Evaluation et application des lipides membranaires microbiens comme marqueurs (paléo)environnementaux dans les milieux lacustres – ALPINE
Connaître les amplitudes climatiques passées et comprendre leurs interactions avec la géosphère et la biosphère est aujourd’hui crucial pour appréhender les changements climatiques à venir. La plupart des marqueurs paléoenvironnementaux disponibles ont été développés et utilisés dans les milieux océaniques. Néanmoins, il est essentiel de disposer de marqueurs également applicables aux archives continentales afin d’améliorer notre compréhension globale des changements environnementaux passés. Les lipides membranaires produits par certains microorganismes peuvent être utilisés dans ce but. Les microorganismes sont capables d’ajuster la composition lipidique de leurs membranes en réponse à un stress environnemental afin d’assurer l’état optimal de la membrane cellulaire. L’analyse des tetraéthers ramifiés dans des sols, tourbières et lacs du monde entier a ainsi révélé que la structure de ces composés varie avec la température de l’air et dans une moindre mesure le pH. Ces lipides d’origine bactérienne ont connu un intérêt grandissant depuis plus de quinze ans. Ils constituent en effet à ce jour les seuls marqueurs organiques microbiens disponibles pour les reconstructions de température à la fois en milieu terrestre et aquatique. Il est crucial de disposer de nouveaux marqueurs indépendants et complémentaires des tetraéthers pour améliorer la fiabilité et la précision des reconstructions paléoenvironnementales continentales.
L’ambition du projet ALPINE est de proposer un tel marqueur basé sur les acides gras 3-hydroxylés (AGH). Ces lipides membranaires, principalement produits par les bactéries Gram-négatives, ont été proposés comme marqueurs de température et de pH après analyse dans un grand nombre de sols du monde entier. Néanmoins, l’influence des paramètres environnementaux sur la distribution des AGH en milieu lacustre et leur applicabilité en tant que marqueurs de température et de pH n’ont pas encore été étudiées en détail, malgré la possibilité offerte par les archives lacustres de reconstruire les conditions environnementales passées à haute résolution. Il est désormais indispensable d’acquérir des informations précises sur l’adaptation des microorganismes produisant des AGH dans les lacs avant de proposer des marqueurs (paléo)environnementaux robustes et universels, applicables à la fois dans les milieux terrestres mais aussi aquatiques.
Les principaux objectifs de ce projet consisteront (i) à examiner l’applicabilité des AGH comme marqueurs de température et de pH dans les lacs et (ii) à y contraindre les limites et les conditions d’utilisation des marqueurs existants basés sur les tetraéthers. Pour ce faire, nous examinerons dans un premier temps le/les source(s) des lipides microbiens dans les lacs. L’effet de la température et du pH sur les microorganismes lacustres et leurs lipides membranaires sera ensuite évalué en combinant échantillonnages sur le terrain et expérimentations en laboratoire – incubations en microcosme avec des composés marqués, et cultures bactériennes. La résistance des AGH à la dégradation en conditions biotiques et abiotiques sera examinée en parallèle. Nous chercherons ensuite à développer des calibrations entre la température/le pH et la distribution des AGH à partir de sédiments lacustres prélevés dans le monde entier. Enfin, ces calibrations seront appliquées à des carottes lacustres pour reconstruire les variations environnementales passées.
Ce projet interdisciplinaire représente une opportunité unique de rassembler des chercheurs aux expertises complémentaires pour le développement d’un nouveau traceur environnemental. Nous proposons une approche intégrée, couplant les techniques les plus récentes de géochimie organique, de microbiologie, de microscopie électronique et d’isotopie, qui seront appliquées à des échantillons actuels et anciens.
Coordinateur du projet
Monsieur Arnaud Huguet (Sorbonne Université)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
METIS Sorbonne Université
LOCEAN Institut de recherche pour le developpement
EDYTEM Université Savoie Chambéry
MCAM Muséum National d'Histoire Naturelle Paris
LECA LABORATOIRE D'ECOLOGIE ALPINE
Aide de l'ANR 567 825 euros
Début et durée du projet scientifique :
février 2023
- 48 Mois