Les objectifs du projet sont d'élucider les bases génétiques et l'impact évolutif du déterminisme cytoplasmique du sexe dans deux systèmes hôte-endosymbiote distincts : (i) les isopodes terrestres et leurs endosymbiotes procaryotes Wolbachia, et (ii) les amphipodes d'eau douce et leurs endosymbiotes eucaryotes microsporidies.
Le projet se subdivise en trois axes visant à élucider les bases génétiques et les conséquences évolutives du déterminisme cytoplasmique du sexe à deux niveaux : (i) patrons microévolutifs au sein d'espèces focales dans les systèmes Wolbachia/isopode et microsporidies/amphipode, et (ii) patrons macro-évolutifs à des échelles taxonomiques plus larges à la fois chez les isopodes et les amphipodes.<br />L'étude conjointe des modèles Wolbachia/isopode et microsporidies/amphipode offre une opportunité unique d'étudier l'impact des endosymbiotes sur l'évolution des mécanismes de déterminisme du sexe de leurs hôtes au niveau génétique moléculaire.
Les derniers développements de technologies de biologie moléculaire telles que le séquençage d'ADN de nouvelle génération, dans un contexte multidisciplinaire combinant génomique comparative, écologie évolutive et biologie des populations, nous permet pour la première fois de tirer des conclusions générales sur l'évolution du déterminisme du sexe et son impact sur l'évolution des animaux.
1) Le premier résultat marquant est la découverte d'une partie du génome d'une bactérie intégré dans le génome de son hôte animal et qui constitue la nouvelle région génomique qui détermine le sexe chez cet animal (Leclercq et al. 2016 PNAS). Cela représente une découverte majeure puisqu'elle identifie un nouveau mécanisme d'évolution des chromosomes sexuels chez les animaux.
2) Le décryptage des génomes de deux isopodes terrestres, Armadillidium vulgare et Armadillidium nasatum, représente également une avancée très importante et une ressource génomique majeure car très peu de génomes de crustacés ont été séquencés jusqu'à présent.
3) Le décryptage du génome mitochondrial de Gammarus roeselii est un résultat important car il s'agit d'un mitogénome possédant une structure unique qui ouvre des perspectives importantes en matière d'évolution mitochondriale en général (Cormier et al. 2018 Hydrobiologia).
4) Le décryptage du génome de la microsporidie Nosema granulosis constitue un autre résultat remarquable car il s'agit du premier organisme eucaryote féminisant séquencé et, point particulièrement saillant, l'un des plus petits génomes d'eucaryotes jamais séquencés.
5) Enfin, la caractérisation des changements de chromosomes sexuels à l'échelle du groupe des isopodes terrestres représente également un résultat important qui permet d'établir ce groupe d'animaux comme un modèle de référence pour l'étude du déterminisme du sexe chez les animaux (Becking et al. 2017 Scientific Reports).
Les perspectives du projet sont multiples car il se situe à l'interface entre deux thématiques majeures de la biologie évolutive : la symbiose et le déterminisme du sexe. Dans ce contexte, le projet ouvre des perspectives importantes concernant l'évolution et l'impact de la symbiose aux niveaux génomique et écologique, l'évolution des mécanismes du déterminisme du sexe chez les animaux et comment ces mécanismes changent au cours de l'évolution, mais également sur l'évolution des chromosomes sexuels et les forces évolutives qui agissent sur eux. D'un point de vue appliqué, nos résultats fourniront de nouvelles ressources pouvant bénéficier à l'homme en matière d'industrie alimentaire (améliorer l'élevage des crustacés) ou biomédicale et sanitaire (les micro-organismes étudiés sont des parasites d'animaux vecteurs de maladies humaines ou d'importance économique).
Huit publications dans des revues scientifiques généralistes majeures (PNAS et Scientific Reports) et un chapitre d’ouvrage, ainsi que 22 présentations orales ou affichées, invitées ou contribuées, dans des conférences ou des institutions académiques, en France et à l'international.
Les organismes multicellulaires ont continuellement été impliqués dans des interactions complexes avec des micro-organismes au cours de leur évolution, la plus intime étant l'endosymbiose, un type de symbiose dans laquelle un partenaire microbien vit à l'intérieur des cellules de son hôte. L'endosymbiose a joué un rôle clé dans l'émergence des formes de vie majeures sur Terre et dans l’évolution de la diversité biologique. L'importance de l'endosymbiose dans l’évolution biologique est parfaitement illustrée par l’existence des mitochondries et des chloroplastes, qui découlent d'évènements d'endosymbioses. Au cours des dernières années, l'accumulation de résultats probants démontre que les endosymbiotes affectent la biologie des animaux de nombreuses manières, telles que la nutrition et le développement de leur hôte, la défense contre des ennemis naturels ou encore l'immunité. Dans ce projet, nous analysons un autre processus évolutif crucial influencé par les endosymbiotes: les mécanismes de détermination du sexe de leurs hôtes eucaryotes. La détermination du sexe est l'une des voies développementales les plus fascinantes chez les métazoaires. Elle gouverne la différentiation sexuelle et elle est à la fois évolutivement ancienne et ubiquiste. Chez les animaux, les différences sexuelles entre les mâles et les femelles sont généralement déterminées par des facteurs sexuels chromosomiques, communément portés par des chromosomes sexuels. La détermination du sexe peut aussi être affectée par des microbes endosymbiotiques héritables, un phénomène appelé détermination cytoplasmique du sexe (DCS). Altérer le mode de détermination du sexe de leurs hôtes en favorisant le sexe femelle peut être avantageux pour les endosymbiotes car ces micro-organismes intracellulaires sont essentiellement transmis de façon verticale par le cytoplasme des ovocytes maternels, et non par les spermatozoïdes paternels. Néanmoins, très peu de systèmes ont été analysés en détail et il n'existe que peu de données empiriques sur la façon dont les conflits nucléo-cytoplasmiques peuvent modeler les systèmes de détermination du sexe. Dans ce projet, notre objectif est de combler ce déficit dans nos connaissances, en analysant les bases génétiques et l'impact évolutif de la DCS dans deux systèmes hôte-endosymbiote distincts: (i) les isopodes terrestres et leurs endosymbiotes procaryotes Wolbachia, et (ii) les amphipodes d'eau douce et leurs endosymbiotes eucaryotes microsporidies. Ce projet collaboratif réunit les deux laboratoires français étudiant la DCS chez les animaux: l'UMR 7267 "Ecologie et Biologie des Interactions", CNRS/Université de Poitiers (experte du modèle Wolbachia/isopode), et l'UMR 6282 "Biogéosciences", CNRS/Université de Bourgogne (experte du modèle microsporidies/amphipode). Le projet se subdivise en trois "work packages" (WP) visant à élucider les bases génétiques et les conséquences évolutives de la DCS à deux niveaux: (i) patrons micro-évolutifs au sein d'espèces focales dans les systèmes Wolbachia/isopode (WP1) et microsporidies/amphipode (WP2), et (ii) patrons macro-évolutifs à des échelles taxonomiques plus larges à la fois chez les isopodes et les amphipodes. L'étude conjointe des modèles Wolbachia/isopode et microsporidies/amphipode offre une opportunité unique d'étudier l'impact des endosymbiotes sur l'évolution des mécanismes de détermination de leurs hôtes au niveau génétique moléculaire. Les derniers développements de technologies de biologie moléculaire telles que le séquençage d'ADN de nouvelle génération, dans un contexte multidisciplinaire combinant génomique comparative, écologie évolutive et biologie des populations, nous permet désormais de répondre à ces questions excitantes. Cela permettra pour la première fois de tirer des conclusions générales sur l'évolution de la DCS et son impact sur l'évolution des animaux.
Monsieur Richard CORDAUX (UMR 7267 Ecologie et Biologie des Interactions)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
EBI-CNRS UMR 7267 Ecologie et Biologie des Interactions
CNRS - Biogéosciences Biogéosciences
Aide de l'ANR 501 000 euros
Début et durée du projet scientifique :
décembre 2015
- 48 Mois