MicroARNs et réseaux de gènes co-exprimés associés aux traumatismes dans l’enfance: de la cicatrice moléculaire aux pistes thérapeutiques dans les troubles bipolaires – CT-ScarBip
Réseau de gènes co-exprimés et miARN associés aux maltraitances : cicatrices moléculaires et repositionnement de médicaments dans les troubles bipolaires
Le trouble bipolaire (TB) est un trouble psychiatrique fréquent, grave et handicapant. Sa sévérité repose essentiellement sur le risque de récurrences thymiques, source de tentatives de suicide, d'hospitalisations, de déclin cognitif et de fardeau psychosocial. Prédire ces récurrences est un enjeu majeur pour cibler les patients qui devront bénéficier d'un projet de soins plus intensifs (stratification de patients) et pour envisager une médecine personnalisée (priorisation de médicaments).
L'identification d'une signature moléculaire (ARN et miARN) associée à la maltraitance dans l’enfance dans les TB servira d'outil de priorisation et de repositionnement des médicaments dans les TB.
Le premier objectif clinique de ce projet est une validation des maltraitances dans l’enfance comme modificateur de la maladie (c.a.d. prédiction des récidives de l'humeur) dans un échantillon de patients atteints de TB.<br />Le deuxième objectif moléculaire est de générer une signature intégrée des ARNm et des miARN qui est associée à l'exposition aux maltraitances dans l’enfance chez les patients atteints de TB. Cette signature sera validée dans des échantillons indépendants de patients et de témoins sains en fonction de leurs niveaux de maltraitances. Cette signature sera validée fonctionnellement à la fois in silico et in vitro (interactions entre des ARNm spécifiques et des miARN).<br />Le troisième objectif thérapeutique est d'utiliser cette signature pour le repositionnement de médicaments, ce qui signifie que les réseaux identifiés de gènes co-exprimés serviront à l'identification et à la priorisation de médicaments déjà connus qui pourraient moduler les modifications d'expression génique associées aux maltraitances. Les effets de ces médicaments pour restaurer les cicatrices moléculaires associées aux maltraitances seront testés sur les cellules des patients et comparés aux effets des stabilisateurs d'humeur connus utilisés dans les TB, comme le lithium et le valproate.<br />Le quatrième objectif physiopathologique est d'utiliser une approche inter-espèces pour tester la congruence des signatures associées aux stress précoce observées chez les patients (modifications de l'ARNm / miRNA dans le sang) et des souris (modifications de l'ARNm / miRNA dans le sang et le cerveau). Cela servira à identifier les miARN dont l'expression sera modulée dans des régions cérébrales spécifiques chez la souris pour en caractériser les conséquences comportementales.
La validation clinique de la maltraitance infantile en tant que prédicteur des rechutes thmiques dans le TB est basée sur l’analyse d’une large cohorte de patients avec une caractérisation clinique approfondie. Nous utiliserons des analyses de survie pour démontrer que la maltraitance infantile augmente le risque de rechute thymique au cours du suivi de deux ans.
Le point de départ de la partie moléculaire du projet est la génération d'une signature sanguine d'ARNm et de miARN (approche génome entier) en association à la maltraitance infantile.
La première branche de ce projet comprend l'intégration des données de séquençage des ARNm et des miARN, la validation des ARNm et des miARN identifiés dans des échantillons indépendants de patients et la construction de réseaux de gènes co-exprimés et des interactions entre DEG et DEmiR. Nous allons construire des réseaux de co-expression de gènes en utilisant l'algorithme WGCNA pour définir des modules de co-expression. Pour chaque module, nous testerons l'enrichissement fonctionnel. Nous appliquerons ensuite une approche de priorisation des médicaments basée sur le «paradigme de réversion des signatures». Premièrement, en utilisant une large collection de données d'expression génique induite par les médicaments (Connectivity Map), les médicaments seront priorisés en fonction de leur capacité à restaurer la régulation des modules identifiés. Les médicaments priorisés seront validés dans des lignées cellulaires de patients atteints de TB pour démontrer leur capacité à inverser la signature par rapport au lithium et au valproate.
La deuxième branche consiste en une approche inter-espèces qui vise à fournir des preuves de chevauchements entre les signatures moléculaires dans le sang humain par rapport au sang de souris puis au cerveau de souris. L'un des résultat attendu de cette étape est de fournir un ensemble limité de DemiR qui seront manipulés chez la souris pour en observer les conséquences comportementales.
Nous avons pu avoir accès aux données de la cohorte FACE-BD (cohorte nationale des centres experts troubles bipolaires) pour étudier l’influence des TE sur la rechute dans cette cohorte suivie deux ans et qui a l’avantage d’être numériquement plus importante (n=1908) que celle utilisée dans ce projet (n=240). Ces patients ont un suivi prospectif à 6 mois, 1 an, 2 ans et 3 ans. L’évaluation clinique est réalisée à l’inclusion et l’exposition aux TE est évaluée à l’aide du questionnaire CTQ (Childhood Trauma questionnaire) qui permet une évaluation de cinq sous-types de traumas (négligences émotionnelles et physiques, abus émotionnels, physiques et sexuels). Nous avons pu montrer sur un échantillon de 1908 patients que l’exposition aux TE est associée à une rechute plus précoce au cours du suivi, ce qui est particulièrement significatif avec les abus physiques (HR=1.05 [1.02-1.08] ; p=0.0014).
Les analyses de données de séquençage sont en cours.
Notre projet devrait nous permettre d'identifier des marqueurs sanguins associés aux maltraitances dans l’enfance et de proposer une prescription médicamenteuse plus adaptée, visant à diminuer le taux de rechutes dans le TB. De plus, l'identification de cette signatureaux maltraitances dans l’enfance nous aidera à caractériser et à mieux comprendre les mécanismes en jeu chez les patients exposés à un stress précoce.
Delahaye-Duriez A, Mokhtari A, Etain B, Yalcin I, Marie-Claire C, Ibrahim E, Belzeaux R, Lutz P-E. Transcriptome analysis to identify co-expressed gene networks as a molecular signature for childhood trauma-related mood disorders. Communication affichée au congrès de l’ASHG (American Society of Human Genetics) en octobre 2019 à Houston, Texas, USA
Mokhtari A, Etain B, Yalcin I, Marie-Claire C, Ibrahim E, Belzeaux R, Lutz P-E and Delahaye-Duriez A. Transcriptome analysis to identify co-expressed gene networks as a molecular signature for childhood trauma-related mood disorders. Communication affichée aux JOBIM (Journées Ouvertes de Biologie, Informatique et Mathématiques) en juillet 2019 à Nantes
Réda C, Kaufmann E, and Delahaye-Duriez A. Machine learning applications in drug development. Comput. Struct. Biotechnol. J. 2019 doi:10.1016/j.csbj.2019.12.006. [Epub ahead of print] hal.inria.fr/hal-02533303/
Les troubles bipolaires (TB) sont des troubles fréquents et handicapants. Leur pronostic dépend principalement des rechutes thymiques, sources de conduites suicidaires, d’hospitalisations, de conséquences psychosociales et de déclin cognitif au cours de la maladie. Comprendre les mécanismes sous-tendant les récurrences constitue donc un enjeu majeur pour cibler les patients nécessitant un projet de soins plus intensif (stratification de patients) et proposer des traitements plus personnalisés (priorisation de médicaments).
Nous avons montré que les traumas sont associés à un pronostic péjoratif de la maladie et à une moindre réponse au lithium, thymorégulateur de référence dans les TB. De plus, de nombreuses études (essentiellement rétrospectives) ont associé les traumas à des récurrences plus fréquentes chez les patients avec TB. Ces données suggèrent donc que les traumas représentent un puissant modificateur des trajectoires cliniques des patients.
Les conséquences moléculaires des traumas sont encore méconnues, mais impliquent des effets à long terme, dans le sang et le cerveau, sur l’expression de gènes de multiples voies biologiques dont celles de la réactivité au stress (cortisol), l’immunité/inflammation, la neurotransmission et la neuroplasticité. Parmi les mécanismes impliqués dans la régulation transcriptionnelle, les microARNs (miARN) sont des acteurs majeurs de la régulation épigénétique, pouvant intervenir dans les phénomènes d’adaptation au stress. Intégrer différents niveaux d’anomalies de l’expression (ARNm) et de la transcription génique (miARN) pourrait améliore notre compréhension des voies pathologiques conduisant des traumas aux récurrences dans les TB.
Enfin, une description des réseaux de gènes dont l’expression est modifiée en association aux traumas ouvre de nouvelles pistes vers l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques. Cette approche de génomique intégrative, combinant le séquençage à haut débit d’ARNm, mais aussi de miARN, représente un outil précieux pour le repositionnement ou la priorisation de médicaments.
Le 1er objectif clinique de ce projet est de valider le caractère prédictif des traumas sur la récurrence des TB dans un échantillon prospectif de patients, les études antérieures étant essentiellement rétrospectives.
Le 2ème objectif moléculaire est de générer une signature sanguine (ARNm et miARN) associée aux traumas chez les patients avec TB. Cette signature sera validée dans des échantillons indépendants de patients et de témoins, puis sur le plan fonctionnel in silico et in vitro (interactions des ARNm et miARN spécifiques).
Le 3ème objectif thérapeutique est d’utiliser cette signature pour le repositionnement de médicaments. Les réseaux de co-expression de gènes serviront à l’identification et la priorisation de médicaments déjà connus et ayant la propriété de moduler les modifications d’expression génique associées aux traumas. L’effet de ces médicaments pour corriger les cicatrices des traumas sera testé dans un modèle cellulaire issu des patients et comparé aux effets de deux traitements de référence (lithium et valproate).
Le 4ème objectif physiopathologique propose une approche inter-espèce pour tester le chevauchement ou la convergence des signatures de stress précoce de patients (ARNm/miARN dans le sang) et de souris (ARNm/miARN dans le sang et le cerveau). Cette approche vise à identifier les miARNs dont la down-régulation sera induite dans des régions cérébrales spécifiques de la souris afin d’en étudier les conséquences comportementales.
Ce projet a pour ambition d’aider à la stratification de patients à haut risque de récurrence, de décrire une signature moléculaire dans le sang périphérique qui sera utilisée pour le repositionnement et la priorisation de médicaments (médecine personnalisée) et de mieux comprendre les cicatrices moléculaires en lien avec les traumas par une approche intégrative inter-espèce.
Coordinateur du projet
Monsieur Bruno Etain (VARIABILITE DE LA REPONSE AUX PSYCHOTROPES)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
PROTECT Promoting Research Oriented Towards Early Cns Therapies
CNRS DR12 _INT Centre National de la Recherche Scientifique Délégation Provence et Corse _Institut de Neurosciences de la Timone
Brain Research Institute / Laboratory of Neuroepigenetics
VARIAPSY VARIABILITE DE LA REPONSE AUX PSYCHOTROPES
Aide de l'ANR 636 033 euros
Début et durée du projet scientifique :
janvier 2019
- 48 Mois