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Processus énergétiques gouvernant des protométabolismes peptidiques à l’origine des systèmes vivants – PeptiSystems

PeptiSystems – émergence du vivant

Processus énergétiques gouvernant des protométabolismes peptidiques à l’origine des systèmes vivants

Comprendre la complexité avec la chimie des systèmes

Partant du postulat que la vie terrestre s’est développée par complexification à partir de systèmes chimiques, et de l’idée que des forces motrices physico-chimiques et la contingence sont à l’origine de ce processus dès son début, le projet PEPTISYSTEMS vise principalement : (i) la compréhension de la formation abiotique de peptides et le couplage de sources d’énergie avec la formation de liaisons peptidiques ; (ii) les questions de l’émergence de la sélectivité, en particulier la stéréosélectivité (séquences de structure ou de chiralité définie) et de l’émergence d’états improbables mais cinétiquement stables (persistants) ; (iii) l’émergence de la traduction comme résultat d'une co-évolution peptides – nucléotides.

Le projet PeptiSystems a pour objectif de combiner une analyse physicochimique des conditions de l’origine de la vie à l'approche expérimentale. Cette analyse est centrée sur l’idée qu’un apport d’énergie à un système chimique est nécessaire pour le maintenir suffisamment loin de l’équilibre afin que des processus chimiques non-linéaires prennent le dessus sur l’évolution directe vers l’équilibre et deviennent autonomes.
Les aspects théoriques constituent à la fois le point de départ du projet et un thème d’investigation destiné à mieux comprendre l’origine physique de la complexité. Dans cette perspective, l’émergence de protométabolismes définis comme des réseaux de réactions chimiques fonctionnant hors équilibre et donc capables d’induire une auto-organisation (associée à une diminution locale d’entropie compensée par l’irréversibilité du processus global) est une étape clef pour l’origine de la vie.
Ce programme implique l'étude expérimentale de la réactivité chimique d'intermédiaires riches en énergie dérivés d'acides aminés, en solution diluée dans l'eau, et en présence de divers agents d'activation (chimique, photochimiques) et/ou de catalyseurs, pour caractériser ces voies d’activation. À cette fin, nous mettons en œuvre les outils classiques de la chimie organique et analytique (RMN, HPLC, GC-MS…), en mettant par exemple l’accent sur la recherche de systèmes permettant la conversion de l'énergie lumineuse en énergie chimique. Nous étudions également les interactions chimiques entre des dérivés d'acides aminés et de nucléotides.

Les derniers développements sur les fondements théoriques mettent l’accent sur l’importance de la stabilité cinétique dynamique, et sur l’importance du coût énergétique de l’irréversibilité dans les processus d’auto-organisation. Cela conduit à requalifier les critères d’habitabilité pour l’émergence du vivant (plus contraignants que l’habitabilité au sens du « maintien d’une vie déjà existante »), à la lumière desquels les environnements hydrothermaux (e.g. sous-marins) ou les corps planétaires glacés apparaissent peu propices à l’émergence du vivant.
L’étude expérimentale comparée de divers agents chimiques d’activation montre que ceux ayant un «haut potentiel« favorisent davantage des processus d'auto-organisation, alors que les agents «à faible potentiel« mènent à des «impasses évolutives« dans un contexte prébiotique.
La recherche expérimentale de processus d'activation de peptides par irradiation ultraviolette a été menée en détail, mais n'a pas encore donné tous les résultats espérés, illustrant la complexité du problème à résoudre.
L'interaction entre des dérivés activés d'acides aminés et de nucléotides montre des réactivités originales et intéressantes (dont celles des esters phosphoriques), qui constituent des modèles simples d'actes élémentaires des processus biochimiques impliqués dans la traduction de l'ARN en protéines.
Ces travaux sont publiés ou le seront prochainement.

L'identification de systèmes de conversion photochimique est une approche difficile qui demande un travail conséquent. L'étude de systèmes d'activation se poursuit, en testant une palette élargie de composés chimiques riches en énergie, accompagnée d'une réévaluation critique des données de la littérature les concernant.
Les résultats récents obtenus autour de l'interactions peptides/nucléotides pourraient s’avérer d’une grande importance quant à l’émergence du processus de traduction en biochimie. La progression sur ce thème motive le renforcement de collaborations internationales avec des chercheurs de premier ordre.
Notre collaboration internationale sur les fondements théoriques a donné lieu a un approfondissement de notre vision centrée sur l’idée de persistance, permettant d’entrevoir une réunification conceptuelle des deux grandes théories du changement datant du XIXe siècle : le Second Principe de la thermodynamique et la théorie de l’évolution proposée par Charles Darwin. Un article de perspective publié dans Chemical Communications fin 2015 développe cette idée d’un principe de persistance, de nature purement logique (un changement spontané ne peut conduire qu’à des formes plus stables dans le temps et in fine à un système qui ne change plus), qui engloberait deux dynamiques évolutives l’une basée sur la maximisation des probabilités (second principe) et l’autre sur la croissance exponentielle des populations.
Cette compréhension des forces motrices gouvernant l’évolution est de nature à faciliter la recherche de systèmes chimiques pouvant la supporter et motive le développement du projet PeptiSystems, mais plus globalement pourrait contribuer à une levée de la barrière conceptuelle séparant les sciences physiques des sciences du vivant.

• 6 articles de recherche :
R. Pascal, Isr J Chem 2015, 55, 865–874. DOI: 10.1002/ijch.201400193
R. Pascal, A. Pross, Chem Communi 2015, 51(90), 16160–16165. DOI: 10.1039/C5CC06260H
D. Beaufils, S. Jepaul, Z. Liu, L. Boiteau, R. Pascal, Orig Life Evol Biosph 2016, 46(1), 19–30. DOI: 10.1007/s11084-015-9455-0
S. Murillo Sánchez, D. Beaufils, J. M. González Mañas, R. Pascal, K. Ruiz-Mirazo, Chem Sci 2016, 7(5), 3406–3413. DOI: 10.1039/c5sc04796j
R. Pascal, Astrobiology 2016, 16, 328–334. DOI: 10.1089/ast.2015.1412
R. Pascal, A. Pross, Orig Life Evol Biosph 2016, DOI: 10.1007/s11084-016-9494-1
• 15 presentations orales dans des congrès ou ateliers scientifiques (incluant 7 conférences invitées internationales)
• 1 article de vulgarisation:
R. Pascal, G. Danger, L’Actualité Chimique 2015, 393–394, 17–23.
• Plusieurs conférences et actions de diffusion scientifique au grand public.

La détection d'exoplanètes en nombre grandissant et ayant des conditions de plus en plus voisines de celles de la Terre place la question de la pluralité des mondes vivants au tout premier plan des questions non résolues par la science. Cependant, tant l'étude de la nature et de l'émergence possibles d'autres formes de vie que leur détection réclament une approche interdisciplinaire. La vie terrestre constitue un processus historique qui s’est développé par complexification à partir de systèmes chimiques. Ce projet adopte l’idée que tant des forces motrices physico-chimiques que la contingence sont à l’origine de ce processus dès son début. Les aspects théoriques constitueront à la fois le point de départ du projet et un thème d’investigation destiné à mieux comprendre l’origine physique de la complexité. Dans cette perspective, l’émergence de protométabolismes définis comme des réseaux de réactions chimiques fonctionnant hors équilibre et donc capables d’induire une auto-organisation (associée à une diminution locale d’entropie compensée par l’irréversibilité du processus global) est une étape clef pour l’origine de la vie. Des réseaux chimiques de ce type doivent fonctionner à sens unique (de manière cinétiquement irréversible) et être constitués de suites de réactions consécutives ou de cycles réactionnels et peuvent impliquer en sus d’autres rétroactions positives donnant naissance à des systèmes doués de propriétés auto-catalytiques et se comportant de manière non-linéaire. Pour comprendre comment l’auto-organisation peut s’établir spontanément, il est essentiel de déterminer les voies ayant pu alimenter de tels systèmes en énergie de manière constante ou répétée. Cette approche est appliquée à la formation de biopolymères potentiellement capables d’activités fonctionnelles qui est considérée le plus souvent comme un préalable à l’origine de la vie. Notre objectif original est de proposer un scénario global intégrant la formation de peptides et d’autres processus associés pour construire un ensemble donnant naissance à des propriétés émergentes liées à l’interconnexion des différentes parties du réseau réactionnel. Le projet cible (i) la compréhension de la formation abiotique de peptides et le couplage de sources d’énergie à la formation de la liaison peptidique. Mais il n’est pas limité à ce but car des peptides obtenus à partir de mélanges racémiques ne sont généralement pas capables d’adopter les structures bien définies nécessaires à des activités spécifiques. Il s’intéressera (ii) aux questions de l’émergence de la sélectivité (stéréosélectivité et séquences de structure ou de chiralité définie) et d’états improbables mais cinétiquement stables. Enfin (iii) l’émergence de la traduction à un stade précoce de l’évolution suggère que les chimies des acides aminés et des peptides peuvent être couplées à celle d’un support d’information en conformité avec l’hypothèse d’une co-évolution peptides – nucléotides. L’ensemble de ces thèmes feront l’objet d’une étude expérimentale basée sur le suivi des réactions par des méthodes classiques de chimie organique (RMN, HPLC, MS, UV…).

Coordinateur du projet

Monsieur Robert PASCAL (Institut des Biomolécules Max Mousseron)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

IBMM Institut des Biomolécules Max Mousseron
CNRS DR12 _ PIIM Centre National de la Recherche Scientifique Délégation Provence Corse _ Laboratoire de Physique des Interactions Ioniques et Moléculaires

Aide de l'ANR 420 000 euros
Début et durée du projet scientifique : septembre 2014 - 48 Mois

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