DS10 - Défi de tous les savoirs

Cartographie dynamique de la mémoire à long terme en formation – MemoMap

Une approche de la biologie computationnelle pour déchiffrer la formation de la mémoire à long terme

Développement d'un dispositif de détection et de suivi 3D à l'échelle de la cellule individuelle pour étudier les traces de mémoire à long terme (MLT) dans un centre de mémoire, le corps pédonculé de la drosophile

Développement d'un dispositif de détection et de suivi 3D àl'échelle de la cellule individuelle pour étudier les traces de mémoire à long terme dans un centre de mémoire

L'encodage des mémoires a lieu dans un petit sous-ensemble de neurones, dispersé dans un plus grand ensemble. Le principal goulot d'étranglement qui empêche d'obtenir une vue intégrée d'un événement de mémorisation provient de l'absence de méthodologie permettant d'étudier les processus biochimiques propres à la mémoire dans des assemblages de neurones hétérogènes. Nous avons utilisé le conditionnement olfactif chez la drosophile pour développer, pour la première fois, un système de détection ponctuelle et de suivi multi-cibles capable de quantifier simultanément l'activité dynamique des 2 000 neurones du centre d'apprentissage et de mémoire olfactifs de la drosophile, le corps pédonculé, et ce in vivo. Les principaux défis à surmonter sont les contraintes de résolution spatiale, ainsi que le déplacement des tissus de l'animal. En optimisant les techniques de préparation du cerveau de la mouche, et en appliquant des algorithmes rigides et non rigides de transformation des siganux, nous avons réussi à mettre en place un système de suivi 3D capable de détecter en moyenne 500 cellules et de suivre leur activité dans le temps. Il permet de surveiller avec précision le signal de neurones individuels provenant du corps pédonculé, et de comparer des schémas complets de réponse aux odeurs après différentes conditions de conditionnement.

Nous utilisons des outils de contrôle génétique de l'activité neuronale et des rapporteurs de cette activité via l'imagerie in vivo ultra-rapide en microscopie «spinning-disk« pour enregistrer les neurones du corps pédonculé de manière parallèle. En utilisant une stimulation par des odorants synchronisée avec l'enregistrement par microscopie, nous sommes en mesure de mesurer l'acitivité neuronale dans des cerveaux de mouches vivantes. Pour le traitement des images, nous avons développé des algorithmes permettant de suivre complètement la position d'au moins 90% des noyaux imagés tout au long de la séquence. Les séquences 3D sont converties en matrices composées de noyaux (en rangée) en fonction du temps (en colonnes) remplis de valeurs fluorescentes. Sur cette base, nous avons développé des algorithmes pour suivre le signal de stimulation dans le temps pour chaque neurone.

Notre procédure entièrement automatisée a permis de récupérer de manière robuste le signal d'environ 500 neurones individuels de la couche de corps cellulaire MB entière pour 216 mouches in vivo. Ce niveau de débit, jamais atteint auparavant, offre de nouvelles perspectives car il est à grande échelle et peut fonctionner avec une précision de neurone unique. En utilisant cette approche, nous avons identifié pour la première fois une augmentation du nombre de neurones sensibles après la formation de MLT, suggérant un recrutement neuronal. Nous prévoyons que cette méthode, qui devrait en outre permettre d'étudier le profil de population de l'activité neuronale, pourrait potentiellement révéler des détails fins de la formation de la mémoire et de la plasticité.

/

Un manuscrit en cours de révision décrit l’analyse de traces de MLT par l’algorithme de détection et de suivi de points 3D. Nous décrivons comment cette technique permet de détecter et de suivre automatiquement 500 neurones du corps pédonculé, individuellement et de manière parallèle. Le code de cette méthode, qui permet de reproduire ces résultats et l'évaluation de suivi des données synthétiques et annotées, est disponible dans le référentiel Github suivant: github.com/biocompibens/memotrack. Nous avons eu des interactions fructueuses lors de réunions scientifiques offrant un grand potentiel pour établir de nouvelles collaborations et adapter cette technique également à d’autres organismes modèles.

Le caractère unique de chaque être humain est lié à ce que nous apprenons et mémorisons — ou pas — pendant notre vie. Et pourtant, la façon dont le cerveau code, stocke, et récupère les souvenirs n'est que très partiellement comprise. Le principal verrou pour obtenir une vision intégrée d'un souvenir vient de l'absence de méthodologie pour étudier les processus biochimiques spécifiques dans des assemblées de neurones hétérogènes, puisque l'encodage mnésique a lieu dans un petit sous-ensemble de neurones répartis au sein d'une large population. Ainsi, de nombreuses études biochimiques globales ont été menées au niveau de centres mnésiques, alors que seule une petite partie des neurones porte la trace mnésique. En conséquence, le faible rapport signal bruit affecte l'interprétation de la plupart des études in vivo. Qui plus est, un événement de mémoire n'est pas une série de processus chimiques qui se déroulent indépendamment dans des cellules différentes. La dynamique des activités électriques et biochimiques coordonnée dans les cellules pertinentes est au cœur des processus mnésiques, et leur analyse complète reste hors de portée des approches actuelles.
Pour surmonter ces limitations sévères, il est nécessaire d'enregistrer l'activité électrique et/ou biochimique de tout un réseau neural à une résolution cellulaire et dans le temps. Notre projet propose de relever ce défi. Il profitera de nouveaux rapporteurs biochimiques fluorescents codés génétiquement, des progrès récents dans l'imagerie in vivo, et de la connaissance approfondie des groupes Preat et Genovesio respectivement en neurobiologie de la mémoire de la drosophile et du traitement de l'image. Des verrous critiques devraient être levés comme le développement d'une imagerie rapide et précise et la classification des réponses neuronales. Ainsi, nous réaliserons une analyse détaillée en 3D au fil du temps de l'ensemble d'un centre mnésique, les corps pédonculés, au niveau de la cellule unique. Avec cette méthode, nous proposons de répondre à trois questions clés, actuellement sans réponse.
Notre premier objectif sera d'identifier l'ensemble des neurones spécifiquement recrutés pour encoder l'association entre le stimulus olfactif et le stimulus aversif ou appétitive. Les analyses globales ont déterminé que les neurones recrutés appartiennent à une sous-population fonctionnellement hétérogène de corps pédonculés, les neurones a/ß, mais les études actuelles n'ont pas permis de caractériser précisément ces neurones. Nous proposons deux approches complémentaires, l'analyse de l'activité électrique de l'ensemble des neurones a/ß, et l'étude de l'activité des protéines kinases au niveau nucléaire, pour identifier individuellement les neurones impliqués dans la formation de la mémoire à long terme. Nos travaux permettront de révéler avec un niveau de détail sans précédent le rôle des différents effecteurs nucléaires impliqués dans la formation de la mémoire à long terme.
Notre deuxième objectif concerne les processus sélectifs mis en jeu lors de la formation de la mémoire à long terme. Toutes les évènements appris ne sont pas mémorisés à long terme, et nos travaux pionniers ont montré que la signalisation dopaminergique joue un rôle crucial dans le contrôle de ce passage. Le suivi de voies biochimiques spécifiques dans les neurones concernés ouvrira l'analyse de la signalisation dans les corps pédonculés aval des neurones dopaminergiques.
Enfin, nous étudierons si le modèle généralement admis que chaque neurone a/ß des corps pédonculés a la capacité de traiter les mémoires à long terme aversives ou appétitives est valide, ou si l'analyse en cellule unique révèle des sous-populations spécifiques spécialisés.
En conclusion, la contribution scientifique et technique du projet doit permettre une percée majeure dans notre compréhension de la formation de la mémoire à long terme.

Coordination du projet

Thomas PREAT (Laboratoire Plasticité du cerveau - UMR8249)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CNRS Laboratoire Plasticité du cerveau - UMR8249
ENS Institut de Biologie de l’Ecole Normale Supérieure

Aide de l'ANR 275 000 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2015 - 24 Mois

Liens utiles

Explorez notre base de projets financés

 

 

L’ANR met à disposition ses jeux de données sur les projets, cliquez ici pour en savoir plus.

Inscrivez-vous à notre newsletter
pour recevoir nos actualités
S'inscrire à notre newsletter