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21/02/2023

15e édition du Workshop Interdisciplinaire sur la Sécurité Globale : la résilience face aux nouvelles menaces

Cybercriminalité, alertes aux populations, ou encore armes chimiques et biologiques : dans un monde globalisé, comment prévenir les risques, anticiper les menaces, planifier et gérer les crises ? Quels sont les apports de la recherche sur ces enjeux ? Les 21 et 22 mars prochain, se tiendra à Marseille la 15e édition du Workshop Interdisciplinaire sur la Sécurité Globale (WISG). Acteurs du monde académique, institutionnel et industriel se rassembleront lors de deux journées d’échanges sur des thématiques de recherche en sécurité globale, cette année axées autour de la notion de résilience. Entretien avec Patrick Laclémence, responsable scientifique à l’ANR, Directeur du Centre de recherche de l'École nationale supérieure de police de Lyon et Conseiller recherche à l’Institut des Hautes Etudes du Ministère de l’Intérieur (IHEMI), professeur à l’université de technologie de Troyes.

Vous avez accompagné la mise en place du premier Workshop Interdisciplinaire sur la Sécurité Globale, reconduit cette année pour sa 15e édition. Dans quel contexte a-t-il été créé ?

Patrick Laclémence :  Il faudrait revenir en Angleterre dans les années 80. Le drame du Heysel, en 1985, a déclenché une stratégie globale de sécurité contre le « hooliganisme ». Les forces de sécurité vont employer tous les moyens, y compris technologiques : les premières installations des vidéosurveillances dans les stades ont été un tournant pour l’aide à la décision. Au cours des années 2000 et plus précisément le 25 juillet 1995, nous avons été confrontés à de nouvelles formes d’actions violentes. Une bombe explose sur les quais de la gare St-Michel du RER B. Cet attentat, au cœur de Paris, déclenche une stratégie de lutte contre un « ennemi » très terrorisant. Pour la seconde fois le plan Vigipirate – pour vigilance et protection des installations contre les risques d'attentats terroriste à l'explosif – qui avait été lancé pour la toute première fois lors de la Guerre du Golfe le 2 janvier 1991, est mis en action. Depuis, Vigipirate n’a pas été suspendu, mais les niveaux d’alerte modulés – Sentinel aujourd’hui. À l’échelle internationale, les attentats du 11 septembre 2001 vont avoir le même effet catalyseur. C’est ainsi que le terrorisme nous amènera à la sécurité globale pour anticiper les nouvelles menaces et à agir, en développant un continuum entre recherche et action. En collaboration avec le Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale (SGDSN) depuis sa mise en place, le WISG rassemble ainsi des acteurs issus du monde académique, institutionnel et industriel autour d’un même défi : défendre nos libertés en les sécurisant. L’ambition est de croiser les regards, d’alimenter la recherche, et de renforcer les liens entre les acteurs de la communauté en sécurité globale en vue de développer de futurs consortiums.

La sécurité globale est donc une notion assez récente. Comment la définiriez-vous ?

Patrick Laclémence : Cybercriminalité, terrorisme, attaques chimiques ou biologiques, risques industriels et nucléaires, voire catastrophes naturelles : nous le voyons bien, dans un monde globalisé les crises et les menaces contemporaines sont en continuelle évolution. Elles dépassent largement les frontières nationales, et des vulnérabilités nouvelles apparaissent. Et plus de trente ans après la chute du Mur de Berlin, l’ère de l’hyper connexion nous amène à une très grande sensibilité humaine. C’est sur la base de ce constat que la question de la sécurité doit être abordée. De la prévention des risques et l’anticipation de la menace à la gestion des crises, la protection de la minute d’avant et d’après est au cœur de la régulation sociale des bassins de vie. De ce fait, la sécurité globale entend rassembler tous les acteurs autour de ce défi, le « continuum de sécurité ». C’est pour cela qu’au-delà de toutes les dimensions prises en compte, la sécurité globale est désormais inscrite dans un contexte plus large que celui de la continuité des activités : celui du développement durable, de la durabilité. Car s’il y a bien un risque global, c’est bien celui du changement climatique. Il nous impose cette approche. C’est un principe fondamental que nous pourrions développer lors des prochaines éditions. Il est donc nécessaire de faire preuve d’anticipation dans les scénarios et d’adapter les méthodes de protection pour garantir la sécurité d’aller et venir. L’objectif : construire un monde plus sûr qui n’est pas forcément certain. Je voudrais toutefois préciser que force est de constater que si les risques et les menaces évoluent très rapidement, nous ne pouvons pas les perdre de vue afin d’apporter les bonnes réponses. C’est peut-être là le défi pour la sécurité globale : s’adapter en permanence.

Cette année, au WISG, les projets de recherche s’articuleront autour d’un concept largement mobilisé ces dernières années : la résilience. Mais qu’entend-on par résilience en matière de sécurité globale ?

Patrick Laclémence : Dans le domaine de la défense et de la sécurité nationale, la notion de résilience est définie dans le Livre blanc de 2008 très exactement comme « la volonté et la capacité d’un pays, de la société et des pouvoirs publics à résister aux conséquences d’une agression ou d’une catastrophe majeure, puis à rétablir rapidement leur capacité de fonctionner normalement, ou à tout le moins dans un mode socialement acceptable. Elle concerne non seulement les pouvoirs publics, mais encore les acteurs économiques et la société civile tout entière ».  Autrement dit bien plus qu’une seule réponse adaptative, la résilience est la capacité d’une société, dans toutes ses strates, à répondre, rebondir, et revenir à un état « normal » suite à une crise de quelque nature qu’elle soit. L’exemple le plus récent est sans doute la pandémie mondiale liée au Covid-19, dont nous sortons tout juste de sa phase la plus critique et qui a touché tous les secteurs de la vie.

Justement, pourquoi impliquer et faire adhérer l’ensemble des citoyens aux réponses à la crise ?

Patrick Laclémence : Si la stratégie en sécurité doit être globale, nous ne pouvons pas laisser aux seuls spécialistes et aux systèmes la protection de notre façon de « vivre ensemble ». La cause est commune. Elle va au-delà du défi lancé aux seuls décideurs et doit être partagée avec les citoyens. Au vu de l’actualité, la notion de résilience implique donc nécessairement l’adhésion de l’ensemble des acteurs à leur propre sécurité, particulièrement celle des citoyens et à l’échelle individuelle, pour que le retour à la normale se fasse le plus rapidement possible.

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Trois projets de recherche sur la participation citoyenne à la résilience

Quelques exemples pour l’illustrer : le projet CAP4 Multi-CAN'Alert et sa solution d’alerte multicanale innovante au service de la sécurité civile qui s’inscrit dans le cadre des Jeux Olympiques de Paris en 2024. Ce projet souligne la nécessité d’alerter la population dans un délai court, voire immédiat, mais surtout de rendre plus intelligibles les messages d’alerte en les adaptant au contexte et aux besoins : quel message ? Pour quoi faire ? Comment le message sera-t-il compris ? Comment éviter la panique individuelle ? Le projet ReSCue propose quant à lui une caractérisation multidimensionnelle de la crise, lors de catastrophes industrielles plus particulièrement. Il comprend le développement d’un module de gestion de crise dynamique - en fait, un module de réalité virtuelle de formation et d’entrainement - en collaboration avec les utilisateurs finaux, les secours. Lors du WISG, c’est l’intégration et la préparation des populations est le point qui sera discuté sur ce projet. Enfin, le projet Inplic s’attache à étudier le comportement des populations locales affectées par des situations de crise à travers l’observation, l’analyse puis la caractérisation de comportements structurants (entraide, solidarité) et déstructurant (panique, pillage, délinquance) pour la conduite des opérations de secours.]

Concrètement, quelle est la place de la recherche dans ce domaine ?

Patrick Laclémence : La sécurité globale n’est pas une science mais une thématique de défi de société. De ce fait, elle appelle donc des réponses transverses, pour aider le décideur jusqu’à l’échelle citoyenne comme le montrent l’ensemble des projets de recherche cités. C’est un moteur de réflexion et d’action, impliquant de la synergie entre tous les acteurs et, fondamentalement, une grande pluridisciplinarité. La recherche permet ainsi de resituer les menaces, d’identifier les vulnérabilités, de penser ces problématiques en décalant les regards. Elle doit apporter des réponses sans atteinte à la vie privée, ni restriction aux libertés. Sur des aspects particulièrement sensibles, comme la videosurveillance ou la reconnaissance faciale notamment, dont l’efficacité et les enjeux éthiques sont et doivent être questionnés, la recherche n’est pas seulement là pour les aspects techniques. Elle vise également, par ses analyses transverses, à faire en sorte que les solutions soient adaptées à la société. Au sein du triptyque sécuritaire « Etat-société-individu », elle a toute sa place pour alimenter les temps longs de la préparation des solutions finalisées en exposant une large palette de projets de recherche et de solutions innovantes aux nouveaux enjeux posés par les défis de société.

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Les grandes thématiques abordées pour la 15e édition du WISG

Le WISG s’articulera autour de trois axes thématiques, complémentaires : protéger les infrastructures : les nouveaux enjeux ; la participation des citoyens à la résilience ; retour d’expérience européenne – sécurité et résilience. Concernant les projets qui seront présentés et discutés, il s’agit par exemple, pour la première thématique, de recherches sur la sécurité des réseaux d’eau avec le projet CoRREau ; sur la sécurité des infrastructures de santé, particulièrement vulnérables face aux cybermenaces, le projet européen SAFECARE s’intéresse à l’analyse systémique de la protection physique et cyber d’établissements hospitalier. Face aux attaques physiques, le projet RESIIST propose quant à lui d’améliorer le pilotage de la résilience des infrastructures de santé au moyen d’indicateurs bâtis sur l’agrégation de données. S’agissant de la participation citoyenne à la résilience, nous discuterons, comme nous l’avons vu précédemment, de recherches menées sur l’analyse des comportements de populations affectées par des crises ou sur les mouvements de foule anticipés. La dernière thématique est consacrée au retour d’expérience européenne car nous souhaitons aussi démontrer la nécessité de cette démarche collaborative à travers l’Europe et le partage de compétences.  Le projet DEFERM vise l’amélioration des processus opérationnels et le développement (ultérieur) de méthodes techniques ou de dispositifs de détection et de décontamination face aux menaces causées par la libération, naturelle ou volontaire, de microorganismes pathogènes. Le projet européen Netcher ambitionne, lui, de trouver des solutions et définir des méthodologies et des approches pour la protection du patrimoine culturel menacé et lutter contre le commerce illicite. Il a été suivi par le projet NOSE dans lequel une encre à base de nanoparticules a été développée pour proposer une solution à ces questions. Le projet INTREPID rassemble 17 entités de sept pays européens de manière à développer une solution technique pour l’utilisateur final dans le cadre des premiers instant d’une situation de crise.

Plus d’informations :

Le WISG est organisé par l'ANR, en partenariat avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR), le Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN), et avec le soutien du pôle Safe et de l’université Aix-Marseille

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Workshop Interdisciplinaire sur la Sécurité Globale
Les 21 et 22 mars 2023
Palais du Pharo, Marseille

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Mis à jour le 22 février 2023
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