SUDS - Les Suds Aujourd'hui II

Les départements d'outre-mer entre proximité et distance : construction et politisation des frontières – PRODISDOM

Les DOM et l’Hexagone : L’universalisme républicain à l’épreuve des particularismes identitaires

L’objectif principal du projet est d’identifier en quoi et comment, dans les sociétés des DOM, la construction et aujourd’hui le renforcement de frontières qui font le partage, notamment sur une base ethno-raciale, entre des « proches » et des « distants » sont venus mettre au défi l’application de ce qu’il est convenu d’appeler le modèle républicain français.

La dialectique distance/proximité : un élément structurant dans les rapports sociaux au sein des DOM et dans la relation à l’Hexagone

La fin des années 2 000 a été marquée dans les DOM par des mouvements sociaux de vaste ampleur exprimant de réelles frustrations en matière de citoyenneté. Historiquement constituées dans le cadre d’un rapport colonial et donc sur une base profondément inégalitaire, ces sociétés sont encore aujourd’hui des lieux où se manifestent des tensions multiples. S’y est construit et s’y ré-agence en permanence une dialectique du commun et du spécifique, ou du proche et du distant, qui irrigue largement les échanges politico-symboliques et, de manière plus générale, les rapports sociaux, en traçant sans cesse des frontières mouvantes tant entre elles et la « Métropole » qu’entre les groupes qui les constituent. Le programme PRODISDOM a permis d’analyser finement les stratégies selon lesquelles se construisent et se reconstruisent ces catégories discursives de « proximité » et de « distance» imprégnant fortement l’ensemble des expériences sociales, les usages de ces catégories et les pratiques qui leur sont associées, aussi bien dans le champ politique que dans les rapports ethniques et sociaux. Ce faisant, il rend compte du caractère inachevé de la citoyenneté, met l’accent sur les obstacles à l’amélioration de la situation économique et sociale de ces territoires et explique les incompréhensions liées au statut et aux politiques publiques mises en œuvre localement.

Le présent programme valorise deux priorités sur le plan méthodologique : l’interdisciplinarité et le comparatisme. La première est une nécessité au regard de la variété des usages publics de la dialectique de la « proximité » et de la « distance » dans les DOM ainsi que de l’articulation entre eux rendant impérative une démarche pluridisciplinaire. La seconde pousse à tirer profit, dans les analyses proposées, des dissemblances qui se découpent sur fond de ressemblances entre les quatre DOM. Enfin, le recours aux « sources vivantes » dans les « quatre vieilles » colonies et l’Hexagone (entretiens semi-directifs, et observation de moments de la vie politique et sociale) a été privilégié, sans négliger la mobilisation de nombreux supports documentaires classiques.

Le projet s’est décliné sur quatre niveaux d’investigation :
– la construction des frontières ethniques ou « raciales » relatives aux Blancs créoles, aux Métropolitains et aux immigrés d’origine étrangère ;
– les décalages qui se produisent, voire les clivages qui se construisent, à la faveur des phénomènes migratoires entre ces départements et la « Métropole ».
– la revendication d’une « préférence locale » par laquelle il est proposé de combattre les difficultés à trouver un emploi ou à poursuivre une carrière satisfaisante pour nombre de résidents des DOM ;
– les discours et les pratiques relatifs à des évolutions institutionnelles et statutaires vers une plus grande autonomie.

• L’approche comparative a permis d’éclairer finement les différences entre les espaces ultramarins, là où la catégorie ordinaire « outre-mer » ou la célèbre dichotomie « DOM/TOM » postule de fausses homogénéités ;
• Cette diversité est couplée à un jeu subtil d’acteurs agissant à de multiples échelles et dans de nombreux espaces. Ils concourent ainsi à la co-construction de la notion d’outre-mer. Désormais célébrée par les pouvoirs publics, qui l’ont pendant longtemps snobée, l’idée de diversité s’impose dans les discours et les pratiques, aussi bien dans les rapports entre territoires ou entités politico-administratives constitutives des outre-mer qu’au sein même de ces entités ;
• La co-construction des outre-mer se joue sur les scènes locales et hexagonale à travers les rapports qui se nouent entre les groupes, qu’il s’agisse des populations immigrées, y compris les migrants de retour ou des groupes ethniques tels que, par exemple, les Békés à la Martinique engagés dans des luttes pour l’imposition de sens ou pour investir de sens la notion d’outre-mer. Il est possible de repérer un ensemble de mécanismes à travers lesquels se construisent les frontières, s’élaborent des conceptions différenciées de l’outre-mer, se mettent en place des usages stratégiques multiformes conférant une frappante plurivocité à la notion d’outre-mer ;
• La tension historique entre la matrice d’assimilation et la matrice particulariste prenant la forme d’une affirmation de la différence demeure irrésolue : les pouvoirs publics balancent en permanence entre la quête et l’affirmation d’une citoyenneté accomplie et la persistance de dispositifs enfermant les populations-cibles dans leurs spécificités ; les populations locales, à rebours des positions défendues par les responsables politiques, naguère à la Martinique, aujourd’hui à La Réunion, sur la « préférence locale » en matière de recrutement et de promotions professionnels, marquent leur attachement à l’égalité républicaine.

Sur le plan scientifique PRODISDOM ouvre de nouvelles pistes de réflexion :
- développer les analyses comparatives entre les sociétés ultramarines, en élargissant la focale à l’ensemble des outre-mer et en l’ouvrant aux sociétés environnantes (Mayotte, la Caraïbe…) ;
- Aller au-delà de la fabrication des discours pour les confronter désormais aux pratiques et aux données structurales ;
- s’interroger sur les évolutions qui sont susceptibles d’affecter l’Etat français et le modèle républicain à la faveur des expériences ultramarines : dans quelle mesure et selon quels mécanismes les enjeux et les interrogations qui émergent dans l’Hexagone à propos, par exemple à propos du modèle républicain, entrent en résonance avec les questionnements qui persistent dans les outre-mer ?

Du point de vue de la structuration de la recherche, PRODISDOM a ouvert la voie à la construction et au renouvellement d’un réseau de chercheurs spécialisés sur les outre-mer, grâce aux passerelles entre les Antilles-Guyane et La Réunion et à la création du séminaire DYSPO. Ces réseaux sont appelés à se conforter et à se développer bien au-delà de la fin du programme, de façon à accroître la visibilité de la recherche consacrée et aux outre-mer.

Le programme PRODISDOM a donné lieu à la coordination d’un ouvrage collectif, Les outre-mer à l’épreuve du changement : réalités et perspectives des réformes territoriales, Paris, L’Harmattan, 2011, à la publication de 6 articles dans des revues spécialisées et de 5 contributions dans des ouvrages spécialisés, dont 2 de portées internationales. Un ouvrage de synthèse sur l’ensemble des travaux est en préparation.


Récapitulatif :

Revues à comité de lecture :
--> international : 3
--> France : 2
Ouvrages ou chapitres d'ouvrage :
--> International : 2
--> France : 3
Communications (Conférence) :
--> International : 8
--> France : 12
Articles de vulgarisation : 2
Conférences de vulgarisation : 2
Autres : 2

L’objectif principal du projet est d’identifier en quoi et comment, dans les sociétés des DOM, la construction et aujourd’hui le renforcement de frontières qui font le partage, notamment sur une base ethno-raciale, entre des « proches » et des « distants » sont venus mettre au défi l’application de ce qu’il est convenu d’appeler le modèle républicain français. Et ce eu égard aux rapports entre les groupes qui constituent ces sociétés aussi bien qu’à leur relation avec la « Métropole ». Cette démarche a pour fin de mieux estimer les hypothèques qui font obstacle à la résolution des nombreuses difficultés économiques et sociales des territoires en question et qui obèrent leur devenir au sein de l’ensemble français. L’examen du défi mentionné et des tensions qu’il engendre implique, par ailleurs, que soit prise aussi exactement que possible la mesure des aveuglements et des « pieux mensonges » qui caractérisent, de manière générale, la mise en œuvre de ce modèle républicain, aux prises avec l’affaiblissement de ses références normatives, abstraites et universelles.

La contestation sociale de grande ampleur survenue dans ces départements fin 2008 et début 2009, dont les acteurs ont exprimé – au-delà de revendications matérielles immédiates – un malaise global devant les frustrations de leur citoyenneté, les « Etats généraux de l’Outre-mer » tenus l’an dernier et la dernière consultation référendaire qui a eu lieu en Guyane et en Martinique en janvier 2010, sur une évolution statutaire et institutionnelle de ces deux seuls départements, constituent la toile de fond du travail projeté. Ne serait-ce que dans la mesure où tous ces évènements ont été exemplaires de la principale ambiguïté qui est au cœur des dynamiques sociales et politiques à l’œuvre dans le processus de construction de frontières qu’il s’agit d’étudier : celle qu’il y a à devoir mettre radicalement en cause la distance d’un Etat central jugé lointain et, en conséquence, à réclamer le recentrage de la vie sociale et politique de ces départements sur le socle de la proximité qui existerait entre leurs habitants – une proximité perçue comme automatique et parée de toutes les vertus –, tout en attendant de ce seul Etat l’essentiel de la réparation des maux qui sont dénoncés.

L’hypothèse est alors faite que la construction de frontières opérée par la dialectique des catégories discursives de « proximité » et de « distance » dans différents champs sociaux des DOM ne trouve sa pleine efficace que dans la mesure où elle est validée, reprise et éventuellement réorientée ou reformatée, dans une « mise en politique » – aussi bien par des responsables locaux que, à leur suite, par l’Etat central – qui constitue ces frontières en problèmes publics. Dès lors, c’est à l’étude des modalités, des enjeux et des effets – notamment en termes d’élaboration de stratégies – de cette « mise en politique » que le projet présenté entend accorder une attention particulière.
Confrontés, comme d’autres sociétés, à l’enjeu majeur d’avoir à concilier l’exigence de l’égalité de traitement de tous les citoyens et celle de la prise en compte par l’Etat républicain de particularités historiques et culturelles (les fameuses « spécificités »), les DOM peuvent et doivent bénéficier de l’accord général qui semble se faire désormais pour finalement admettre qu’on peut être à la fois « égaux et différents ». La question n’en demeure pas moins de savoir, cependant, si une pareille compatibilité ne connaît pas des limites et s’il y en a, quelles elles sont. Cette interrogation constitue une part essentielle de la réflexion qui sera menée dans le cadre d’un programme de recherche portant sur des sociétés qui n’en finissent pas de poser et de réagencer la question du commun et du spécifique en l’articulant à celle du proche et du distant.

Coordination du projet

Justin DANIEL (CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE PARIS MICHEL-ANGE) – d.justin@orange.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CRESOI UNIVERSITE DE LA REUNION
CESSP UNIVERSITE DE PARIS I - PANTHEON SORBONNE
CRPLC CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE PARIS MICHEL-ANGE

Aide de l'ANR 200 000 euros
Début et durée du projet scientifique : - 48 Mois

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