débats publics sur les politiques publiques (« ce que les villes font aux migrants ») ainsi que sur la signification et les transformations induites par la présence et les pratiques sociales des migrant·e·s (« ce que les migrants font à la ville »).

Le projet Babels a permis de donner à comprendre des situations de frontières – géographiques, sociales, culturelles – contemporaines et leurs évolutions afin de changer l’échelle des débats publics en les « dé-nationalisant » grâce à un dispositif d’enquêtes faisant le lien Nord-Sud. Il a également montré le lien fondamental actuel entre villes et frontières. Le projet Babels a bénéficié d’un partenariat de recherche avec la ville de Paris qui a financé une étude sur les ressorts de l’engagement qui sous-tendent les diverses formes d’hospitalité individuelles des parisien·ne·s à l’égard des migrant·e·s.

Le projet Babels a permis de réaliser une série de descriptions fines de lieux-frontières devenus des espaces de vie pour les personnes migrantes. Une attention particulière a été accordée aux formes de sociabilité et de solidarité qui en émerge. Dans la continuité de ces travaux, une attention plus particulière pourrait être accordée aux réactions hostiles à l’accueil des migrants. L’étude de l’émergence d’un populisme de droite permettrait d’inverser les termes de la crise que traverse l’Europe. Il s’agirait de passer de l’analyse de la « crise des migrants » en Europe à une interrogation sur la « crise de l’Europe » face aux migrants.

Aux côtés des ouvrages et des articles publiés dans le cadre du projet, la volonté de s’inscrire dans une démarche d’une anthropologie publique s’est traduite par la création d’une collection « Bibliothèque des frontières » au Passager clandestin. Rédigé de manière collaborative et dans un langage qui s’adresse à un large public, les sept ouvrages de la collection ont permis une présentation thématique des résultats des recherches du projet Babels en y associant les personnes – ONG, associations militantes, migrantes et migrants, etc. – ayant participé à la production des connaissances.

Le thème "villes et frontières" s’est imposé dans les récentes évolutions de la « crise migratoire » en Europe. Lors des débats et des initiatives d’urgence, en particulier entre avril 2015 (naufrage presque simultané de trois embarcations de migrants faisant un millier de morts en Méditerranée) et août-septembre 2015 (décision allemande d’accueillir les réfugiés du Proche-Orient, suivie de débats européens sur la répartition des réfugiés et l’ouverture ou la fermeture des frontières), la question de l’asile a été posée comme objet de débat public au niveau des États, des municipalités, des associations de défense des droits de l’homme, et même au niveau individuel. Dans différents pays européens, on a pu ainsi voir promue et mise en œuvre institutionnellement une hospitalité publique, comme on a rendu publiques des formes sociales plus ou moins organisées ou individualisées d’hospitalité conçue comme don charitable ou comme une forme de la solidarité cosmopolite. Dans le même temps, les mêmes ou d’autres représentants de l’État, des médias ou des citoyens ont défendu le rejet et la mise à l’écart, voire l’encampement croissant des migrants et réfugiés.
Véritable moment politique européen donnant lieu à un vaste débat sur la place des migrants dans les nations européennes et sur la relation de l’Europe en tant que telle avec ses frontières, externes et internes, cette situation a mis au jour les ambigüités, superpositions, contradictions et conflits entre les diverses mises en œuvre de l’hospitalité et de la mise à l’écart.
C’est dans ce contexte que le projet BABELS entend relier une ethnographie multi-site à une anthropologie publique, avec l’objectif de fonder empiriquement et théoriquement une intervention dans les débats publics sur la place faite par les politiques publiques et les pratiques sociales aux migrants (« ce que les villes font aux migrants ») ainsi que sur la signification et les transformations induites par cette présence des migrants (« ce que les migrants font à la ville »). La notion de frontière est au centre de la réflexion et des enquêtes de terrain.
Projet d’anthropologie publique, de production de connaissances à partir de et à disposition de la société, le projet dans son ensemble consiste à partir des questions posées en Europe et en Méditerranée à propos des migrants, des réfugiés et des frontières, pour reformuler ces questions en problématiques et recherches empiriques. Cela en s’appuyant sur des connaissances déjà acquises et théorisées par une partie des membres du programme, et sur de nouvelles questions de recherche qui pourront apporter des éléments nouveaux de compréhension dans les débats publics. Trois questions-clés – les villes comme frontières, comme refuges et comme carrefours – englobent treize opérations de recherche localisées, individuelles ou collectives.
À partir d’un savoir fondé sur des ethnographies comparées et en associant étroitement les milieux associatifs, institutionnels et médiatiques concernés, le projet BABELS entend apporter à un vaste public comme aux décideurs institutionnels des réponses principalement autour des propositions suivantes :
- Relativiser les catégories produites institutionnellement ou médiatiquement (migrants, réfugiés, clandestins, étrangers, etc.), expliquer leurs fondements et usages.
- Décrire et donner à comprendre des situations de frontières (géographiques, sociales, culturelles) contemporaines et leurs évolutions.
- Changer l’échelle des débats publics et les « dé-nationalisant » grâce à un dispositif d’enquêtes faisant le lien Nord-Sud, à partir des trajectoires des migrants et réfugiés comme des politiques publiques d’accueil ou de rejet.
- Montrer le lien fondamental entre villes et frontières - grandes capitales ou petites villes frontalières – et aider au renouvellement des manières d’aborder les politiques publiques à l’égard des zones à forte présence de migrants ; guider ainsi les choix politiques.

Coordination du projet

Michel AGIER (Institut Interdisciplinaire d’Anthropologie du Contemporain)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

IIAC-UMR8177 (LAUM) Institut Interdisciplinaire d’Anthropologie du Contemporain

Aide de l'ANR 264 600 euros
Début et durée du projet scientifique : avril 2016 - 24 Mois

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