Cibler le métabolisme des fibroblastes adventitiels activés pour traiter l'hypertension pulmonaire – Gly-Pro-PH
Cibler le métabolisme des fibroblastes adventitiels activés pour traiter l'hypertension pulmonaire
L'hypertension pulmonaire (HTP) est une maladie mortelle affectant l’arbre vasculaire pulmonaire. L’HTP est de plus en plus prévalente au niveau mondial avec d'importants besoins médicaux non satisfaits. En réponse à des stress hormonaux, inflammatoires et environnementaux tels que l'hypoxie ou la distension vasculaire, les fibroblastes adventitiels de l'artère pulmonaire (FAAP) sont les premières cellules de la paroi vasculaire à s’activer.
Définir le profil métabolique des PAAFs et son réseau de régulation afin de guider le développement de stratégies thérapeutiques innovantes centrées sur le métabolisme des FAAPs.
La rigidité vasculaire et le remodelage de la matrice extracellulaire (MEC) favorisent la dysfonction vasculaire pulmonaire de façon précoce dans la pathogenèse de l'HTP. La rigidité de l'arbre artériel pulmonaire proximal et distal est importante pour la pathogenèse globale. Le dépôt anormal de collagène et d'élastine, et le remodelage de la MEC aggravent la rigidité et affectent les vaisseaux pulmonaires proximaux et distaux dans l'HTP. En outre, la rigidité est associée au degré de dysfonction, de dilatation et d'hypertrophie du ventricule droit dans l'HTP. Les altérations structurelles du système vasculaire pulmonaire sont arbitrées par des cellules vasculaires dites « activées », qui ont acquis et présentent des capacités hyperprolifératives, migratoires et invasives ainsi qu'une reprogrammation métabolique. En réponse à des stress hormonaux, inflammatoires et environnementaux tels que l'hypoxie/ischémie ou la distension vasculaire, les PAAFs résidents sont les premières cellules de la paroi vasculaire à présenter des signes d'activation. Cette activation se caractérise par une augmentation de la prolifération cellulaire, de l'expression des protéines contractiles et de la MEC, ainsi que par la sécrétion de chimiokines, de cytokines, de facteurs de croissance et de facteurs angiogéniques capables d'affecter directement la croissance des cellules résidentes de la paroi vasculaire et de déclencher une inflammation de manière à influencer le tonus vasculaire global et la structure de la paroi. Le remodelage classique de la MEC vasculaire se produit par des modifications de l'équilibre entre le dépôt de collagène et d'élastine, la dégradation de la matrice et les enzymes de réticulation du collagène telles que la lysyl oxydase (LOX), autant de processus qui nécessitent de l'énergie. Récemment, des études ont proposé que ce phénotype s'explique en partie par la reprogrammation des processus métaboliques des cellules artérielles et stromales environnantes. Cependant, au-delà de la glycolyse, les besoins métaboliques des PAAFs activés restent inconnus. De plus, la cinétique de ces changements n'a pas encore été établi, et ce n'est que récemment que des technologies ont été développées pour suivre ces changements moléculaires en relation avec la progression de l'HTP. Le décryptage des circuits métaboliques de l'activation des PAAF permettra de mieux comprendre les fondements moléculaires de cette maladie et fournira de nouvelles cibles thérapeutiques pour des stratégies d'intervention spécifiques.
Une meilleure caractérisation de la relation causale entre le remodelage de la MEC dépendant des fibroblastes activés, sa biochimie et son organisation, et le métabolisme cellulaire est nécessaire. Pour atteindre cet objectif, nous proposons de tirer profit de l'expertise reconnue de notre consortium dans les domaines du métabolisme cellulaire, de la biologie des cellules vasculaires, de l'activation des fibroblastes, du remodelage de la MEC et de l’HTP. Nous combinerons des modèles in vitro utilisant les cellules des patients et permettant des études en environnement contrôlé avec des modèles in vivo de rongeurs, permettant d'établir la pertinence physiopathologique de nos résultats. Nous tirerons parti de l'expertise internationalement reconnue des plates-formes techniques de nos instituts/départements (métabolomique, protéomique, exploration fonctionnelle, microscopie, microscopie à force atomique (AFM), entre autres) afin de relier efficacement l'activation des cellules vasculaires et la reprogrammation métabolique des cellules vasculaires comme deux moteurs moléculaires intégralement liés au remodelage et à la rigidification de l'ECM au cours de l'évolution de l’HTP.
Grâce à l'activité de transplantation de l'hôpital Marie Lannelongue liée au Centre de Référence Français de l'Hypertension Pulmonaire (hôpital du Kremlin-Bicêtre) (Partenaire 1 - U999), nous avons obtenu toutes les cultures primaires nécessaires à ce projet : FAAPs provenant de patients atteints d'HTP et FAAPs de patients témoins (non HTAP). En utilisant ces cellules, le partenaire 2 (UMR-7275) a découvert que l'activation des FAAPs induite par la rigidité du support, les cytokines proinflammatoires (IL-6, IL-1alpha, TGF-beta) ou l'hypoxie, converge vers la reprogrammation du métabolisme de la proline et de la glycine. Nos résultats indiquent que la sécrétion de collagène, responsable du remodelage et de la rigidité périvasculaire pulmonaire, est concomitante à l'activation des FAAPs et que leur activation réorganise le métabolisme de la proline et de la glycine.
Bien que la biosynthèse de proline par les PAAFs activés repose principalement sur le catabolisme de la glutamine (Gln), nos résultats indiquent que d'autres sources de carbone pourraient contourner la restriction en Gln, comme le glutamate (Glu), la sérine (Ser) ou la proline (Pro) elle-même. Nous avons donc étudié l'effet d’un régime déficient en Glu Pro Gly Ser sur la synthèse de proline, le dépôt de collagène périvasculaire, la rigidité des artérioles pulmonaires et les effets hémodynamiques associés dans l'HTP induite chez le rat par la monocrotaline (MCT). Des rats exposés à la MCT et nourris avec un régime non carencé ont développé une HTP sévère caractérisée par une pression artérielle pulmonaire (PAP) élevée et une hypertrophie du ventricule droit due à un remodelage vasculaire pulmonaire distal occlusif. Ces effets ont été considérablement atténués par le régime déficient en Glu Pro Gly Ser. Le régime restrictif a récemment gagné en popularité pour prévenir et/ou guérir des maladies. Les résultats de notre projet ANR Gly-Pro-PH fournissent des stratégies thérapeutiques nouvelles et ignorées jusqu'à présent, centrées sur le métabolisme activé du PAAF via la restriction en Glu Pro Gly Ser.
Le knockdown par siRNA ou l'inhibition pharmacologique de GLS (l'enzyme qui convertit la glutamine en glutamate, la première étape de la voie métabolique qui conduit de la glutamine à la proline) ou de SHMT1 (l'enzyme qui convertit la sérine en glycine) a eu un impact sur le métabolisme de la proline et de la sérine, a diminué la production de collagène et le remodelage de la MEC dans les fibroblastes activés par l'IL6 et les PAAF isolés de patients atteints d'HTP. La prochaine étape consistera à tester les inhibiteurs de SHMT1 et de GLS dans divers modèles d'HTP.
1. Torrino S et al. Metabo-reciprocity in cell mechanics: feeling the demands/feeding the demand. Trends Cell Biol. 2022 Feb 14:S0962-8924(22)00028-9. doi: 10.1016/j.tcb.2022.01.013.
2. Gallerand A, et al. Brown adipose tissue monocytes support tissue expansion. Nat Commun. 2021 Sep 6;12(1):5255.
3. Torrino S, et al. Mechano-induced cell metabolism promotes microtubule glutamylation to force metastasis. Cell Metab. 2021 Jul 6;33(7):1342-1357.e10.
4. Acharya AP, et al. Simultaneous Pharmacologic Inhibition of Yes-Associated Protein 1 and Glutaminase 1 via Inhaled Poly(Lactic-co-Glycolic) Acid-Encapsulated Microparticles Improves Pulmonary Hypertension. J Am Heart Assoc. 2021 Jun 15;10(12):e019091.
L'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est une maladie mortelle et énigmatique affectant l’arbre vasculaire pulmonaire avec d'importants besoins médicaux non satisfaits. L'HTAP se caractérise par une pan-vasculopathie complexe impliquant une prolifération excessive et une dysfonction de plusieurs types cellulaires, ainsi que par une inflammation et une fibrose de la vascularisation pulmonaire, conduisant à une augmentation de la pression artérielle pulmonaire qui évolue vers l’insuffisance cardiaque droite. L’HTAP peut être idiopathiques ou héréditaires. Les mutations du gène BMPR2 sont à l’origine de la plupart des formes héritables de cette maladie. Récemment, notre groupe et d'autres avons démontré que la perturbation du métabolisme cellulaire ainsi que la rigidification de la matrice extracellulaire (MEC) périvasculaire favorisent le développement de l’HTAP. En réponse à des stress hormonaux, inflammatoires et environnementaux tels que l'hypoxie/l'ischémie ou l’étirement pariétal des artères, les fibroblastes adventitiels de l'artère pulmonaire (FAAPs) sont les premières cellules vasculaires à présenter des signes d'activation. Les FAAP activés sont responsables d’un dépôt périvasculaire de collagène et d’un remodelage actif de la MEC - autant de processus qui nécessitent de l'énergie. Pourtant, on ne sait pas si et comment la reprogrammation du métabolisme des cellules vasculaires répond aux besoins métaboliques des FAAPs activés et affecte le remodelage de la MEC.
Les manifestations des symptômes, y compris l'essoufflement et l'insuffisance cardiaque droite, arrivent souvent tardivement au cours de l’HTAP. Par conséquent, le délai entre le diagnostic et l’issue de la maladie est court, et les échantillons pulmonaires pertinents pour l’étude de l'HTAP ne peuvent être obtenus qu’au stade terminal de son évolution, c’est-à-dire au décès du patient ou après la transplantation pulmonaire. Cela limite intrinsèquement notre capacité à obtenir une signature moléculaire de la maladie à des moments déterminants, tels que son initiation et les étapes de son développement. Pour mieux comprendre la physiopathologie de l’HTAP, des modèles animaux ont été développés. En dépit des efforts déployés, aucun d’eux ne mime parfaitement l'HTAP. De plus, ils offrent un accès limité à l'évolution de la maladie. Pour saisir les bases moléculaires de la pathologie, nous avons développé les premiers rats mutés pour le gène Bmpr2. De façon remarquable, ces rats reproduisent des dysfonctionnements cellulaires et moléculaires majeurs décrits dans l'HTAP. Peut-être plus important encore, ces rats développent un HTAP progressive dont la pénétrance augmente au cours du temps. Ce modèle unique permet ainsi des études moléculaires et cellulaires propre à définir les déterminants de l'évolution de l’HTAP.
Nous proposons donc de tirer profit de la disponibilité unique au sein de notre partenariat, de cellules primaires isolées de patients atteints d’HTP/HTAP, de modèles de rongeurs d’HTP dans lesquels nous avons une grande expertise et d’échantillons biologiques humains présents dans une grande biobanque de plasma et de tissus pour comprendre la relation causale entre l'activation des FAAPs, leur métabolisme et le remodelage et la rigidification de la MEC périvasculaire au cours de l'évolution de l’HTP. Grâce à une combinaison d'approches transdisciplinaires incluant la biologie moléculaire, la métabolomique, la bioinformatique et des modèles précliniques, nous proposons de dévoiler le fondement moléculaire du remodelage de la MEC dans l’HTAP.
Au final, déchiffrer la relation causale entre le métabolisme des FAAPs activés et la synthèse du collagène, ainsi que révéler le circuit moléculaire qui contrôle la reprogrammation du métabolisme des FAAPs, fournira donc des informations essentielles sur l'origine moléculaire de l’HTAP, identifiant ainsi des stratégies thérapeutiques innovantes et jamais envisagées centrées sur le métabolisme des FAAPs.
Coordinateur du projet
Monsieur Frédéric PERROS (Hypertension artérielle, pulmonaire : physiopathologie et innovation thérapeutique)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
IPMC Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire
U999 Hypertension artérielle, pulmonaire : physiopathologie et innovation thérapeutique
Aide de l'ANR 603 560 euros
Début et durée du projet scientifique :
décembre 2020
- 48 Mois