En vue de mieux comprendre les nouveaux mécanismes stratégiques relatifs aux modèles d’affaires de la santé connectée et des industries créatives, les chercheurs du projet BBM ont constitué à partir d’une collecte de données, une base de 26 cas d’études d’entreprises retenues pour leur dimension numérique et leur originalité en termes de modèles d’affaires. Ils ont analysé plus spécifiquement les mécanismes de performance, l’évolution des ressources et des compétences, les portefeuilles de modèles d’affaires, les modèles multifaces, les trajectoires de modèles d’affaires, les effets de seuils, les dynamiques de réseaux et relationnelles, et le travail institutionnel.
L’équipe souligne que la performance des modèles d’affaires peut être considérée de manière statique mais aussi de manière dynamique, et identifie plusieurs leviers de performance. Dans une approche statique, l’engagement des clients, la reconfiguration des liens avec les partenaires externes et l’optimisation des processus externes sont autant de leviers à prendre en considération. Dans une approche dynamique, une prise de conscience de l’environnement externe et un management agile des ressources et compétences sont d’autres leviers potentiels. D’autres résultats de l’approche dynamique se concentrent sur le rôle des architectures de modèles d’affaires, et montrent l’intérêt de créer des synergies entre les composantes du modèle d’affaire afin de concevoir des architectures spécifiques de modèles d’affaires interconnectés, en particulier pour les secteurs du numérique.
Les secteurs du numérique se caractérisent par la modularité de leurs offres de produits et services qui connectent une multitude d’appareils à des plateformes de contenus, à l’instar d’Apple avec ses plateformes iTunes Store et App Store, accessibles depuis iPhone, iPad, iPod et iMac. Ces offres sont basées sur le développement d’un portefeuille complexe au sein duquel plusieurs modèles d’affaires sont interconnectés. Or, il existe peu d’outils pour analyser l’architecture d’un portefeuille afin d’identifier les modèles d’affaires qui le composent, les connexions entre ces derniers, et repérer des opportunités de connexions futures.
Dans ces travaux, les chercheurs appréhendent le concept de modèle d’affaire selon ses 3 fonctions en termes de valeur : la création de valeur en rassemblant et en organisant des activités, ressources, compétences, etc., la proposition de valeur à une cible de consommateur sur un segment de marché spécifique, et enfin la captation de valeur (revenus, brevets, etc.) en développant un ou plusieurs modèles de revenus et mécanismes de capture. Ils proposent un cadre conceptuel pour analyser l’architecture d’un tel type de portefeuille selon 3 axes :
Au moyen de ce cadre conceptuel, ils ont ensuite décrit l’architecture des portefeuilles des 3 géants du numérique Apple, Google et Microsoft, avec une description des modèles d’affaires et de leurs connexions, dans l’objectif de comprendre comment gérer stratégiquement un portefeuille de modèles d’affaires connectés. Ces 3 sociétés présentent une architecture de portefeuille similaire dans laquelle les modèles d’affaires sont organisés en trois couches interconnectées : des modèles « matériels » dédiés aux appareils de consommation (ordinateurs, smartphones, objets connectés, etc.), un modèle « logiciel » dédié aux systèmes d’exploitation et logiciels, et un modèle « multiface » de distribution numérique (distribution de services, publicité et contenus) qui est au centre du portefeuille.
Ces connexions entre modèles d’affaires permettent de réaliser des économies d’envergure et d’échelle car ils utilisent des technologies, ressources et compétences communes pour concevoir et développer des produits (logiciels, appareils mobiles, objets connectés, etc.). Elles semblent aussi favoriser la production d’effets de réseaux positifs. En diversifiant les possibilités d’usage et en fournissant des applications, services et contenus variés, le modèle de distribution numérique et le modèle de logiciel enrichissent les ordinateurs et les appareils mobiles par exemple. Cette complémentarité d’usages est susceptible d’encourager les utilisateurs à des achats multiples pour accéder aux mêmes contenus et services, et de les inciter à être clients sur plusieurs modèles d’affaires. Enfin, la gestion facilitée des achats par la mise en place d’un compte utilisateur commun en lien direct avec le modèle multiface de distribution numérique, ainsi que les possibilités de personnalisation favorisent l’engagement dans l’acte d’achat et la multiplication des revenus.
A travers cette analyse descriptive, les chercheurs identifient 3 principes stratégiques pour la mise en œuvre d’un portefeuille de modèles d’affaires connectés :
L’équipe du projet ANR BBM a également appliqué les résultats de cette analyse au secteur de la presse régionale, particulièrement exposé aux technologies numérique et impacté par les conséquences de la crise liée à la pandémie de Covid-19, pour interroger dans un récent article publié dans The Conversation, l’évolution de son modèle économique.
Sauver la presse quotidienne régionale : les leçons des géants du numérique
Le projet BBM (2014-2017) est un projet de recherche en sciences de gestion coordonné par Grenoble Ecole de Management. Il associe les laboratoires LEM à Lilles et CERAG à Grenoble, ainsi que l'Institut Mines Telecom Atlantique, Telecom Ecole de Management, et l'INSEEC Business School.