Blanc SVSE 5 - Sciences de la vie, de la santé et des écosystèmes : Physique, chimie du vivant et innovations biotechnologiques

Etudes structurales pour comprendre le mécanisme de production de force des moteurs myosines et identifier les interactions critiques qui régulent leur localisation cellulaire. – How myosin produces force

Les moteurs de la cellule, comment savent-ils marcher vers la bonne destination

Le but de ce projet de recherche est de mieux comprendre comment les moteurs moléculaires essentiels de la cellule produisent leur force, et comment chaque type de moteur reconnaît le chemin à parcourir pour transporter son cargo vers la bonne destination.

Visualiser les réarrangements nécessaires pour l’étape de production de force d’une myosine

La cellule comprend de nombreux moteurs moléculaires essentiels non seulement à sa division et à sa migration mais également nécessaires pour le transport polarisé, le maintien des ultrastructures de la cellule ou pour l’ancrage de vésicules ou d’organelles en son sein. <br />Le projet proposé dans cet ANR repose sur l’étude de moteurs myosines qui se déplacent le long de microfilaments de la cellule appelés F-actine. Nous cherchons à visualiser le moteur en le figeant dans différentes étapes de son cycle moteur afin de comprendre comment il fonctionne. Le moteur utilise la molécule d’énergie ATP et l’hydrolyse alors qu’il est détaché de l’actine ensuite la liaison avec le filament F-actine initie la production de force en facilitant le départ des produits d’hydrolyse trappé dans le moteur. Un premier objectif de cet ANR sera de caractériser au niveau atomique les changements nécessaires dans le moteur pour cette étape essentielle qui correspond à la première étape de production de force. <br />Une autre question lié au rôle spécialisé des différents membres de la famille des myosines est de comprendre quelles adaptations sont nécessaires pour leur fonction spécifique et en particulier d’identifier les caractéristiques qui leur permettent de choisir leur chemin, c'est-à-dire qui leur permette de choisir certaines structures d’actine plutôt que d’autres pour transporter leur cargo. <br />Les deux moteurs que nous avons choisi d’étudier, la myosine VI et la myosine X, jouent un rôle important pour la migration des cellules, y compris les cellules tumorales. Ce sont donc des cibles nouvelles pour inhiber la prolifération et la dissémination de cellules cancéreuses. Les études effectuées au cours de cet ANR ont pour objectif de caractériser la structure de ces moteurs et ceci facilitera grandement la découverte de nouvelles molécules qui inhiberaient l’activité de ces moteurs en vue de thérapie anti-cancéreuses innovantes.<br />

Pour comprendre comment les moteurs moléculaires fonctionnent, la cristallographie permet d’obtenir la structure à la résolution atomique du moteur dans différentes étapes de son cycle d’activité. Cette information permet ensuite de concevoir des expériences fonctionnelles fines qui testent les hypothèses émises à partir de l’analyse de la structure, ce qui permet d’élucider les mécanismes par lesquelles le moteur produit sa force.

* Nous avons mis en lumière que la myosine VI utilisait un mécanisme atypique pour propulser alternativement chacune de ses têtes motrices afin de transporter sur de grandes distances un cargo dans le sens inverse d’autres moteurs de la superfamille. Ceux-ci nécessitent un fort couplage de l’élément amplificateur nommé bras de levier pour qu’il se déplace par rotation lors de la production de force. La myosine VI a modifié la dynamique du convertisseur qui dirige le bras de levier si bien que ce dernier est découplé du moteur lorsque la tête avant s’associe fortement avec le filament d’actine. Ce n’est que lorsque la tête arrière se détache que le bras de levier est recouplé au moteur et permet la propulsion vers l’avant. Ce mécanisme est essentiel pour permettre au moteur de produire plusieurs pas dans la même direction mais il permet aussi de comprendre les expériences d’étude de la motilité sur molécule unique qui indiquait que ce moteur était particulier et pouvait produire des pas très variables et étonnamment grands.
* Nous avons identifié la conformation de la myosine VI dans l’état qui est à l’origine de la production de force. Nous complèterons cette étude en testant que cette nouvelle structure permet de valider que d’autres moteurs de la famille qui avancent dans la direction opposée à celle de la myosine VI relâchent également le phosphate en adoptant un état de structure similaire. Le mécanisme lié à cette étape est très controversé et plusieurs laboratoires étudient cette question essentielle pour comprendre comment un moteur moléculaire fonctionne. Avec ces structures, nous pouvons concevoir des mutants spécifiques qui permettront de caractériser cette étape clé de production de force.
* Nous avons identifié les conditions permettant de produire des cristaux de la région de dimérisation de la myosine X qui est adaptée pour que le moteur préfère évoluer sur des filaments d’actine en faisceau plutôt que des filaments d’actine isolé.

Nous collaborons avec une société pharmaceutique américaine Cytokinetics spécialisée dans la découvertes de petites molécules affectant l’activité de moteurs moléculaires afin d’identifier de nouvelles drogues pour bloquer la myosine VI ou la myosine X qui sont également des cibles anti-tumorales.

Nous avons récemment publié une étude dans le journal Molecular Cell qui révèle comment un moteur atypique se dirigeant dans la direction opposée de ceux de la superfamille des myosines a adapté son mécanisme moteur pour pouvoir faire plusieurs pas successifs dans la même direction. Pour ce faire, il faut des pas avec un mécanisme qui ressemble plus à celui de la kinésine conventionnelle, un autre moteur de la cellule, en découplant et recouplant l’élément structural nommé bras de levier qui lui sert d’amplificateur des réarrangements conformationnels de son domaine moteur.

La motilité est une propriété fascinante du monde du vivant. C’est une fonction essentielle des organismes vivants qui leur confère la capacité d’organiser leur contenu cellulaire et de se mouvoir. Le mouvement dirigé des composants cellulaires est obtenu par la régulation de la dynamique du cytosquelette ou par la conversion de l’énergie chimique en énergie mécanique par des moteurs moléculaires. Les myosines sont des protéines moteur qui utilisent l’ATP de la cellule pour produire une force dirigée en interagissant avec des filaments d’actine. L’équipe de Motilité Structurale de l’Institut Curie détermine la structure atomique de ces moteurs pour mieux comprendre comment ils produisent leur force, sont régulés et recrutés dans les cellules. Les informations structurales sur les états qu’adopte la myosine durant son cycle moteur sont fondamentales pour comprendre comment l’énergie chimique est convertie en production de force dirigée. En collaborant avec l'équipe de Lee Sweeney, U. Penn USA, nous validons et complétons cette approche structurale avec des expériences fonctionnelles capables de tester les hypothèses émises après visualisation à l’échelle atomique des changements conformationnels de ces moteurs. Une telle intégration des études structurales et fonctionnelles nous permet d’être particulièrement compétitifs pour répondre aux questions critiques concernant la fonction, la régulation et le recrutement des myosines.

La production de force par les moteurs myosines est intimement liée aux réarrangements conformationnels activés par la liaison à l’actine qui permet le relâchement des produits d’hydrolyse, phosphate inorganique (Pi) puis ADP. Pour comprendre comment les myosines produisent leur force, il est donc essentiel de déterminer l’état structural qui permet à ce moteur de relâcher le Pi. Un nouvel état structural de la myosine VI identifié au laboratoire semble avoir toutes les qualités requises pour correspondre à cet état. Pour la première fois, il décrit une structure avec une « porte ouverte » permettant la sortie du phosphate du site actif alors que le bras de levier est resté en position amorcée, signature d’un état en début de production de force dans le cycle moteur.

Notre premier objectif vise à mieux comprendre la nature de cet état « Pi release » qui est au cœur du mécanisme de la production de force. Des études structurales et fonctionnelles couplées permettront de valider les hypothèses émises lors de l’interprétation de cette structure comme essentielle pour le départ du phosphate inorganique du site actif au début de la production de force. Des expériences de haute pression viseront également à mieux comprendre comment le moteur fonctionne sous l’effet d’une charge en visualisant les états du moteur lorsque des contraintes extérieures fortes lui sont imposées.

Notre deuxième objectif vise à décrire les adaptations structurales et les réarrangements du moteur myosine X qui sont à l’origine de sa motilité atypique. Cette myosine est en effet capable de déterminer l’adresse cellulaire vers laquelle elle doit progresser, i.e. vers le sommet des filopodes, en sélectionnant pour sa motilité des filaments d’actine organisés en faisceaux. Sa motilité est par contre inadaptée pour un mouvement sur des filaments d’actine isolés. Pour comprendre cette propriété, nous chercherons à obtenir les structures du moteur dans différents états de son cycle moteur et la structure de son bras de levier et de la région nécessaire pour relier les deux têtes de cette myosine X.
Alors que la myosine VI semblait la plus énigmatique des myosines, nos études structurales ont permis d’identifier les adaptations structurales de cette myosine qui lui permettent de produire sa force en direction opposée de celle des autres myosines. Nous sommes donc confiants que ces travaux sur la myosine X permettront d’identifier les adaptations nécessaires à ce moteur pour effectuer sa fonction spécifique dans la cellule.

Coordination du projet

Anne HOUDUSSE (INSTITUT CURIE) – anne.houdusse@curie.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

IC INSTITUT CURIE

Aide de l'ANR 350 000 euros
Début et durée du projet scientifique : - 36 Mois

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