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20/03/2023

Le partenariat Water4all à la Conférence des Nations Unies sur l’eau

Aujourd’hui plus que jamais se pose la question de la disponibilité et de la gestion durable, efficace et équitable de l’eau. C’est dans ce contexte que s’est tenue du 22 au 24 mars la Conférence des Nations Unies sur l’eau au siège de l’ONU, à New York. États membres, acteurs et organisations du monde de l’eau se sont mobilisés, avec près de 10 000 participants, sur place ou en ligne, afin de relever les défis liés à l’eau potable et à son assainissement. Le partenariat européen Water4all, lancé en juillet dernier et dont l’Agence nationale de la recherche a la charge, était présent. Le point avec Ariane Blum, coordinatrice de ce partenariat à l’ANR.

Quels sont, aujourd’hui, les principaux enjeux autour de l’eau douce et de sa gestion ?

Ariane Blum : À la fois ressource et milieu, l’eau est vitale pour satisfaire les besoins des activités humaines, que ce soit pour l’alimentation en eau potable et les usages domestiques, l’irrigation, l’industrie, ou l’énergie ; elle est tout aussi essentielle au développement et au maintien de la biodiversité et de ses écosystèmes aquatiques, les rivières, les zones humides, les lacs ou les eaux souterraines. Les enjeux sont évidemment extrêmement différents d’une zone du globe à l’autre et la pression hydrique varie d’une saison à l’autre. La cible 6.1 des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies a justement pour ambition d’ici à 2030 « d’assurer l’accès universel et équitable à l’eau potable, à un coût abordable ». Des investissements considérables ont déjà été faits dans ce domaine ces dernières années et ainsi, en 2020, 74 % de la population mondiale a accès à l’eau potable contre 62 % en 2000. Malgré ces progrès, de grandes disparités géographiques subsistent : 2 milliards de personnes n’y ont toujours pas accès. La question de l’assainissement est également cruciale pour la santé et l’hygiène des populations puisque les eaux usées sont une source majeure de contamination de l’eau. Aujourd’hui, seulement 54% de la population mondiale a accès à des services d’assainissement gérés de manière sûre.

Cet enjeu global est aussi lié à une population mondiale croissante qui induit une demande en eau de plus en plus forte : l’augmentation est estimée à 55% de 2015 à 2050. Là encore, il y a des disparités géographiques et les prélèvements se font parfois au-delà des capacités de renouvellement des ressources naturelles. L’Europe est largement concernée par cette situation puisque nous observons une importante diminution des volumes d’eau douce disponibles, avec des situations extrêmes pour les pays du Sud comme par exemple en Espagne où l’eau disponible par habitant a diminué de 65% de 1997 à 2007. La sécheresse qui a touchée près de la moitié de l’Europe en 2022 nous le rappelle. Elle a conduit à des conflits d’usage en été lorsque les besoins en eau sont au plus haut pour satisfaire les besoins d’irrigation, d’alimentation en eau potable de zones parfois touristiques et occasionnellement très densément peuplées, ou d’énergie. Lors de cette sécheresse exceptionnelle, certaines zones n’ont enregistré qu’environ 19% des précipitations moyennes durant la période de recharge hivernale et printanière.

Les activités humaines sont également des sources de pollution importantes. Si en Europe d’importants progrès ont été faits pour traiter et réduire les émissions industrielles et les rejets urbains, et limiter les effets des intrants agricoles, ils restent insuffisants : plus de 20 ans après la parution de la Directive Cadre sur l’Eau,  62% des masses d’eau de surface et 25% des masses d’eau souterraine sont encore en mauvais état chimique. À cette situation de tension liée aux activités humaines s’ajoutent les effets du changement climatique qui d’ores et déjà affectent les ressources en eau : l’eau est une ressource mais également un vecteur de risque qui expose les populations à des dangers. Selon le dernier rapport du GIEC, 74% des catastrophes naturelles dans le monde de 2001 à 2018 sont liées à l’eau - inondations, sécheresse…. La fréquence et l’intensité de ces évènements extrêmes va s'accroître. Enfin, l’eau devient de plus en plus en enjeu de sécurité et une source potentielle de conflit entre Nations, par sa raréfaction, par des conflits d’usage, par une gestion de ressources transfrontalières difficile. C’est pourquoi elle doit être au cœur de l’agenda politique des Nations Unies.

Vous êtes la coordinatrice du partenariat européen Water4all - Water security for the planet. Comment Water4all s’inscrit-il dans ces défis ?

Ariane Blum : Water4All est un partenariat européen mis en place en 2022 pour une durée de 10 ans dans le cadre d’Horizon Europe, un programme pluriannuel de la Commission européenne visant à soutenir la recherche. Horizon Europe compte ainsi 49 partenariats qui visent à concentrer les efforts de recherche sur 49 priorités pour l’Europe autour de la santé, du numérique, de la biodiversité ou encore de l’agroécologie, …. L’eau est aussi une de ces priorités.

L’ANR assure la coordination de Water4all qui réunit 79 partenaires de 31 pays et marque ainsi l’engagement de la France dans les questions de gestion de l’eau et le soutien à une communauté française très dynamique et reconnue : plus de 5 000 chercheurs en France, dans le public et le privé. Parmi les autres partenaires français de Water4All, on compte le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM), le CNRS, l’Office International de l’Eau et France Water Team. L’idée de Water4all est ainsi de réunir des agences de financement, des organismes de recherche et des réseaux d’acteurs de toute l’Europe et au-delà pour concentrer nos efforts financiers, soutenir la coopération entre nos laboratoires de recherche et faire en sorte que les résultats des projets que nous finançons soient transférés vers la société civile, les citoyens, les gestionnaires de l’eau et le monde économique. Ainsi au-delà de la publication chaque année d’un appel à projet international, nous menons des activités propres qui comprennent par exemple : le développement de plateforme de données et de connaissance ouverts et gratuits pour que les résultats produits soient disponibles à tous, la mise en place de « living labs » pour que la parole du citoyen et de l’utilisateur soit au centre des innovations que nous allons soutenir, ou un incubateur européen pour accompagner les petites et moyennes entreprises qui ont des solutions pour accompagner la gestion de l’eau. Nos appels sont bien entendu en phase avec les enjeux précédemment cités. Ainsi, notre premier appel à projets publié en septembre 2022 - et dont les lauréats finaux seront connus début septembre 2023 - porte sur « La gestion de l’eau : résilience, adaptation et atténuation face aux évènements hydro-climatique extrêmes et développement d’outils. ». Par ailleurs, Water4all, au côté du PEPR OneWater, est partie prenante dans les 53 mesures définies – la 49e – dans le Plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau dévoilé le 30 mars dernier par le Gouvernement, marquant ainsi l’importance de la Recherche et de la coopération, nationale et internationale, dans une gestion efficace de l’eau.

Quels messages avez-vous porté lors de cette Conférence sur l’eau ?

Ariane Blum : Par notre présence à la Conférence des Nations Unies sur l’eau, nous souhaitons insister sur le besoin de connaissance scientifique pour accompagner une gestion optimale, partagée et juste des ressources en eau. La recherche, publique comme privée, a des solutions pour soutenir la préservation des ressources et accompagner un accès plus équitable et équilibré pour la population mondiale. Nous avons également rappelé que la coopération internationale est un accélérateur pour développer des innovations et des solutions. Au-delà des frontières et des conflits, la coopération entre les laboratoires du monde entier est aussi un facteur clé du succès afin d’accélérer et changer notre modèle de gestion de l’eau. Enfin, pour la communauté scientifique, développer de nouvelles connaissances ne suffit pas. Il faut les mettre à disposition de tous, citoyens, décideurs, gestionnaires et chercheurs, et à l’échelle européenne comme à l’échelle locale. Face à un tableau pessimiste de la situation, nous sommes convaincus qu’il y a des solutions pour agir !

Quels sont les objectifs majeurs de cette conférence et quelles seront les prochaines étapes ?

Ariane Blum : C'est la première conférence organisée par les Nations Unies sur le thème de l’eau depuis 1977 ! C’est une opportunité unique de placer les questions de l’eau à l’agenda international à haut niveau. Il s’agit pour les Nations Unies de faire le point sur l’atteinte des ODD et d’accélérer la transition pour résoudre les crises liées à l’eau et à son assainissement. En s’ouvrant le 22 mars, journée mondiale de l’eau, cette conférence avait également pour objectif de sensibiliser les citoyens et les politiques à l’urgence d’agir.  Désormais, chaque goutte compte.  À son issue, les différents gouvernements et les parties prenantes ont pris 700 engagements pour accélérer le changement dans différents domaines que sont l’eau et la santé, l’eau et le développement durable, l’eau, le climat et l’environnement, l’eau et la coopération. L’Union européenne, par exemple, s’est engagée d'ici à 2030, à soutenir l'accès à une source d'eau potable améliorée et/ou à des installations sanitaires à plus de 70 millions de personnes. Elle soutiendra également les États membres avec un financement de 20 millions d'euros afin d'accélérer le déploiement de la surveillance des eaux usées pour le Covid-19 notamment.

PupitreOrateur

Water4all à la Conférence des Nations Unies sur l’eau

Co-organisée par les gouvernements du Tadjikistan et des Pays-Bas, la Conférence s'est tenue autour d'une cérémonie d'ouverture et de clôture, six réunions plénières, et cinq dialogues interactifs qui ont abordé les thèmes suivants : I. L'eau pour la santé : Accès à l'eau, à l'assainissement et à l'hygiène, y compris les droits fondamentaux à l'eau potable et à l'assainissement ; II. L'eau pour le développement durable : Valorisation de l'eau, interfaces eau-énergie-alimentation et développement économique et urbain durable ; III. L'eau pour le climat, la résilience et l'environnement : De la source à la mer, biodiversité, climat, résilience et réduction des risques de catastrophe ; IV. L'eau pour la coopération : La coopération transfrontalière et internationale dans le domaine de l'eau, la coopération intersectorielle, y compris la coopération scientifique, et l'eau dans l'agenda 2030 ; V. Décennie d'action pour l'eau : Accélérer la mise en œuvre des objectifs de la Décennie (2018 - 2028), notamment par le biais du plan d'action du Secrétaire général des Nations Unies.

La Conférence comprenait également un certain nombre d'événements spéciaux de haut niveau et d'événements parallèles organisés par les États Membres, le système des Nations Unies et d'autres parties prenantes. Water4all a contribué aux dialogues IV et V par le biais de quatre discours lors d’événements parallèles - deux au siège de l'ONU, deux à l'extérieur - afin de présenter le partenariat et d'expliquer sa contribution aux thèmes connexes :

  • Le 22 mars, sur "L'innovation collaborative : la clé vers une société intelligente de l'eau", dirigé par l’organisation belge VITO, et Water Europe.
     
  • Le 23 mars, autour de “L’Intégration de la restauration écologique dans les écosystèmes d'eau douce : aperçu de la législation, de la pratique et de la recherche dans le monde entier”, dirigé par l'Université d'Evora, Portugal ;
     
  • Le 23 mars, autour de "L'écohydrologie transdisciplinaire pour l'accélération des ODD - méthodologie de la science et modèles de mise en œuvre", dirigé par le ministère de l'Industrie, Pologne ;
     
  • Le 24 mars, sur "La science inclusive pour la sécurité de l'eau", sous l'égide du ministère de l'Infrastructure du Chili et du Ministère français de la Transition Ecologique et de la Cohésion des Territoires.
Mis à jour le 05 avril 2023
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