L'organocatalyse énantiosélective s'est affirmée comme un outil essentielle de la boite à outil du chimiste moderne. Si les activations par acide ou bases de Bronsted et celles par bases de Lewis sont très développées, c'est beaucoup moins le cas pour la catalyse par acides de Lewis. Nous proposons donc de développer de nouveaux catalyseurs acides de Lewis de type donneurs de liaisons halogène, dans lesquels une liaison hydrogène supplémentaire va aider au contrôle de l'énantiosélectivité.
’objectif du projet est de développer des nouveaux organocatalyseurs fonctionnant par liaison halogène, une interaction stabilisante qui s’établit entre les atomes d’halogène reliés à un groupement attracteur d’électrons et les bases de Lewis. La liaison halogène a été appliquée à des réactions organocatalysées depuis environ une dizaine d’années, mais très peu de résultats concluants ont été obtenus en catalyse énantiosélective.
Nous avons analysé ces échecs par le grand éloignement du site réactifs par rapport au catalyseur à cause de la longueur et de la directionnalité de la liaison halogène.
Afin de résoudre ce problème, le projet Bond-X-Bond propose de préparer des catalyseurs où la liaison halogène coopère avec une ou plusieurs liaison(s) hydrogène, permettant de créer des interactions secondaires et augmentant la rigidité de la structure pour faciliter le positionnement de l’information stéréochimique à proximité du substrat.
Pour débuter le projet, nous avons tout d’abord essayé de mettre au point une synthèse efficace et flexible de nos catalyseurs, qui consistent en des ions iodoazolium portant au moins un donneur de liaison hydrogène. Pour simplifier cette tâche qui représente déjà un défi en soit, nous avons privilégié des cibles achirales, afin de sélectionner le(s) meilleur(s) donneur(s) de liaison hydrogène en évaluant la coopération de la liaison hydrogène par des méthodes physico-chimiques et en suivant la vitesse de différentes réactions. L’étape-clé de la synthèse est une réaction de substitution nucléophile d’un bromure benzylique portant le donneur de liaison hydrogène par un iodoazole. Un échange de contre-ion permet ensuite d’installer un contre-ion non-coordinant pour éviter sa compétition lors de l’interaction avec des bases de Lewis. Les premières analyses en ITC, RMN et les premiers tests en catalyse n’ont pour l’instant pas permis de caractériser une collaboration XB/HB.Il y a quelques semaines, une étude concurrente sur ce sujet en série iodopyridinium a été publiée par le groupe de Berryman (Angew. Chem. Int. Ed. 2021, 60, 3685), avec des espaceurs plus courts entre les deux fonctions donneuses de XB et HB. Nous sommes donc en train de préparer une publication sur nos premiers résultats pour marquer le terrain, tout en travaillant sur une nouvelle série de composés avec des espaceurs plus courts.
Pour conserver des éléments de nouveauté important dans notre projet, nous continuons bien sûr à faire évoluer nos hypothèses de recherche. En collaboration avec plusieurs collègues de notre institut, nous travaillons sur d’autres familles de donneurs de liaisons hydrogène, qui n’ont pas été évoquées dans le projet ANR initial : des chloroazaphosphatrane et des ions bis(iodoazole)boroniums. Nous allons étudier la possibilité d’insérer un donneur de liaisons hydrogène dans ces structures, qui pourraient alors répondre au cahier des charges initial du projet.
1 publication en cours de préparation, 1 autre suivra dans les mois à venir
Le développement de nouvelles transformations et le contrôle de leur sélectivité constituent le cœur de la chimie organique de synthèse. Des questions de sélectivité très variées peuvent se poser (chimio-, régio- et stéréosélectivité), souvent simultanément, requérant un choix attentif des conditions réactionnelles pour y répondre. L’outil le plus puissant pour contrôler la sélectivité est la catalyse, c’est-à-dire l’utilisation d’entités chimiques capables d’accélérer la réaction sans être consommées. Les catalyseurs peuvent être hétérogènes ou homogènes, et sont également classés en trois familles principales en fonction de leurs propriétés structurales : les catalyseurs métalliques (où un atome métallique est responsable de l’activité), les biocatalyseurs (enzymes et leurs analogues) et les organocatalyseurs (molécules purement organiques de poids moléculaire faible à moyen). Chacune des trois familles à ses avantages et inconvénients propres.
Bien que les origines de l’organocatalyse remontent au 19ème siècle, c’est seulement depuis le début du 21ème siècle qu’elle a émergé comme un outil synthétique efficace et d’application large. Comparés aux autres catalyseurs, les organocatalyseurs ont généralement l’avantage d’être stables, faciles à utiliser et non-toxiques, ce qui en fait des solutions intéressantes dans le contexte de la chimie verte. L’organocatalyse s’est développée autour du concept de mode d’activation, qui caractérise la nature des interactions avec les partenaires de la réaction. Si beaucoup de solutions d’activation existent avec des bases de Lewis, des bases de Brønsted et des acides de Brønsted, l’organocatalyse par les acides de Lewis est en retard et il est souhaitable de développer d’autres possibilités d’activation.
Les atomes d’halogène reliés à un groupement attracteur d’électrons développent un « trou s » responsable de leur caractère acide de Lewis. En conséquence, ils peuvent s’associer de façon non-covalente et stabilisante (?G° jusqu’à -50 kJ.mol-1) avec les bases de Lewis, créant des liaisons halogène. Cette propriété d’acide de Lewis est directement liée à la polarisabilité de l’atome d’halogène, de telle sorte qu’elle est principalement observée pour les plus lourds d’entre eux, particulièrement l’iode. De plus, des groupements divers, neutres (chaînes perfluoroalkyl, perfluoroarènes…) ou cationiques (cycles pyridinium ou azolium) peuvent jouer le rôle du groupement attracteur d’électrons. L’organocatalyse par liaison halogène a commencé à émerger dans les cinq dernières années, mais sa version énantiosélective est toujours sous-développée. Dans le projet Bond-X-Bond, nous souhaitons synthétiser et comprendre le comportement de nouveaux organocatalyseurs où la liaison hydrogène (HB) seconde l’activation par liaison halogène (XB) pour permettre d’atteindre de bonnes énantiosélectivités.
Monsieur Xavier BUGAUT (Centre National de la Recherche Scientifique Délégation Provence et Corse_ISM2)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
CNRS DR12_ISM2 Centre National de la Recherche Scientifique Délégation Provence et Corse_ISM2
Aide de l'ANR 220 216 euros
Début et durée du projet scientifique :
septembre 2019
- 48 Mois