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Ovide en français. Genèse, transformation et réception de l'Ovide moralisé – OEF

OEF

L’objectif était d’étudier la réception médiévale des Métamorphoses : cette étude est passée par l’édition critique du premier livre de l’Ovide moralisé en vers, à partir de tous les manuscrits conservés, avec apparat critique et notes pour reconstituer le cheminement des variantes et proposer une description complète des états du texte, un glossaire exhaustif, la publication des gloses latines contenues dans les marges de trois des manuscrits et celle des illustrations des témoins enluminés.

Etude d'un texte dans tous ses états (manuscrits, gloses, images)

L’objectif du projet était d’étudier l’acculturation du texte latin des Métamorphoses d’Ovide par l’Ovide moralisé français, à l’aide des vingt manuscrits, qui contiennent des gloses, des programmes iconographiques parfois élaborés et qui, surtout, se répartissent en plusieurs rédactions fort différentes. Etudier et éditer la vingtaine de manuscrits français, ainsi que leurs gloses et leurs programmes iconographiques, permet de comprendre comment le texte latin a été compris du Moyen Âge à la Renaissance. En outre, l’étude de ce corpus a permis aussi de faire émerger la transformation de cette appropriation culturelle « en interne », c’est-à-dire au sein de la tradition française, dont les manuscrits conservent les vestiges.<br />Même si le projet comportait plusieurs volets qui s’emboîtent, il s’agit, dans son essence, d’un travail comparatif entre deux textes, l’un latin, l’autre français, qui commente toutes les spécificités que présente la compréhension médiévale. Il s’agit certes d’un travail sur une traduction, mené sur tous les manuscrits d’une œuvre qui, avec ses 72000 octosyllabes, est le texte le plus long que nous ait légué le Moyen Âge français, qui relève tout ce que la translation apporte sur le plan lexicologique, idéologique, religieux, bref : culturel. Mais il va de soi que cette enquête dépasse, et de loin, le domaine de la langue puisqu’elle fait aussi apparaître comment le texte français a été compris —ou non— par ses lecteurs français aux prises avec une matière, plus qu’avec une langue, qui leur était étrangère. C’est donc une enquête philologique au sens large que proposait le projet, une enquête sur la culture d’une époque, vue à travers un texte. Le travail a été réalisé sur le livre I, et le volume qui rend compte de ce travail sera remis de façon imminente à l'éditeur, la Société des Anciens Textes Français.

Les éditeurs ont pu progresser dans la connaissance du texte grâce à leur examen minutieux des vingt témoins (dont ils ont pu affiner le stemma), le regroupement des manuscrits par type d’illustrations est venu corroborer la construction du stemma , importante pour la reconstitution du cheminement des variantes : ce sont ces aspects qui pouvaient au mieux décrire la vie de ce texte.
Mais pour comprendre le processus qui conduit des Métamorphoses à leur(s) version(s) en langue romane, il s’est avéré essentiel de retrouver les sources de l’auteur. Pour la partie « translation des fables », l’adaptateur signale qu’il travaillait à partir d’un manuscrit des Métamorphoses dont les marges étaient recouvertes de gloses. L’un des principaux apports du projet Oef sera la transcription des gloses du manuscrit des Métamorphoses Vat. lat. 1479, qui représente un témoin assez semblable à celui qu’utilisait l’auteur de l’Ovide moralisé.
Pour les allégories, les gloses en latin de trois des manuscrits de l’Ovide moralisé identifient dans les marges de nombreuses sources scripturaires. L’équipe s’est enrichie d’un spécialiste de l’édition des textes latins tardifs, qui a déchiffré et édité la totalité des gloses latines du livre I dans les trois manuscrits.
La constitution du glossaire s’est voulue exhaustive : la composante lexicographique était une des justifications majeures de la collaboration France-Allemagne puisque l’ATILF pouvait travailler avec l’équipe du DEAF (Dictionnaire électronique de l’Ancien Français). Les spécialistes de lexicologie ont ainsi pu mettre le texte (et ses variantes) au service d’une présentation complète du vocabulaire du Moyen Français au début du XIVe siècle. La numérisation et l’encodage du texte par un ingénieur d’études de l’ATILF permet son utilisation dans le cadre du DMF en ligne.

En définitive, au bout de quarante-huit mois de ce travail collectif, l’équipe est fière des résultats obtenus : elle est sur le point de déposer auprès de l’éditeur (la SATF), le premier volume d’une édition critique tout à fait novatrice, celle d’un texte reconstitué à partir de tous les manuscrits conservés, accompagné d’un apparat critique très détaillé qui livre la totalité des variantes (nous n’avons exclu que les variantes qui touchent des passages altérés dans la seule famille Z, qui constitue une version à part), de notes philologiques qui reconstituent le cheminement des variantes en fonction des liens entre les différents témoins (selon le stemma constitué) et d’un glossaire qui vise à enrichir la connaissance du lexique du Moyen Français (le texte, on l’a dit, fait l’objet d’un traitement informatisé pour être déposé sur la base du DMF et enrichir donc le corpus sur lequel se constitue le vocabulaire présenté dans ce dictionnaire) ; mais aussi celle des illustrations, images, initiales ornées, rubriques, dans des tableaux qui les expliquent et les situent, et dont la réalisation a constitué un véritable défi technique (l’acquisition de reproductions dans une excellente résolution, le « détourage » des images, la description à la fois la plus succincte et la plus explicite possible de la position et de la fonction de ces images) ; enfin l’édition des gloses latines des trois manuscrits qui en comportent.
Outre ce volume, la liste des travaux fournie en annexe montrera la productivité des membres de l’équipe pendant la période 2013-2017, productivité suscitée par le projet Oef. On peut en particulier souligner la parution de deux autres ouvrages : un recueil d’études sur les illustrations et le recueil des actes du colloque international organisé à Lyon en avril 2016.

Les quarante-huit mois pendant lesquels le projet a bénéficié de l’aide de l’ANR et de la DFG n’ont permis d’éditer que le premier livre de l’Ovide moralisé, mais sa réalisation est un succès encourageant : les équipes se sont constituées, les différents spécialistes ont appris à travailler ensemble, les protocoles de saisie et de travail ont été élaborés et de nouveaux partenariats se sont noués, avec la Suisse et la Belgique dans le cadre desquels l’édition d’autres livres a pu être attribuée à des boursiers. Il y a donc fort à parier que tous auront à cœur de continuer et de mener à bien la totalité du projet.
Car l’important est que l’objectif initial, celui d’étudier la réception des Métamorphoses dans ce grand texte du début du XIVe siècle, avec toutes ses variantes, celui de mieux comprendre la vie d’un texte au Moyen Âge, est atteint grâce aux travaux autour de ce premier livre. L’impact est donc historique autant que littéraire, et les historiens de l’art, les linguistes (lexicologues) pourront bénéficier des apports de cette recherche.
Il y a encore beaucoup de travail, mais sans l’aide de l’ANR et de la DFG, l’équipe ne serait jamais arrivée à ce résultat, la réalisation de ce premier ouvrage si riche et si novateur, qui va lui donner l’envie de continuer. Le travail a mis en lumière ce grand texte auprès du public, grâce aux contacts avec la communauté des chercheurs et avec les Bibliothèques, conscientes désormais de l’importance du ou des témoins qu’elles conservent, et désireuses de faire connaître ces témoins au plus large public possible. J’en veux pour preuve la volonté du conservateur des fonds anciens de la Bibliothèque municipale de Lyon d’organiser une conférence grand public sur le Bm Lyon 742, l’un des témoins les plus richement enluminés, et de faire constituer par notre équipe un feuilleteur sur ce manuscrit, à l’instar du feuilleteur constitué pour le Rouen Bm O.4.

1/ Conférences, présentations publiques : valorisation du travail de recherche
. Y. Greub, Mattia Cavagna et Massimiliano Gaggero, « La tradition manuscrite de l’Ovide moralisé. Prolégomènes à une nouvelle édition», Romania 132 (2014), 176-213.
. Y. Greub, “Etudier le Lexique I” / T. Städtler, “Etudier le Lexique II” / R. Trachsler, “Présentation du projet Ovide Moralisé”, International Exploratory Workshop. Mapping Textual Traditions in the French Middle Ages. Guiron-Aspremont-Ovide moralisé”, Zürich (CH), Universität Zürich, 2.-4. Dezember 2014.
. I. Salvo, « Lecture et traduction d’Ovide en Espagne et en France (XIIIe et XIVe) », conférence plénière, organisée par Mónica Castillo Lluch, Université de Lausanne, 1er mai 2015.
. M. Possamai, « L’Ovide moralisé comme réécriture des Métamorphoses d’Ovide : l’exemple de la légende de Saturne », journée d’études « Réécritures médiévales : domaine juridique, scientifique, religieux, littéraire », Strasbourg, 23 janvier 2015.
. M. Possamai, M. Besseyre, V. Rouchon, Irene Salvo et Prunelle Deleville, Présentation du travail réalisé dans le cadre du projet Oef au Séminaire des médiévistes du CIHAM (UMR 5948, CNRS), Lyon, 14 avril 2016.
. M. Possamai, « Étude de cas : le portrait d’Envie dans l’Ovide moralisé en vers (II, 3898-4075) : édition critique, apparat, notes philologiques, glossaire, commentaire », Zurich, séminaire de R. Trachsler, 18 mai 2016.
2/ Publications
• L’Ovide moralisé illustré, éd. M. Possamai-Pérez et M. Besseyre, CRMH n° 30, Paris, Garnier, 2016.
• Ovidius explanatus. Traduire et commenter les Métamorphoses au Moyen Âge, éd. S. Biancardi, P. Deleville, F. Montorsi, M. Possamai, à paraître chez Garnier, dans la collection Ovidiana.
• Édition critique du livre I de l’Ovide moralisé à partir de tous les manuscrits conservés, texte, apparat critique, notes philologiques et codicologiques, glossaire, édition des images et des gloses latines, par l’équipe Oef, dir. R. Trachsler, à paraître à la SATF.

Le présent projet se propose d’étudier l’acculturation que subit, à partir du XIVe siècle, le texte latin des Métamorphoses d’Ovide dans l’Ovide moralisé français. Le point de départ de l’enquête est constitué par les manuscrits, qui contiennent des gloses, des programmes iconographiques parfois élaborés et qui, surtout, se répartissent en plusieurs rédactions fort différentes. Etudier la vingtaine de manuscrits français, ainsi que leurs mises en prose et les imprimés, permet de comprendre comment le texte latin a été compris au Moyen Âge français. On voit ainsi que ce qui en faisait la spécificité à l’époque médiévale — à savoir les « moralisations », qui font passer le texte à 72000 octosyllabes — devient parfois un obstacle à la diffusion. Certains manuscrits de l’Ovide moralisé les coupent et deviennent ainsi de simples traductions des Métamorphoses, mais permettent tout de même de voir comment le texte païen latin a été assimilé par le Moyen Âge chrétien. Tout au long du processus de traduction, les scribes français ont pu être confrontés à un texte qui leur était devenu étranger. Aujourd’hui, les manuscrits portent la trace de cette mécompréhension, et ces modifications parfois inconscientes sont particulièrement révélatrices du passage d’une culture à l’autre.
Grâce à la collaboration d’historiens de l’art, du lexique, de la littérature française et latine, on saisira avec ce projet le cycle de vie d’une œuvre qui a permis à un texte fondateur de la culture occidentale de passer de l’Antiquité au Moyen Âge puis à la Renaissance, du latin au français, du milieu clérical à un lectorat laïc, du vers à la prose, et des manuscrits aux imprimés. L’exploration de la langue, de l’iconographie, des gloses et des commentaires que renferment des documents encore largement inexploités donnera lieu à des études précises qui auront une importance qui dépassera le seul domaine de l’Ovide moralisé, parce qu’elles éclaireront l’assimilation de toute une culture à la fois autre et semblable.
Sur ce but concret se greffe un objectif stratégique de politique scientifique : à travers ce projet bi-national, mais qui de fait est déjà européen, il s’agira de désenclaver les recherches en littérature médiévale pour les fédérer autour d’une nouvelle approche du „livre prémoderne“ où se rencontrent les spécialistes de disciplines voisines.

Coordination du projet

Marylène POSSAMAI (Centre d'histoire, d'archéologie, de littérature des mondes chrétiens et musulmans médiévaux) – marylene.possamai@univ-lyon2.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

Univ. Göttingen Université Georg-August Göttingen Séminaire de Philologie romane
ATILF Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française
DEAF Université de Heidelberg, Dictionnaire étymologique de l'ancien français
CIHAM Centre d'histoire, d'archéologie, de littérature des mondes chrétiens et musulmans médiévaux

Aide de l'ANR 293 280 euros
Début et durée du projet scientifique : avril 2013 - 36 Mois

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