Des applications de sport et d’activité physique en quête d’usagers : une approche combinatoire en termes d’adoptation et d’ajustements – AdApps
La pratique d’une activité physique (AP) stagne voire régresse en Europe, posant d’importants problèmes de santé publique (INSERM, 2019). Dans ce contexte, les objets connectés et applications de sport et d’activité physique (ASAP) semblent tomber à point nommé pour stimuler la pratique, tant auprès de la population générale (sédentaire ou active) que pour les personnes vivant avec des affections chroniques. Des promesses sont associées à ces dispositifs numériques conçus autour de trois leviers motivationnels centraux : objectiver l’évolution de ses performances pour ajuster l’intensité des séances ; bénéficier d’encouragements au sein de communautés d’utilisateurs ; rendre agréable une AP souvent appréhendée comme une souffrance. Pour autant, le recours aux ASAP ne constitue pas une lame de fond. Socialement différencié, il concerne surtout les hommes déjà sportifs, et moins les personnes à qui une AP est recommandée (notamment dans une perspective de santé). Plusieurs études pointent par ailleurs un taux élevé d’abandon, une fois la phase de découverte terminée. D’autres travaux montrent les visages pluriels des « sportifs connectés » : adaptant les prescriptions des ASAP, ils ignorent certaines fonctionnalités et s’adonnent à des usages sélectifs.
Le numérique n’agit donc pas comme un agent providentiel de changement. Pour que ses usages deviennent pérennes, la technologie doit être encastrée dans un ensemble de pratiques, contraintes et habitudes, ce qui requiert un certain nombre d’alignements entre les perspectives initiales des éditeurs d’ASAP et des contextes sociaux « réinnovant » à partir de manières spécifiques de faire et de penser. Cet accommodement est en fait réciproque : l’industrie du self tracking associe de plus en plus les usagers ciblés pour calibrer les ASAP et favoriser un attachement durable.
La littérature se focalise sur l’engagement, les usages et l’expérience des ASAP. Tout en approfondissant cette facette, le projet se focalise sur les ajustements mutuels entre éditeurs d’ASAP et cibles, en liant les « adoptations » côté usagers et les déclinaisons sectorielles côté offre. En particulier, nous observerons la circulation des dispositifs numériques entre trois secteurs correspondant à la fois aux principaux débouchés ciblés par les éditeurs d’ASAP et aux aires d’expertise des partenaires scientifiques : loisir sportif ; APA pour malades chroniques ; sport au travail. L’objectif consistera à 1) analyser les agencements construits au sein de chaque secteur ; 2) identifier les requalifications opérées à leur intersection au terme de pivots stratégiques ; 3) relever, au terme d’études centrées sur les usages de ces applications, les conditions dans lesquelles les appropriations d’une ASAP se trouvent facilitées ou entravées. Il s’agit donc d’observer la réception des solutions (par les utilisateurs ciblés, clients, acteurs intermédiaires et/ou prescripteurs), et, symétriquement, les stratégies de déploiement de dispositifs numériques affinés entre différents secteurs. Au-delà du double regard, l’originalité consiste à s’intéresser aux infléchissements procédant de cette rencontre entre deux dynamiques : des évolutions de solutions initialement pensées dans une logique sectorielle ; des besoins spécifiques émanant de publics dont rien ne garantit qu’ils adopteront ces ASAP « sur mesure ».
Pour mener à bien ce projet, le consortium dispose d’un solide réseau de partenaires socio-économiques (entreprises de la sport tech, associations, acteurs publics) au sein de chaque secteur. Ceux-ci ont donné leur accord pour partager leur expertise, relater leurs expériences et ouvrir leurs organisations au regard des chercheurs : mise à disposition de data, réalisation d’entretiens pour cerner le développement et les déclinaisons des ASAP. Ils sont aussi fortement en attente de résultats et d’études d’usages (côté bénéficiaires) permettant d’optimiser leur positionnement stratégique.
Coordination du projet
Bastien SOULÉ (LABORATOIRE SUR LES VULNERABILITES ET L'INNOVATION DANS LE SPORT)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
CRESCO Centre de Recherches Sciences Sociales Sports et Corps
E3S Sport et Sciences Sociales (EA 1342 - UR 1342 depuis 01.01.2020)
L-Vis LABORATOIRE SUR LES VULNERABILITES ET L'INNOVATION DANS LE SPORT
ELICO EA 4147 - EQUIPE DE RECHERCHE DE LYON EN SCIENCES DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION
IDHE.S Institutions et Dynamiques Historiques de l'Economie et de la Société
Aide de l'ANR 272 510 euros
Début et durée du projet scientifique :
October 2023
- 36 Mois