Blanc SVSE 7 - Sciences de la vie, de la santé et des écosystèmes : Biodiversité, évolution des écosystèmes, écosystèmes productifs, agronomie

Spéciation adaptative: approche intégrative chez la souris. – ASSORTMATE

Reconnaissance sexuelle olfactive et spéciation

Les êtres vivants se distinguent par la diversité de couleurs, sons et parfums utilisés dans leur communication sexuelle. Mais comment cette diversité évolue? Quel est son rôle dans l'apparition des espèces? Quel est le rôle de l'adaptation dans cette diversification? Quels sont les mécanismes proximaux comportementaux, olfactifs, génétiques en jeu dans la diversification des senteurs d'espèce?

Comprendre l'évolution des senteurs d'espèces.

Nous cherchons à mettre en évidence les mécanismes causaux et proximaux à l’origine de l’évolution des signaux olfactifs permettant la reconnaissance sexuelle spécifique. En particulier, nous nous intéressons à des situations où les populations qui divergent sont en contact, produisent des hybrides et échangent des gènes. Notre hypothèse de travail est que la reconnaissance sexuelle et l’homogamie (reproduction entre semblables) sont une réponse adaptative permettant d’éviter une hybridation couteuse (les hybrides ayant une plus faible fertilité). Nous étudions cette question chez la souris domestique, une espèce modèle bénéficiant de nombreuses études ayant produit une masse de connaissance et d’outils techniques sur lesquels notre étude repose. Ce modèle nous permet également de tester notre hypothèse dans des conditions naturelles, i.e. dans des populations de la zone hybride entre deux sous-espèces européennes de la souris. Notre étude est pluridisciplinaire permettant une approche intégrative pour répondre à notre question.

Nous avons adopté cinq approches: écologie comportementale, chimie, biochimie, neurophysiologie et génomique. Pour caractériser les odeurs (présentes dans l’urine des souris) de reconnaissance spécifique, des techniques d’analyse chimique (identification de molécules organiques volatiles) et biochimique (identification de protéines urinaires) sont utilisées. On s’attends à ce que les molécules candidates montrent une plus grande divergence chez les populations des deux sous-espèces proches de la zone hybride que chez les plus éloignées. La validation du rôle de ces molécules se ferra par des tests comportementaux sur des animaux vivants et des tests neurophysiologiques sur des préparations d’organe vomeronasal. Nous déterminons la divergence génétique de certaines molécules odorantes (MUP) et de leurs récepteurs (VR). L’analyse des séquences et de l’expression de ces gènes nous permettra de déterminer la nature des différences génétiques associées à la divergence de la reconnaissance sexuelle, et de tester le rôle de la sélection dans ce processus. Notamment, nous recherchons une signature de la sélection autour de ces gènes candidats dans des populations proches de la zone hybride (populations candidates) que l’on compare a des populations allopatriques (distantes de la région géographique où agit la sélection). Enfin le rôle de processus comportementaux, comme la sélection sexuelle contre les hybrides ou la compétition, dans la divergence des signaux et des préférences olfactives dans les populations proches de la zone hybride est testé par les approches comportementale et chimique.

Nous avons identifié plusieurs molécules chimiques et biochimiques urinaires montrant une divergence entre les sous-espèces plus marquée chez les populations proches de la zone hybride que éloignées. Cette divergence est essentiellement quantitative, implique des phéromones, et suggère un dimorphisme sexuel.
Ces odeurs sont également perçues différement par les neurones olfactifs de l’organe voméronasal. Cette perception montre aussi un dimorphisme sexuel suggérant soit une divergence entre les odeurs des deux sous-espèces plus importante chez les femelles que chez les mâles soit une réponse physiologique plus intense chez les mâles.
Les tests de préférence indiquent que les odeurs hybrides sont perçues comme peu attractives, indiquant leur différence avec les deux sous-espèces et pointant un rôle de la sélection sexuelle contre les hybrides dans le renforcement de l’isolement. La compétition pourrait également interférer avec le processus de divergence : les mâles d’une des deux sous-espèces dominant les mâles de l’autre. Nous testons comment les femelles de la sous-espèce dominée évitent l’hybridation dans un tel contexte.
La recherche d’une signature de la sélection dans le génome a consisté en l’analyse comparative du polymorphisme de plus d’un millier de marqueurs microsatellites répartis dans les régions génomiques candidates (VR, MUP) chez des populations proches et distantes de la zone hybride. Nous avons détecté 30 régions candidates (montrant un signal seulement chez les populations proches de la zone hybride). Toutefois une région en particulier, proche d’un gène VR, montre un signal de sélection particulièrement fort. Elle sera étudiée plus en détail en utilisant des méthodes de séquençage et d’expression.

Nous allons valider le rôle des molécules chimiques et biochimiques candidates, Ce qui implique de synthétiser ces molécules et de tester leurs effets à l’aide de tests comportementaux et par analyse neurophysiologiques.
Nous testerons comment les femelles de l’espèce dominée gèrent un conflit d’information rencontré dans les populations proches de la zone hybride : le mâle de plus grande qualité (dominant) est également le moins compatible génétiquement (l’autre sous-espèce).
Nous démarrons des recherches comparant l’investissement paternel des mâles des deux sous-espèces : est ce que les mâles dominés auraient d’autres « qualités », ex. investissement paternel plus important, compensant leur plus faible compétitivité et augmentant leur attractivité ?
La première étude neurophysiologique (mesure de l’intensité des réponses des neurones olfactives de l’organe voméronasal aux urines des deux sous-espèces) a produit des nombreux résultats nécessitant le développement d’outils d’analyse. La prochaine étape sera de comparer la perception des urines de populations proches et distantes de la zone hybride.

Nous démarrons l’étude de l’expression génique différentielle entre les deux sous-espèces. Notre première étude concerne les niveaux d’expression des gènes VR dans l’organe voméronasal de la souris. Ceci pour comparer les niveaux d’expression de ces gènes entre sexes, entre populations proches et distantes de la zone hybride et entre sous-espèces. La deuxième expérience caractérisera la variation et la divergence de séquence (recherche de régions sous sélection) et la variation et divergence structurale (nombre de copies de gènes) entre les deux sous-espèces. Cette approche nous permettra d’analyser ces variations au niveau des gènes candidats VR et MUP, et d’élargir l’analyse à d’autres régions d’intérêt.

Nous avons plusieurs articles en préparation:
Y. Latour, M. Perriat-Sanguinet, P. Caminade, P. Boursot, CM. Smadja and G. Ganem. Sexual selection against hybrids as a barrier to gene flow in a house mouse hybrid zone? en révision.
CM. Smadja, E. Loire, P. Caminade, M. Thoma, Y. Latour, C. Roux, K. Belkhir, J. Catalan, D. Penn, G. Ganem and P. Boursot. Testing for reinforcement at the genomic level. En préparation.
JL. Hurst, SD Armstrong, SA. Roberts, CM. Smadja, R.J. Beynon A. Davidson, G. Ganem. Molecular heterogeneity in major urinary proteins in the urine of Mus subspecies: tracking odorant candidate involved in chemospeciation. En préparation.

Conférences:
Ganem, Présentation affichée - First European Conference on Speciation Research. Décembre 2010, Vienne, Autriche.
Ganem, – presentation orale - 12TH International conference on Chemical Signals in Vertebrates, Août 2011, Berlin.
Boursot - Présentation affichée - Conférence Jacques Monod « Développements théoriques et empiriques en génomique évolutive », Roscoff, 31 mars-4 avril 2012.
Smadja - Conférence ‘Evolution’, joint meeting 15-18 Juillet 2012, Ottawa, Canada
Ganem -Présentation orale – 14th International Behavioural Ecology Congress, 12-17 August 2012, Lünd, Suède.
Latour -Présentation affichée – 34ème réunion du groupe d’étude de biologie et génétique des populations. PPD 28-31 Août, Avignon France.
Latour-Présentation orale – FroSpects Workshop Behaviour and Speciation, 6-8 Février 2013, Oslo, Norway.

La plausibilité de la « spéciation avec flux génique » est un sujet longuement débattu en biologie évolutive. C’est maintenant considéré comme un mode de spéciation possible bien que rarement démontré dans la nature. Nous adoptons ici une approche intégrative pour dénouer les mécanismes de la spéciation adaptative chez un organisme modèle, la souris domestique, dans le cadre bien connu d’une zone hybride entre deux sous-espèces où le flux de gènes est limité par la faible valeur sélective des hybrides. L’étude repose sur des résultats précédents montrant : i) un appariement homogame entre sous-espèces impliquant des signaux olfactifs urinaires ; ii) des patrons de divergence des signaux et de leurs préférences plus prononcés sur les bords de la zone hybride que plus loin, ce qui indique un déplacement de caractère reproductif suggestif de renforcement.
ASSORTMATE est un projet international rassemblant 3 partenaires et un collaborateur extérieur. Il combine des approches en comportement, chimie, biochimie, neurophysiologie, génétique des populations et génomique visant à explorer les mécanismes proximaux et causaux de cette divergence pré-reproductrice.
ASSORTMATE intègre des recherches aux niveaux phénotypique et génomique et est structuré en 5 tâches. SAMPLES échantillonnera des populations à travers la zone hybride et en allopatrie puis établira un élevage des populations parentales et d’hybrides. CHEMISTRY identifiera les molécules impliquées dans la signalisation sexuelle entre les 2 sous-espèces en ciblant composés volatiles et MUP (Major Urinary Proteins) par des méthodes chimiques et biochimiques. Des études préliminaires ont déjà désigné des molécules candidates parmi lesquelles nous déterminerons les plus pertinentes présentant des signes de déplacement de caractère reproductif, que nous synthétiserons de novo. BEHAVIOUR testera le rôle de 3 moteurs comportementaux potentiels de l’isolement reproducteur (sélection sexuelle contre les hybrides, compétition inter sub-spécifique, différences de systèmes de reproduction) et validera les molécules candidates par bioassays. NEUROPHYSIO validera l’organe vomeronasal (VNO) comme centre proximal de divergence de la perception, caractérisera les réseaux neuronaux de perception et testera l’effet, au niveau du VNO, des molécules candidates. GENOMICS fournira les séquences des gènes des protéines candidates à synthétiser, et déterminera la nature des différences inter-subspécifiques au niveau des familles de gènes candidats MUP et récepteurs voméronasaux, (VR). Ceci inclura les variations structurales et d’expression de ces familles multigéniques à l’aide de techniques à haut débit. Afin de corroborer l’hypothèse d’une promotion de la divergence pré-reproductive par la sélection contre l’hybridation dans la zone hybride, GENOMICS complémentera BEHAVIOUR en recherchant des signes de divergence adaptative par un crible de balayage sélectif dans les régions génomiques candidates MUP et VR, et ce dans les populations proches de la zone hybride (populations candidates montrant des signes de renforcement) en comparaison avec des populations allopatriques non-candidates.
Le projet s’appuie sur les expertises multiples du partenaire 1 (sur le modèle d’étude, l’écologie évolutive et la génomique des populations), du partenaire 2 (chimie et biostatistiques), du partenaire 3 (neurobiologie et olfaction) et d’un collaborateur externe (leader en biochimie et génomique des MUP). Cette approche multidisciplinaire intégrant biologie fonctionnelle et évolutive fait se rencontrer les recherches sur la génomique de la spéciation adaptative et celles sur la caractérisation des comportements reproductifs et des systèmes chémosensoriels. Elle accèdera à la compréhension de l’origine de la divergence comportementale et de ses corrélats chimiques et génétiques, et testera la contribution de la sélection (naturelle et sexuelle) à la spéciation en présence de flux génique.

Coordination du projet

Guila GANEM (CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE LANGUEDOC-ROUSSILLON) – guila.ganem@univ-montp2.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

Washington University in St Louis School of Medecine departement of anatomy and neurobiology
CEFE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE LANGUEDOC-ROUSSILLON
ISEM CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE LANGUEDOC-ROUSSILLON

Aide de l'ANR 450 000 euros
Début et durée du projet scientifique : - 48 Mois

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