JCJC SVSE 4 - JCJC : Sciences de la vie, de la santé et des écosystèmes : Neurosciences

Mémorisation d’odeurs simples et complexes chez le lapin nouveau-né : décours, mécanismes et fonctions – MEMOLAP

Le nouveau-né et les mélanges d’odeurs: mémoire, cerveau et comportement.

L’objectif majeur du projet consistait à évaluer comment le nouveau-né appréhende son environnement olfactif alimentaire (donc maternel), en mémorisant et répondant de façon optimale à des odorants perçus seuls ou en mélanges. Pour cela, nous avons fait appel à un modèle animal très olfactif, le lapin, et à des méthodes complémentaires d'exploration.

Détection, perception, mémorisation et réponse néonatale à des odorants à valeur alimentaire perçus seuls ou en mélanges.

La perception des aliments résulte de la détection et de l’intégration d’odeurs complexes. Ceci est vrai dès le plus jeune âge. Bien que décisifs en termes de santé et de bien-être, les mécanismes gouvernant cette perception demeurent méconnus. Chez les mammifères, les signaux olfactifs maternels aident à la localisation des tétines et à la prise lactée du nouveau-né. Ils sont perçus dans un environnement chimiquement riche (multiples odeurs de la mère et des alentours). Le nouveau-né répond à certaines molécules odorantes de façon prédisposée ou apprise (phéromones/odorants initialement neutres). Mais comment perçoit-il et mémorise-t-il ces odeurs au sein de mélanges et quels facteurs contribuent à la perception d’objets olfactifs complexes constitués de plusieurs odorants ? De manière innovante, ce projet multidisciplinaire impliquant 4 jeunes chercheurs (G. Coureaud, F. Datiche, G. Ferreira, T. Thomas-Danguin) a étudié la façon dont le nouveau-né extrait l’information olfactive de son environnement alimentaire et social et y répond de façon adaptée. Il s’est penché sur un modèle animal pertinent, le lapin, en explorant la perception d’odeurs simples ou complexes, les bases cérébrales de cette perception, et son impact sur le comportement. L’approche pluridisciplinaire permise par le consortium devait donner au projet les moyens d’approfondir la connaissance de la perception néonatale des mélanges d’odeurs d’une façon bien supérieure à ce qui aurait pu être fait avec chacune des disciplines prises séparément.

L’approche éthologique (G. Coureaud/T. Thomas-Danguin) a permis, par des conditionnements, de faire apprendre aux lapereaux des odorants simples ou en mélanges, et d’établir par des tests comportementaux leur aptitude à différencier ces informations odorantes à plus ou moins longue échéance après apprentissage, tout en quantifiant l’expression de leur réponse (comportement de tétée) à certaines d’entre elles. La mesure du poids des lapereaux avant/après allaitement a par ailleurs permis d’’évaluer si le fait de retrouver certaines odeurs apprises seules ou en mélanges au contact du corps de la mère facilitait la localisation des tétines et la prise lactée.
L’approche pharmacologique (G. Ferreira) a permis de perturber sélectivement la mémoire de certaines odeurs apprises en mélange et de déterminer si les nouveau-nés se souvenaient différemment des odorants qui composent le mélange comparativement au mélange lui-même.
Enfin, l’approche neurobiologique (F. Datiche) a permis d’imager et analyser l’activité du cerveau néonatal en situation d'exposition à un odorant, d’établir comment cette activation évoluait avant/après apprentissage, et de préciser si, et en quoi, l’activation différait selon que l’odorant était perçu seul ou en mélange.

Trois résultats majeurs et réellement novateurs ont émergé de ce projet: 1) la mise en évidence de la perception de mélanges d’odorants en tant qu’« objets » et non simples assemblages d’odorants. Cela s’est ici vérifié dès la période de vie néonatale et en absence d’apprentissage; 2) la mise en mémoire séparée, après apprentissage, de « l’objet mélange » et de ses constituants; 3) le traitement cérébral distinct de l’objet et de ses odorants, et la plasticité du traitement en cas d’apprentissage. Ces travaux ont apporté d’importantes connaissances nouvelles dans le domaine de la chimiosensorialité, directement ouvert la voie à de nouvelles collaborations tant nationales qu’internationales.

Durant ces travaux nous avons rencontré des chercheurs de laboratoires extérieurs (un français et un américain) avec qui des collaborations ont pu être nouées et sont actuellement en recherche de financements. Elles permettront d’accentuer la connaissance des processus mis en évidence ici chez le lapereau, et d’élargir notre questionnement à d’autres espèces, dont l’Homme. En effet, tous les organismes sont confrontés aux mélanges d’odeurs. Aussi, nous supposons fortement que des processus perceptifs et neurosensoriels communs permettent à ces organismes de traiter certains mélanges comme des objets odorants. Dans ce domaine, l’obtention de meilleures connaissances ouvre à des enjeux économiques (par exemple caractérisation du bouquet typique permettant au consommateur d’identifier et de reconnaitre un aliment ou un parfum) et de santé publique (réduction de composés à risque - sel, sucre - sans modification de l’appréciation olfactive de l’aliment, détection d’un contaminant dans un environnement chimiquement complexe).

Ce projet a abouti à la publication de 7 articles dans des revues scientifiques internationales reconnues, un manuscrit supplémentaire étant en phase d’évaluation par des pairs et un autre en écriture. A cela ce sont ajoutés 24 communications dans des congrès soit internationaux (14) soit nationaux (10). Un article de vulgarisation a été écrit, et 3 actions à destination du grand public ont été menées (animations pour groupes scolaires, conférences-débats, rencontres avec des scientifiques dans un festival de photographie animalière). Enfin, un colloque scientifique a été organisé réunissant plus de 200 personnes intéressées par le comportement animal.

Chez les mammifères, les signaux odorants maternels influent de façon notable et parfois dominante sur le comportement alimentaire du nouveau-né en aidant notamment à la localisation des tétines. Néanmoins, leur perception dans l’environnement chimique naturel qui est hautement complexe demeure méconnue. Or, un besoin vital pour le nouveau-né est de parvenir à extraire de l’information pertinente de cette complexité. Il peut le faire en répondant de façon prédisposée à certaines molécules odorantes (phéromones) et/ou en apprenant des odorants qui acquièrent rapidement une valeur biologique sous l’action d’agents renforçants. Mais on peut se demander comment le nouveau-né perçoit, intègre, mémorise et associe ces molécules entre elles au sein des mélanges d’odeurs qui l’entourent, et à quel moment et comment une simplification de la complexité chimique environnante passe par l’attribution de la valeur de signal à un mélange dans son ensemble plus qu’à certaines de ses composantes.

De façon originale, le présent projet vise en 8 expériences à déterminer comment les informations odorantes impactent le comportement alimentaire du jeune au cours des premiers jours postnatals, selon qu’il s’agit d’odorants simples perçus hors mélanges (Tâche 1 - Exp. 1 à 4), ou des mêmes odorants perçus en mélange (Tâche 2 - Exp. 5 à 8), en explorant la mémoire et la réorganisation cérébrale liée à l’apprentissage de ces informations (Tâches 1+2). Pour cela, le lapin européen constitue un modèle d’étude particulièrement propice. En effet, les lapins nouveau-nés a) expriment un comportement stéréotypé de tétée en réponse à des odeurs maternelles; b) ces informations sont phéromonales (Phéromone Mammaire; PM) ou apprises périnatalement; c) la PM permet l’apprentissage néonatal extrêmement rapide d’un odorant/mélange d’odorants nouveau qui devient déclencheur du comportement de tétée et donc susceptible d’influencer la prise lactée sous la mère; d) certains mélanges odorants sont connus pour être perçus par les lapereaux de façon analytique (perception de l’odeur des composantes du mélange) ou synthétique (perception d’une odeur propre au mélange); e) des outils d’exploration éthologique, chimique, neurobiologique (imagerie c-fos) et neuropharmacologique (utilisation d’agents induisant des amnésies sélectives d’informations consolidées) de l’apprentissage, de la perception et de la réponse des lapereaux à ces odorants/mélanges d’odorants existent et sont déjà utilisés par les jeunes chercheurs impliqués dans le présent programme.

Dans un contexte scientifique et social sensible aux questions liées au développement du comportement et des préférences alimentaires, nous proposons ici un projet de recherche multidisciplinaire sans précédent visant à mieux comprendre le lien que l’organisme développe avec l’aliment dès les stades précoces de la vie, et les mécanismes cérébraux, cognitifs et comportementaux qui permettent la perception/mémorisation de la flaveur plus ou moins complexe des substrats alimentaires, base de leur acceptation. Ce programme devrait conduire à des avancées théoriques importantes relatives au codage, à la perception, à la discrimination, à la rétention et aux conséquences comportementales de l’apprentissage de molécules odorantes simples ou en mélanges en lien avec l’alimentation. Il est d’intérêt pour notre propre espèce, car les mélanges utilisés ici chez le lapereau sont connus pour être perçus de façon similaire (analytique ou synthétique) par l’Homme adulte. Les résultats devraient interpeller le monde industriel et le secteur de la santé publique.

Coordination du projet

Gérard Coureaud (CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE CENTRE-EST) – gerard.coureaud@u-bourgogne.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CSGA CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE CENTRE-EST

Aide de l'ANR 225 000 euros
Début et durée du projet scientifique : - 36 Mois

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