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Mobilité Sociale, Exclusion Sociale et Réseaux Sociaux – SOSOSO

Les réseaux sociaux comme outils de mobilité sociale : de nouvelles perspectives

L’objet de ce projet de recherche est l’analyse de l’impact des réseaux sociaux sur deux phénomènes distincts mais liés : la mobilité sociale et l’exclusion sociale. Le rôle clé joué par les réseaux sur la mobilité et l’exclusion a été largement documenté en sciences sociales, en particulier en sociologie, mais il a été ignoré en économie. Notre objectif dans ce projet est d’apporter un éclairage nouveau à cette littérature en important les concepts récemment développés en économie des réseaux.

Exclusion sociale et mobilité sociale, une explication par les réseaux économiques et sociaux

Les sciences sociales s'intéressent depuis longtemps à la mobilité sociale, faisant valoir que les possibilités pour les individus de passer d'une classe socio-économique à une autre, au cours de leur vie ou d'une génération à l'autre, sont importantes pour des raisons tant économiques qu'éthiques.<br />La littérature économique identifie plusieurs mécanismes de transmission des statuts, qui reposent tous sur un canal direct de transmission parent-enfant. Tout d'abord, un grand nombre d'études font référence aux coûts de l'éducation qui diffèrent d'une personne à l'autre, ou aux rendements des investissements en capital humain qui diffèrent entre familles pauvres et riches en raison de l'héritage des capacités. <br />Ensuite, la littérature s'est concentrée sur des canaux plus généraux de transmission, tels que l'héritage des préférences, la santé, la culture, les gènes, etc. qui sont souvent invoqués pour expliquer l'immobilité de la structure sociale. L'ingrédient principal de tous ces modèles est l'héritage par les individus d’un trait de caractère que les parents partagent, mais aucune attention particulière n'est accordée aux effets de pairs. Dans d'autres sciences sociales, la question des influences sociales a été centrale tandis qu’en économie, peu d’articles ont attribué l'immobilisme social aux forces sociales plutôt qu'aux parents. Il s'agit d'une lacune importante à combler et ce projet participe de cette ambition.<br />Notre projet a visé à comprendre l'impact de la structure des réseaux sociaux sur les résultats individuels. Les modèles d'influence sociale devraient reposer sur une description plus détaillée que les caractéristiques globales habituellement considérées dans la littérature. Un réseau social, qui contient des informations sur les relations entre deux individus, est un objet beaucoup plus riche qu'un groupe, une communauté ou un quartier. Les modèles de réseau sont donc plus complexes à analyser, mais ils peuvent fournir des prédictions plus puissantes.

Nous avons exploré quatre axes de recherche.

Axe 1 : Les réseaux façonnent les décisions individuelles. Dans de nombreuses circonstances, les efforts déployés par les individus dépendent des efforts produits par leurs voisins. L'éducation est un exemple important, où l'effort à l'école est un élément clé de la réussite scolaire, qui dépend de manière complexe de la dynamique de la classe et des amis. Nous abordons cet axe sous deux angles : l’angle individuel, pour comprendre comment les liens d’un individu affectent directement ses décisions, puis l’angle du planificateur social, pour mieux comprendre comment des politiques publiques peuvent affecter de manière différente les individus en fonction de la structure de leurs réseaux.

Axe 2 : Les réseaux assurent contre les risques. Une vaste littérature empirique a montré le rôle joué par l'assurance informelle dans l'aide aux ménages pauvres et aux communautés pauvres qui font face aux risques, notamment dans les pays en développement. Il est également notoire que la prise de risque lors des investissements est essentielle au développement économique d’un groupe. Dans cet axe, nous souhaitions comprendre comment la structure des liens entre individus peut influer sur leurs décisions à prendre des risques d’un côté, et à être assurés en cas de choc négatif d’un autre côté.

Axe 3 : Les réseaux comme pourvoyeurs d’opportunités. Ici, nous souhaitons comprendre comment deux individus évoluant dans deux réseaux différents peuvent réussir différemment du fait des opportunités que leur offrent leurs réseaux. Quelques exemples sont l’accès au marché du travail, la possibilité de migrer, la facilité à rencontrer des individus d’autres communautés que la sienne.

Axe 4 : L’apprentissage dans les réseaux. Dans ce dernier axe, nous explorerons les interactions répétées, pour comprendre comment les individus ajustent leurs comportements au fur et à mesure, en fonction de la structure du réseau dans lequel ils évoluent.

Axe 1 : Nous avons produit 7 articles dans cet axe. Nous avons montré comment les décisions individuelles en termes d’éducation pouvaient dépendre du réseau dans lequel naissent ces individus, mais aussi comment une politique publique favorisant la mixité sociale pouvait avoir des effets majeurs sur la mobilité sociale. Nous avons également analysé le problème d’un planificateur social qui pourrait modeler le réseau dans lequel évoluent les individus. Nous avons montré que les réseaux optimaux de son point de vue pouvaient mener à l’exclusion de certains membres.
Axe 2 : Nous avons produit 4 articles dans cet axe. Nous avons considéré l’introduction de considérations altruistes chez des individus liés par un réseau, qui peuvent opérer des transferts pour apporter un soutien financier à ceux qui le nécessitent. Nous avons montré qu‘un choc positif sur les revenus d’un individu bénéficie de proche en proche à tous les membres du réseau, même s’ils ne sont pas directement liés entre eux. A l’inverse, un choc négatif sur l’un affectera négativement tous les autres.
Axe 3 : Nous avons produit 6 articles dans cet axe. Nous avons exploré différents thèmes qui illustrent comment les réseaux peuvent affecter les opportunités disponibles aux individus : sur les opportunités de migration, sur leur capacité à s’intégrer, sur l’emploi, sur les capacités à interagir avec d’autres communautés. A chaque fois, la structure des liens apparait comme un déterminant majeur pour expliquer pourquoi certains individus réussissent mieux que d’autres.
Axe 4 : Nous avons produit 3 articles dans cet axe. Dans ces articles, nous avons considéré des individus devant prendre des décisions à chaque pas de temps, et ajustant leurs choix en fonction du succès de leurs décisions précédentes. Nous avons montré comment un tel comportement d’apprentissage mène à une situation dans laquelle le sort des individus dépend directement de la structure du réseau dans lequel ils évoluent.

Comme souvent dans les modèles économiques, il y a un décalage entre les intentions au moment d’écrire un modèle et le modèle qui est finalement écrit et analysé. C’est un processus nécessaire auquel nous n’avons pas échappé. Toutefois, une grande satisfaction de ce projet réside dans le fait que nos idées sur les thématiques initiales ont pu être explorées. Certes, nous n’avons pas pu répondre à toutes les questions que nous avions posées dans le projet, mais nous avons parfois répondu à des questions que nous ne nous étions pas posées lors de la rédaction du projet et qui se sont révélées intéressantes.

Les quatre années que nous avons consacrées à ce projet ont confirmé l’idée que les réseaux, la structure des liens entre acteurs économiques, ont un rôle explicatif majeur dans la situation des individus. Que ce soit en termes de mobilité sociale ou d’exclusion sociale, être dans le « bon » réseau ou le « mauvais » réseau a des conséquences de premier ordre. Même si ces intuitions sont naturelles, ce projet a permis de décrypter plus finement les mécanismes par lesquels ces réseaux agissent, sur nos prises de décisions, sur les opportunités qui s’offrent à nous, sur le niveau de risque que l’on peut prendre, sur la manière dont les politiques publiques vont nous affecter. Ces enseignements sont riches à deux titres. Tout d’abord ils permettent de mieux comprendre pourquoi des individus s’en sortent mieux que d’autres, et ce sans recourir à des explications en termes de caractéristiques individuelles. Ensuite, ils permettent d’imaginer des politiques publiques potentiellement très efficaces (i.e. qui améliorent une situation sans être trop coûteuse).
Toutefois, il reste une question essentielle à explorer, qui sera à n’en pas douter l’objet de nombreuses recherches futures : comment implémenter ces politiques publiques basées sur des modifications de la structure des liens entre individus ?

Le projet totalise 20 articles publiés, en révision ou soumis. Je partage l'idée que l’inflation artificielle des publications est une pratique facile mais nuisible. Je m’en tiens donc uniquement aux papiers qui sont issus directement du projet, par des membres du projet, sur les thèmes du projet.
Il était envisagé, lors de la rédaction du projet, d’atteindre 17 publications. Nous en avons 20, ce qui est le signe d’une réussite.
Je tiens également à souligner que tous les papiers du projet sont publiés, ou soumis exclusivement dans des revues de rang 1* ou de rang 1. Cet indicateur me semble crucial, puisqu’en économie l’impact d’une publication est directement lié au rang de la revue. La publication de 20 articles en 4 ans dans des revues de rang 1* ou 1 est de mon point de vue le meilleur indicateur que ce projet aura été une réussite.

Enfin, chacun de ces papiers a été présenté plusieurs fois en conférence, ou à divers séminaires. La dissémination de notre travail a été assurée de manière assez intensive par ce biais, et elle continue à l’être après l’achèvement du financement puisque nous continuons tous à participer régulièrement à des conférences au cours desquelles nous présentons ou faisons allusion aux travaux développés dans le cadre de ce projet.

L’objet de ce projet de recherche est l’analyse de l’impact des réseaux sociaux sur deux phénomènes distincts mais liés : la mobilité sociale et l’exclusion sociale. Le rôle clé joué par les réseaux sur la mobilité et l’exclusion a été abondamment documenté en sciences sociales, en particulier en sociologie, mais il a été largement ignoré en économie. Notre objectif est de pallier ce manque et d’apporter des éclairages nouveaux à cette littérature en important les concepts et outils récemment développés en économie des réseaux.
Pour expliquer que les individus issus de milieux favorisés réussissent généralement mieux socialement et économiquement, la littérature économique s’est focalisée sur le rôle des caractéristiques héritées des parents (gènes, normes culturelles, etc.). Mais elle a indûment ignoré les effets de pairs. Quelques rares études ont intégré ces effets, en les modélisant généralement par une caractéristique agrégée de la communauté d’appartenance des individus. Les modèles d’effets de pairs devraient être construits sur une description plus détaillée qu’une caractéristique agrégée, et nous pensons que les réseaux sociaux, qui contiennent l’information sur les relations entre individus, constituent le cadre d’analyse approprié.

Nous comptons explorer trois canaux par lesquels les réseaux agissent sur la mobilité et l’exclusion. Nous étudierons chacun de ces canaux par la théorie mais aussi empiriquement, grâce à des données uniques contenant des informations détaillées sur les réseaux sociaux. L’exploitation de ces données, rares en économie, constituera en soi une contribution importante.
Dans le premier axe de recherches, nous analyserons comment le réseau des individus affecte leurs chances de succès, dans un environnement économique donné. En particulier, nous étudierons la manière dont les réseaux façonnent, de manière hétérogène, le niveau d’effort que les individus choisissent (en matière d’éducation par exemple). Que cette hétérogénéité provienne de différences d’externalités, d’effets psychologiques transmis par les réseaux ou de l’action du planificateur central, elle constitue une explication importante à l’exclusion et aux disparités de mobilité sociale. Nous étudierons aussi ces mécanismes empiriquement, à l’aide du National Longitudinal Survey of Adolescent Health, une base de données sur 132 écoles aux Etats-Unis.
Dans le second axe, nous analyserons la manière dont les réseaux modifient l’environnement économique des individus, en leur offrant une protection contre certains évènements défavorables. Dans les pays en voie de développement, cette assurance contre les chocs a souvent lieu de manière informelle au sein des réseaux sociaux. La littérature a laissé d’importantes questions ouvertes : la relation entre la nature des risques et la manière dont les individus les gèrent ; les relations entre l’assurance formelle et informelle ; l’introduction de considérations de subsistance. Nous testerons nos prédictions sur deux bases de données, l’une portant sur 75 villages indiens, l’autre collectée au sein de 48 communautés au Lesotho.
Notre troisième objectif consiste à examiner comment les réseaux sociaux offrent des accès différents aux opportunités. Nous essayerons de comprendre comment les réseaux aident à la transmission de capital humain et à l’accès au marché du travail. Nous introduirons également l’idée, répandue dans les autres sciences sociales, selon laquelle les individus évoluent dans plusieurs réseaux. La manière dont ces différents réseaux interagissent, et les implications en termes de mobilité et d’exclusion, seront étudiées théoriquement et empiriquement. Enfin, nous analyserons la capacité de communautés à produire des biens publics, à l’aide de données collectées auprès de 121 villages au Mali. Ceci devrait nous renseigner sur les meilleures façons d’introduire des politiques publiques au sein d’une communauté, en fonction de son organisation sociale.

Coordination du projet

sebastian BERVOETS (GROUPEMENT DE RECHERCHE EN ECONOMIE QUANTITATIVE D'AIX-MARSEILLE)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

GREQAM GROUPEMENT DE RECHERCHE EN ECONOMIE QUANTITATIVE D'AIX-MARSEILLE

Aide de l'ANR 100 000 euros
Début et durée du projet scientifique : janvier 2014 - 48 Mois

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