CE26 - Innovation, travail

Les mutations du travail politique au prisme des big data – MUTADATA

Les mutations du travail politique au prisme des big data

Le présent programme de recherche interroge la professionnalisation d’une nouvelle expertise politique sous le prisme des big data. Porter le regard sur les prestataires spécialisés dans la collecte, la gestion et l’analyse des bases de données permet d’interroger les fluctuations des frontières partisanes et les reconfigurations du travail politique, à travers l’analyse d’un espace professionnel composite et hybride, tiraillé entre professionnalisation, expertise et militantisme.

Enjeux et objectifs- que fait l’arrivée des big data au travail politique ?

Ce projet entend interroger la professionnalisation des travailleurs politiques de la donnée, en portant le regard sur les prestataires et leurs effets sur la communication politique et ses espaces professionnels. L’ambition est d’analyser les effets de ces recompositions professionnelles sur le travail politique et d’interroger ainsi les mutations du travail politique au prisme des big data. Autrement dit, que fait l’arrivée des big data au travail politique ?<br /><br />L’étude porte sur deux cas : la campagne pour l’élection présidentielle américaine et la campagne pour l’élection présidentielle française. L'objet de cette étude n’est pas tant la comparaison des cas américains et français que la compréhension des logiques de circulation : comment un « modèle » est-il construit dans un contexte américain particulier ? Comment est-il importé et approprié dans un contexte très différent ? <br /> L’accent sera mis sur la diffusion et la circulation transnationale de normes professionnelles et de la croyance en l’efficacité des web-campagnes qui construisent et légitiment ces métiers politiques du numérique.<br /><br />Le web peut être un outil méthodologique pertinent pour tous les chercheurs en sciences sociales. Cette recherche vise à élaborer des protocoles d’enquêtes précis dans une dynamique de big data science. <br /><br />L’objectif de ce projet est aussi de dépasser le cadre académique et de faire connaître nos travaux au grand public. L’idée est alors de produire des formats différents adaptés à des publics variés et de donner de nombreuses interviews auprès des médias grands publics pour faire connaître nos résultats plus largement.

Dans la continuité de mes travaux passés, j’ai choisi d’opter dans le cadre de ce projet pour une combinaison et une exploration des méthodes. Ce travail propose un aller-retour entre méthode qualitative et méthode quantitative, méthode en ligne et méthode hors ligne. L’idée est de ne pas se limiter à l’analyse des « traces » numériques récoltées sur la Toile et d’investir simultanément des méthodes « en ligne » (netnographie, diffusion de questionnaires en ligne, analyse des pratiques de travail en réseaux) et des méthodes « hors ligne » (entretiens avec les web-stratèges, analyse ethnographique des lieux de sociabilité, etc.).

¬ Enquête par entretiens semi-directifs
Des entretiens seront effectués avec les « travailleurs de la donnée » afin d’analyser comment ils se définissent eux-mêmes. Une trentaine d’entretiens semi-directifs ont déjà été réalisés avec les prestataires français de la Big data électorale, ainsi qu’une dizaine d’entretiens avec leurs relais dans les équipes de campagne de quatre partis (La République En Marche, La France Insoumise, Les Républicains, Parti Socialiste) lors de l’élection présidentielle de 2017. Il reste à approfondir ce terrain et à mener une enquête empirique auprès des travailleurs de la donnée américains.
Les hypothèses de la circulation de normes professionnelles et de la diffusion d’une croyance en l’efficacité des data impliquent d’inscrire ce programme de recherche dans une perspective internationale. La tendance à la spécialisation des auxiliaires politiques se manifeste particulièrement aux Etats-Unis (Webb Hammond, 1985, 1996). Le métier de communicant politique et la figure du campaigner sont d’ailleurs présentés comme « d’origine américaine » (Gerstlé, 2004 ; Riutort, 2006). On retrouve cette provenance américaine dans le discours des web-stratèges européens qui considère la campagne de B. Obama comme point de départ des « data analytics ». Cette origine américaine est aussi soutenue par le politiste D. Kreiss (2012) qui propose une analyse socio-historique de la montée en puissance de l’usage politique des data aux Etats-Unis à partir de 2004. Partant de ces discours indigènes et de ces travaux académiques, nous souhaitons mener une enquête empirique approfondie sur le terrain américain. Il s’agit ensuite de questionner l’inspiration américaine dans les discours et pratiques des travailleurs de la donnée français.

¬ Diffusion d’un questionnaire en ligne auprès des travailleurs de la donnée et plus largement des professionnels de la communication numérique
Une deuxième étape permettant de mieux « connaître » les travailleurs de la donnée sera de dresser leurs portraits sociodémographiques. Un questionnaire sera diffusé auprès des data-stratèges identifiés en ligne et hors ligne. Ces experts ont la caractéristique d’être particulièrement présents (et visibles) en ligne et d’effectuer une veille permanente sur Internet. Il sera certainement plus aisé de les « capter » en faisant connaitre et en diffusant le questionnaire sur les réseaux sociaux. Une fois devenu « ami » sur Facebook avec les enquêtés, je réaliserai un travail ethnographique en ligne en observant les comptes des data-stratèges sélectionnés. Cette méthodologie d’enquête combinant construction d’un réseau ciblé en ligne, diffusion de questionnaires sur Facebook (Theviot, 2013a) et netnographie (Theviot, 2013b) s’est révélée très fructueuse lors du doctorat. Dans une démarche comparative et pour étudier les concurrences internes/externes au parti, ce questionnaire sera aussi distribué aux professionnels de la communication numérique, salariés d’un parti politique (permanents ou membres d’une équipe de campagne). Suite à cette analyse quantitative (le traitement sera fait sur Stata), une typologie des travailleurs des données en lien avec leurs pratiques professionnelles et leur auto-identification sera élaborée. Des entretiens semi-directifs seront ensuite effectués avec les répondants correspondant aux différents profils identifiés.

¬ Observations en ligne et hors ligne pour saisir les pratiques professionnelles, en dehors des discours « tout fait »
Sans qu’il s’agisse d’une liste définitive, un certain nombre d’agences de communication web qui gravitent autour des partis politiques ont déjà été identifiées et j’ai réalisé pour certaines des observations en interne :
- Aux Etats-Unis : Blue State Digital, EchoDitto, Voter Activation Network, ActBlue, NGP Van, 270 Strategies, Civis Analytics, Nation Builder.
- En France : La Netscouade, Emakina, Liegeymullerpons, Spintank. Digitalbox, Datactivist.

L’ambition est d’enquêter à la fois en conjoncture électorale car il s’agit d’un moment de construction et de grande visibilité des experts des data et hors-période électorale afin de suivre le groupe professionnel des travailleurs de la donnée et d’analyser les trajectoires de ses membres.

- Réflexion méthodologique sur le terrain en distanciel 
Ces réflexions sur le rapport à un terrain distancié, difficile d’accès sur place, méritent d’être partagées car elles ne se limitent toutefois pas à une période de crise sanitaire. Les collègues qui ont des terrains éloignés sans financement ou qui sont confrontés à des situations de guerre, de violence et d’insécurité (Bouju, 2018) rencontrent des obstacles similaires et interrogent la collecte de données empiriques en « terrain miné » (Albera, 2011), « terrain sensible » (Bouillon, Frésia et Tallio, 2005) ou terrain en temps de crise. Des questions ont aussi été posées sur la valeur, la légitimé et les spécificités d’un travail empirique à distance.

- Analyse des usages différenciés des réseaux sociaux et montée en puissance de l’usage des big data comme un obligatoire de campagne au national - et même présent au local (mais de manière moins systématique)
Il apparaît aujourd’hui difficile de faire campagne sans créer un site internet, un blog ou une page Facebook pour mettre en scène le candidat en ligne et accroitre sa visibilité. Du web statique reproduisant en ligne les tracts papiers, en passant par les live-tweets ou riposte-party jusqu’au au Facebook live interactif, l’usage du numérique en campagne électorale s’est intensifié dans une logique de « monstration de la modernité ». Le numérique n’est pourtant pas seulement un outil de communication pour diffuser un programme politique ou pour travailler son image. Il soulève également des enjeux stratégiques forts dans l’organisation d’une campagne électorale, notamment pour mobiliser les électorats et les militants. La victoire de F. Hollande en 2012 a réussi à consacrer la croyance dans l’efficacité des big data pour maximiser les chances de l’emporter et a permis à ce marché de se développer en France. Par la suite, les discours des prestataires en « big data », ceux qui vendent ces techniques de rationalisation et d’optimisation du militantisme par les données, ont amplifié cette croyance en l’efficacité du numérique et en ont fait un obligatoire de campagne. L’usage des données massives, largement mises à contribution par les candidats à l’élection présidentielle française de 2022, apparaissent désormais comme une nouvelle arme dans la course aux voix des citoyens – à l’image du succès rencontré en France par la plateforme NationBuilder utilisée aussi bien par Jean-Luc Mélenchon, Eric Zemmour, Anne Hidalgo que par Donald Trump.

- Enquête sur la circulation des fausses informations, relativiser leurs représentativités et interroger les stratégies politiques militantes de campagne négative.

Notion de « cyber-harcèlement » politique ressort du questionnaire diffusé auprès des militants américains. A creuser…

Nous sommes actuellement en plein dans le terrain sur la campagne électorale française. J’ai débuté les entretiens avec les prestataires en big data électoral français et j’effectue une netnographie sur l’usage des réseaux sociaux par les candidats. Nous venons de recruter une post-doctorante qui va travailler aussi sur le terrain empirique et va notamment réaliser des entretiens avec les militants et les équipes de campagne, ainsi qu’une cartographie numérique via l’étude des hyperliens proposés entre les blogs des data-stratèges. Il s’agit d’explorer la méthodologie des « link studies » (De Maeyer, 2013), en utilisant les liens hypertextes comme révélateurs de formes de reconnaissance collective ou comme indicateurs de l’organisation de communautés virtuelles transnationales.

Une fois cette période de campagne électorale passée, nous souhaitons également adopter une approche plus contextualisée et longitudinale de la figure des travailleurs de la donnée qui permettrait de penser davantage dans la durée et en termes de processus, afin de se départir d’une tendance surplombante à mobiliser des modèles rigides. Il s’agit alors de renouveler des entretiens sur un temps long afin de dessiner sur le vif des trajectoires.
L’ambition est d’enquêter à la fois en conjoncture électorale car il s’agit d’un moment de construction et de grande visibilité des experts des data et sur plus long terme, hors-période électorale afin de suivre le groupe professionnel des travailleurs de la donnée et d’analyser les trajectoires de ses membres.

Liste des publications à l'international

Ouvrages ou chapitres d’ouvrage
1. Anaïs Theviot, « Can Big Data Reinvigorate Political Participation? The Case of the French presidential electoral campaign in 2017 », Agnès Alexandre-Collier, Alexandra Goujon, Guillaume Gourgues (eds.), Innovations, Reinvented Politics and Representative Democracy, Routledge, 214 P., 2020.

Liste des productions en France
Revues à comité de lecture
1. Anaïs Theviot, « Data-journalisme et pratiques infographiques : entre mise en concurrence et résistances des journalistes politiques locaux », Interfaces numériques, 9, 3, 2020. www.unilim.fr/interfaces-numeriques/4469
2. Anaïs Theviot, « Confinement et entretien à distance : quels enjeux méthodologiques ? », Terminal [En ligne], 129, 2021, URL : journals.openedition.org/terminal/7193
3. Anaïs Theviot, « Facebook, vecteur d’amplification des campagnes négatives ? », Questions de communication, 38, 2021, p. 101-124. URL : journals.openedition.org/questionsdecommunication/23770
Ouvrages ou chapitres d’ouvrage
1. Boyadjian Julien, Theviot Anaïs, « Chapitre 12. La politique à l’heure des réseaux sociaux », Thomas Frinault, Christian Le Bart, Erik Neveu, éd., Nouvelle sociologie politique de la France. Armand Colin, 2021, p. 165-175


Communications (conférence)
1. Anaïs Theviot, « De nouvelles manières de s'engager avec le numérique ? », ouverture colloque « Quelles attentes sociétales pour quelles agricultures à l’heure du numérique ? # Numérique, révélateur et prisme d’analyse de la place de l’agriculture dans la société », évenement #Esaconnect, ESA d’Angers, 5 novembre 2020, en distanciel.
2. Anaïs Theviot, « Une campagne de plus en plus négative, irriguée de fausses informations sur les réseaux sociaux ? Le cas de la campagne pour l’élection municipale à Angers en 2020 », Journée d’étude CREMI, 3 et 4 novembre 2020, en distanciel.
3. Anaïs Theviot, « Le numérique change-t-il les manières de faire campagne ? Focus sur les stratégies de visibilité dans les médias traditionnels par l’usage du numérique », séminaire « Les discours militants et la communication numérique : visibilisation au sein de l’espace public », Paris 3 Sorbonne Nouvelle, CIM, 19 octobre 2020.

Articles de vulgarisation
1. Anaïs Theviot, « Réseaux sociaux, le force du nombre », Les grands Dossiers des Sciences Humaines « Démocratie », 62, mars-avril, mai 2021.
2. Anaïs Theviot, « Municipales 2020 : le recours au numérique pour une campagne sans contact », The Conversation, juin 2020, theconversation.com/municipales-2020-le-recours-au-numerique-pour-une-campagne-sans-contact-140362

Conférences de vulgarisation
1. Table ronde avec Anaïs Theviot, « Social Data et politique : mesures et usages », Social Media Club, Paris, 4 mars 2020.
2. Anaïs Theviot, « Les campagnes politiques sur Internet », Observatoire des médias de l’université permanente de Nantes, 6 mars 2020.

Médias

1. « Présidentielle : Facebook, TikTok, Youtube… Les réseaux sociaux qui comptent pour faire campagne », Sud Ouest, Julien Rousset, le 1er février 2022.
2. « Les applications d’aide à la décision politique influencent-elles le choix des électeurs ? », La Croix, interview, Recueillis par Pierre Bienvault et Corentin Lesueur, le 18 janvier 2022.
3. « La question du jour. Connaissez-vous la plateforme Twitch ? », Le Courrier de l’Ouest, 12 janvier 2022, www.ouest-france.fr/high-tech/internet/la-question-du-jour-connaissez-vous-la-plateforme-twitch-f05498ba-73bf-11ec-adb3-e05a5ebfa4f4
4. « Présidentielle: le numérique à la rescousse pour inciter les jeunes à voter », Notre Temps, le 11 janvier 2022. www.notretemps.com/depeches/presidentielle-le-numerique-a-la-rescousse-pour-inciter-les-jeunes-a-voter-44260
5. « Pour les candidats à la présidentielle, les incertitudes d’une campagne sur les réseaux sociaux », Le Monde, Simon Auffret, 10 janvier 2022. www.lemonde.fr/politique/article/2022/01/10/pour-les-candidats-a-l-election-presidentielle-les-incertitudes-d-une-campagne-numerique_6108869_823448.html
6. « Le variant Omicron accélère la mue numérique des candidats », Jean Cittone, Le Figaro, 23 décembre 2021.
7. « La data au cœur de la présidentielle », Stratégies, le 14 décembre 2021.
8. « Comment les candidats ciblent leurs électeurs », Le journal du Dimanche, article de Romane Rosset, le 5 décembre 2021.
9. « Présidentielle 2022 : pourquoi l’extrême droite et la droite semblent plus présentes que la gauche sur les réseaux sociaux ? », Aubin Laratte, Décryptage, Le Parisien, 29 octobre 2021. www.leparisien.fr/elections/presidentielle/presidentielle-2022-pourquoi-lextreme-droite-et-la-droite-semblent-plus-presentes-que-la-gauche-sur-les-reseaux-sociaux-29-10-2021-LAUU64M7GVG6HDN4NUUI25D3HU.php
10. « Ciblage électorale à la française : le grand enfumage », Socialter, juin 2020.
11. « Municipales 2020 : faux comptes, publicités illégales, insultes… Quand la campagne sur Facebook vire au Far West », France info, 24 juin 2020, www.francetvinfo.fr/elections/municipales/municipales-2020-faux-comptes-publicites-illegales-insultes-quand-la-campagne-sur-facebook-vire-au-far-west_4014045.html
12. Table-ronde avec Rémi Lefebvre, « les municipales, le virus chamboule-tout ? », Le temps des médias, France culture, le 11 juin 2020 de 18h20 à 19h. www.franceculture.fr/emissions/le-temps-du-debat/municipales-le-virus-chamboule-tout
13. « Municipales : faire campagne sur les réseaux sociaux, inévitable mais virtuel? », La voix du Nord, 12 mars 2020. www.lavoixdunord.fr/725000/article/2020-03-12/municipales-faire-campagne-sur-les-reseaux-sociaux-inevitable-mais-virtuel
14. « Municipales 2020. Place de l’Hôtel de ville : en Normandie, une campagne aux multiples réseaux », Paris-Normandie, 8 mars 2020. www.paris-normandie.fr/actualites/politique/municipales-2020-place-de-l-hotel-de-ville-en-normandie-une-campagne-aux-multiples-reseaux-IF16469573
15. « Municipales 2020 : Facebook, YouTube et même TikTok… Les candidats de petites communes font aussi campagne sur les réseaux sociaux », 20 minutes, 27 février 2020. www.20minutes.fr/high-tech/2718687-20200227-municipales-2020-facebook-youtube-tiktok-candidats-petites-communes-font-aussi-campagne-reseaux-sociaux
16. « Ce que révèle l’affaire Griveaux », La Croix, 17 février 2020. www.la-croix.com/France/Politique/Ce-revele-laffaire-Griveaux-2020-02-16-1201078647
17. . « Explain, Quorum... ces stratèges numériques plébiscités par les candidats aux municipales », L’Express, 16 février 2020. www.lexpress.fr/actualite/explain-quorum-ces-strateges-numeriques-plebiscites-par-les-candidats-aux-municipales_2118220.html
18. « Les logiciels de stratégie électorale, alliés essentiels des élections municipales », Interwiew France Inter, 10 février 2020. www.franceinter.fr/les-logiciels-de-strategie-electorale-allies-essentiels-des-elections-municipales

Les big data sont à la mode. Dans les médias comme dans le débat public, le terme est brandi comme étendard de l’innovation. Cet enthousiasme s’accompagne de la mise en avant de nouvelles expertises (data-analysts, data scientist, data miner, data protection officer, etc.) afin de profiter de cette tendance et de vendre un savoir-faire auprès des institutions politiques notamment. Les « travailleurs de la donnée », inspirés du modèle américain, affirment pouvoir « prédire » les comportements des électeurs grâce aux big data et ainsi agir « scientifiquement » sur les résultats d’une élection, en indiquant que cela peut faire la différence dans le résultat final en faisant gagner 1 à 2 points. Certains arguent même que leurs prestations en big data électoral seraient un moyen de lutter contre l’abstention.  Il suffirait alors d’un bon jeu de données et de professionnels des data compétents pour remporter une élection.
Simplifier en ces termes, le discours des travailleurs de la donnée parait relever plutôt d’un fantasme ou d’une duperie. Toutefois, la création rapide d’agences spécialisées dans la gestion des données atteste du succès de cette rhétorique de l’innovation par les data.

Le présent programme de recherche interroge la professionnalisation d’une nouvelle expertise politique sous le prisme des big data. Porter le regard sur les prestataires spécialisés dans la collecte, la gestion et l’analyse des bases de données permet d’interroger les fluctuations des frontières partisanes et les reconfigurations du travail politique, à travers l’analyse d’un espace professionnel composite et hybride, tiraillé entre professionnalisation, expertise et militantisme.

Ce projet vise plus précisément à étudier les modalités de constitution d’un groupe professionnel et analyser les effets de ces recompositions professionnelles sur le travail politique. Pour chacun de ces axes, l’attention portera à la fois sur les acteurs et sur les dispositifs sociotechniques qu’ils mobilisent. L’accent sera mis sur la diffusion et la circulation transnationale de normes professionnelles et de la croyance en l’efficacité des web-campagnes qui construisent et légitiment ces métiers politiques du numérique.

Combinant une approche de sociologie des professions, de sociologie économique et de sociologie politique des partis, nous procéderons à une analyse comparative des espaces professionnels français et américain, notamment à travers une immersion dans deux agences de data-analyse électorale. Nous réaliserons aussi des enquêtes par entretiens semi-directifs auprès des « travailleurs de la donnée » américains et français, observations des pratiques de travail dans d’autres agences ou espaces de co-working, une cartographie des réseaux d’acteurs, ainsi qu’une enquête par questionnaire auprès des professionnels de la communication politique numérique en général. La contribution de nos collègues informaticiens et mathématiciens permettra d’« ouvrir la boîte noire de la data analytics » et d'analyser la fabrique des algorithmes prédictifs.


Cette étude renseignera sur des phénomènes plus généraux : la professionnalisation et la communication politique, le droit électoral, la protection des données personnelles, les fluctuations des frontières partisanes mais également la circulation de normes à l’échelle internationale. Ce projet se propose en effet d’apporter une contribution empiriquement étayée aux débats et controverses relatives aux transferts modèles institutionnels de changement.


Mots clés : big data, travail politique, professionnalisation, élection, communication politique, Etats-Unis.

Coordinateur du projet

Madame Anaïs THEVIOT (Centre de Recherche Humanité et sociétés)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

ARENES ARENES
CHUS Centre de Recherche Humanité et sociétés

Aide de l'ANR 159 985 euros
Début et durée du projet scientifique : février 2020 - 36 Mois

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