CE13 - Biologie Cellulaire, biologie du développement et de l’évolution

Impact universel des contraintes mécaniques compressives sur la croissance – PressingCrowding

La séparation de phase permet de réguler l’encombrement sous pression mécanique

Lorsque des cellules prolifèrent dans un environnement confiné, leur croissance implique l’émergence de forces poussant les autres cellules, appelées « forces de croissance », que nous appellerons également pression. Nous avons montré que ces forces étaient reliées à une augmentation de l’encombrement dans les cellules, et que ce dernier pouvait diminuer la prolifération cellulaire. L’encombrement désigne la grande concentration de protéines dans les cellules. Celui-ci, s’il est trop important, diminue les taux de réactions. Comprendre comment l'encombrement est régulé pourrait ainsi permettre de mieux appréhender la réponse des cellules sous contrainte mécanique.

L’encombrement augmente sous pression. Est-il régulé ?

Dans ce projet, nous nous sommes demandé si les cellules n’auraient pas développé une manière de se protéger de cet encombrement, en pouvant le réguler. Notre hypothèse a été que les grosses molécules dans la cellule pourraient, sous fort encombrement, s’agglomérer dans un coin de celle-ci, afin de libérer de l’espace.

Afin de mesurer l’encombrement, nous avons développé des nanoparticules que nous pouvons suivre dans la cellule. Leur mouvement nous donne une image de l’encombrement : plus celui-ci est élevé, plus le mouvement est ralenti. Afin de mesurer l’agrégation des protéines, nous avons utilisé des protéines que nous avons marquées avec une protéine qui fait de la lumière. En conditions normales, nous observons que cette protéine est distribuée de manière homogène dans la cellule. Mais lorsqu’il y a de la séparation de phase, de la même manière que des gouttes de vinaigre se forment dans de l’huile, ces protéines forment des points lumineux bien distincts dans la cellule. Cela nous permet de quantifier à quel point les protéines sont en solution, ou bien dans une autre phase, agrégées entre elles.

Nous avons mesuré plusieurs types de structures, et avons observé que les P-bodies, qui sont des structures agglutinant l’ARN messager, effectuaient de manière robuste une séparation de phase sous forces de croissance. Nous nous sommes alors demandé.e.s si cette séparation de phase avait un rôle dans la cellule. Nous avons utilisé un mutant, dont nous avons observé qu’il ne formait pas de séparation de phase de ces P-bodies sous pression. Nous avons alors utilisé les nanoparticules nous permettant de mesurer l’encombrement dans les cellules, et avons montré que la présence de ces structures permettait de désencombrer la cellule : sans les P-bodies, la cellule s’encombre plus rapidement lorsque les forces de croissance augmentent.

Ce résultat ouvre la porte à un nouveau type de contrôle de l’encombrement, par la séparation de phase. D'autres structures que les P-bodies peuvent effectuer de la séparation de phase dans les cellules, comme la protéine TOR1 ou le nucléole, et pourraient également permettre une régulation de l'encombrement sous contrainte mécanique.

Pas de production scientifique pour le moment.

La pression induite par la croissance émerge nécessairement d’une population de cellules proliférant dans un environnement 3D spatialement limité, et ce, quel que soit l’organisme. La pression induite par la croissance impose des contraintes physiques sur la physiologie cellulaire. Une réduction de la croissance et de la division est observée dans des organismes distants d’un point de vue évolutif, comme des bactéries, des cellules fongiques, des plantes ou des mammifères. Cependant, certaines cellules sont plus capables que d’autres de s’adapter à ces limites physiques et donc de proliférer. C’est notamment le cas des cellules cancéreuses, pour lesquelles la pression induite par la croissance participe à la tumorigenèse et à la chimiorésistance. Malgré son importance, nous n’avons toujours pas identifié les mécanismes d’intégration associés à la prolifération tridimensionnelle sous contrainte compressive.

Un point d’ombre réside en particulier dans le poids relatif de la limitation de la prolifération cellulaire par de la signalisation spécifique d’une part, ou la conséquence de la modification des paramètres physiques des cellules d’autre part. Le but de PressingCrowding est d’élucider la convergence phénotypique du contrôle mécanique de la prolifération cellulaire. Nous émettons l’hypothèse qu’une large proportion de la réduction de prolifération a pour origine les limites physiques imposées par l’augmentation obligatoire de l’encombrement macromoléculaire sous confinement en 3D. L’encombrement réfère à la large fraction volumique de macromolécules dans la cellule et a le potentiel de cinétiquement altérer les réactions biochimiques. Nous nous attendons à ce que l’encombrement puisse limiter des processus clefs associés à la croissance, restreignant en particulier la production de protéine et de biomasse, impactant ainsi la prolifération cellulaire.

Nous utiliserons des dispositifs microfluidiques uniques pour étudier dans des bactéries, des cellules fongiques et mammifères comment les forces compressives limitent physiquement la croissance et la division, et découvrirons quels paramètres physiques sont modifiés sous ces contraintes. Nous nous focaliserons sur la manière dont l’encombrement macromoléculaire peut impacter, in vivo, la production de protéine. Nous étudierons ensuite les voies de signalisation associées au contrôle de la prolifération confinée chez les levures et les cellules mammifères afin d’explorer la sensibilité de différents génotypes à la compression. Cette sensibilité doit être essentielle dans le contrôle de la prolifération cellulaire sous confinement et pourrait impacter la compétition mécanique, expliquant en partie l’évolution tumorale.

La mécano-détection a principalement été étudiée en termes de tension de membrane, ce qui peut en partie cacher le rôle crucial de l’encombrement, entravant une compréhension globale des paramètres physiques contrôlant la croissance cellulaire et déclenchant la signalisation. Notre projet cherche à combler ces lacunes et à apporter des informations primordiales sur les limites physiques associées à la croissance cellulaire, aux côtés des adaptations biologiques nécessaires pour les contourner. Une meilleure compréhension de ces processus augmenterait non seulement nos connaissances sur la croissance cellulaire, mais pourrait également permettre de nouvelles approches sur la thérapie cancéreuse et l’appréhension de l’évolution des tumeurs.

Coordinateur du projet

Monsieur Morgan Delarue (Laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes du CNRS)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LAAS-CNRS Laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes du CNRS

Aide de l'ANR 301 329 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2021 - 42 Mois

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