Séquence et structure des signaux d’empaquetage du génome des virus influenza A. Le génome des virus influenza A est constitué de 8 ARNv qui s’associent chacun à un complexe polymérase et de multiples copies de la nucléoprotéine. Les 8 ribonucléoprotéines résultantes sont incorporées sélectivement dans les particules virales grâce à la présence de signaux d’empaquetage dans chacun des ARNv.
Les virus influenza A (VIA) sont responsables d’épidémies grippales saisonnières et de pandémies dévastatrices occasionnelles chez l’homme et l’animal. En plus de la grippe saisonnière, responsable de 250 000 à 500 000 décès par an, de nouveaux VIA avec un potentiel pandémique élevé émergent régulièrement. L’évolution des virus saisonniers et l’émergence de virus pandémiques est grandement facilitée par le génome segmenté des VIA constitué de 8 ARNV de polarité négative, lequel permet une évolution par réassortiment génétique mais complique l’assemblage viral, puisque les VIA doivent incorporer au moins une copie de chaque ARNv pour être infectieux. La première étape de la genèse et de la propagation de nouveaux virus reassortants, y compris certains avec un potentiel pandémique élevé contre lequel la population humaine possède une immunité préexistante limitée ou nulle, est la co-incorporation d’ARNv de deux virus parentaux différents infectant la même cellule dans une même particule virale. Il n’est donc pas possible de comprendre la genèse des VIA réassortants sans comprendre d’abord les détails moléculaires de l’incorporation des ARNv dans les virus parentaux. Le but de notre projet est de mettre à jour les mécanismes moléculaires qui contrôlent l’empaquetage du génome des VIA. L’hypothèse qui prévaut est que des interactions entre les signaux d’empaquetage des différents ARNv gouvernent leur empaquetage sélectif. Nous identifierons de manière précise et exhaustive ces signaux, puis nous identifierons et validerons les interactions entre ARNv et testerons leur rôle dans la réplication virale, la co-encapsidation des ARNv et l’assemblage viral. Enfin, nous analyserons la robustesse de ce réseau d’interactions. Outre son importance fondamentale, notre projet pourrait avoir un impact énorme sur la santé humaine et animale, en améliorant considérablement le processus de production des vaccins et en aidant à prédire l’émergence de souches pandémiques.
Les signaux d’empaquetage sont identifiés de manière exhaustive et à la résolution du nucléotide unique par MIME (Mutational Interference Mapping Experiment), une méthode innovante développée récemment par un des partenaires (Smyth et al. Nature Methods 2015). Le MIME est basé sur 1) l’introduction de substitutions ponctuelles aléatoires dans chacun des 8 ARNv, 2) l’expression du pool de molécules d’ARNv mutées dans les cellules à l’aide d’un système de génétique inverse modifié, 3) la purification des ARNv à partir des cellules et des virions produits par celles-ci, 4) le séquençage à haut débit de chaque population et 5) l’analyse de la fréquence de mutation de chaque nucléotide dans chacune des fractions. Le principe sous-jacent est que les mutations qui interfèrent avec l’incorporation des ARNv dans les virions seront sous-représentées dans les virions comparés aux cellules. Le MIME identifie les signaux d’empaquetage ainsi que de potentiels appariements entre ARNv. Ceux-ci sont testés par introduction de mutations trans-complémentaires, qui détruisent et rétablissent les interactions, in vitro et dans un système de génétique inverse. L’importance de ces interactions intermoléculaires peut ainsi être testée sur le titre viral, le titre HA, la cinétique de réplication et l’empaquetage des ARNv. Ce dernier est analysé par RT-qPCR, compétitions, et microscopie électronique. L’assemblage viral au site de bourgeonnement est étudié par cryo-CLEM sur des cellules congelées entières. Enfin, la robustesse du réseau d’interaction est analysée par tomographie électronique permettant d’identifier la position des vRNP au sein des virions, combinée à l’électrophorèse en conditions natives.
Afin d’appliquer l’approche MIME au virus influenza A, un système de génétique inverse entièrement nouveau a été construit : il consiste en un nombre minimal de plasmides et assure que toutes les cellules qui seront capables de répliquer la banque d’ARNv mutés exprimeront l’ensemble des ARNv et des protéines nécessaires à la production de particules virales. Dans nos mains, ce nouveau système de génétique inverse permet de produire significativement plus de particules virales que les systèmes couramment utilisés. Parallèlement, les trois partenaires ont mis en place et développé les outils et les stratégies nécessaires pour la suite du projet. L’un de ces outils est une suite bioinfomatique « user-friendly » qui permet l’analyse des données de MIME par des non-specialistes qui a fait l’objet d’une publication dans Bioinbormatics. Il est non seulement utile pour le projet PSiFlu, mais est aussi est accessible à l’ensemble de la communauté scientifique qui voudrait appliquer le MIME à d’autres questions biologiques. Des banques de mutants de chacun des segments génomiques contenant 0,5 à 1 % de substitution aléatoires ont été obtenues. Elles ont ensuite été introduites dans des vecteurs de génétique inverse, plasmides ou amplicons linéaires. La production de particules virales a été optimisée, de même que leur purification sur globules rouges. La production de virus sauvages et la tomographie électronique de ces virus ont été réalisées, révélant des détails inédits de l’organisation interne des virions. Les virus réassortants vaccinaux ont également été produits et les interactions entre ARNv « étrangers » et les ARNv de PR8 ont été analysées in vitro.
L’optimisation de la production des particules virales contenant des banques d’ARNv mutées est en phase finale et la totalité des virus seront purifiés dans les prochains mois. A ce stade, les ARNv viraux seront extraits des particules virales et des cellules productrices et convertis en cDNA et séquencés à haut débit de manière à déterminer précisément la fréquence de mutation à chaque position de chaque ARNv dans chacune des populations. Les mutations sous-représentées dans les particules virales seront celles qui ont un impact négatif sur l’incorporation des ARNv et permettront d’identifier les signaux d’empaquetage. Les complémentarités entre ces signaux seront analysées par bioinformatique, ce qui permettra de dresser une liste d’interactions entre ARNv potentiellement impliquées dans l’empaquetage des ARNv. L’existence et la fonction de ces interactions seront testées par génétique inverse, via des mutations trans-complémentaires qui les détruiront ou les rétabliront. L’impact de ces interactions sur la réplication virale, l’empaquetage des ARNv, l’assemblage et l’organisation interne des particules virales sera testé. L’ensemble des données permettra d’établir si les interactions entre ARNv jouent un rôle général et central dans l’empaquetage des ARNv et l’assemblage des particules virales. A plus long terme, en utilisant la même stratégie, il sera possible d’étudier le rôle des interactions entre ARNv dans le réassortiment génétique, ce qui pourrait avoir un impact sur la production des vaccins anti-grippaux et l’évaluation du risque d’émergence des virus réassortants à potentiel pandémique élevé.
article original dans une revue à comité de lecture :
- Smith, M.R., Smyth, R.P., Marquet, R. & von Kleist, M. (2016). MIMEAnTo – Profiling functional RNA in Mutational Interference Mapping Experiments. Bioinformatics 32, 3369-3370.
communications à des congrès :
- Contrant, M., Rosa-Calatrava, M. Bron, P., Marquet, R. & Smyth, R.P. Cartographie à haute résolution des signaux d’empaquetage des ARN viraux des virus influenza de type A par MIME (Mutational Interference Mapping Experiment).
XIX Journées francophones de virologie, Paris (France), 30-31 mars 2017.
- Contrant, M., Rosa-Calatrava, M. Bron, P., Marquet, R. & Smyth, R.P. High-resolution mapping for Influenza A RNA packaging signals by MIME (Mutational Interference Mapping Experiment)
The Sixth ESWI Influenza Conference, Riga (Lituanie), 10-13 septembre 2017.
Le but de notre projet est de déchiffrer les mécanismes moléculaires qui gouvernent l’empaquetage du génome des virus Influenza A (VIA). En plus de son intérêt fondamental, ce projet impactera, à long terme, la santé humaine - et animale - car il permettra d’améliorer le processus de production de vaccins et aidera à prédire l’émergence de souches virales pandémiques. Les VIA sont responsables d’épidémies grippales saisonnières et occasionnellement de graves pandémies. La segmentation des génomes grippaux en 8 ARN viraux (ARNv) (-) facilite l’évolution rapide des virus et l’émergence des virus pandémiques par réassortiment génétique mais complique leur assemblage. En effet, pour être infectieux, les virions doivent empaqueter au moins une copie de chaque ARNv. Le consensus actuel est que les ARNv sont empaquetés de manière sélective dans les particules virales. Bien que ce modèle ait des implications importantes pour le réassortiment génétique et la production de vaccins, les mécanismes moléculaires d’empaquetage spécifique restent méconnus. Des signaux d’empaquetage ont été identifies sur chacun des ARNv mais seulement de manière grossière et incomplète. Des interactions entre signaux d’empaquetage pourraient gouverner l’empaquetage sélectif des ARNv, mais les progrès dans la démonstration de cette hypothèse ont été lents et limités.
En combinant biochimie et tomographie, les équipes Marquet et Rosa-Calatrava ont montré que les ARNv des VIA forment un réseau d’interactions unique. De manière importante, ils ont aussi montré qu’une des interactions ARNv/ARNv, identifiée in vitro, est cruciale pour une réplication virale optimale et le co-empaquetage sélectif des ARNv interagissant. Ces résultats sont les premiers validant l’hypothèse de l’existence d’interactions ARNv/ARNv.
Nous identifierons de manière exhaustive et précise les séquences et structures secondaires de tous les signaux d’empaquetage des ARNv d’un VIA. Plutôt que de tester les effets sur la réplication virale d’un nombre limité de mutations, en général de grandes délétions, nous utiliserons une approche multidisciplinaire combinant biologie moléculaire (équipes Marquet et Rosa-Calatrava), virologie (équipes Marquet et Rosa-Calatrava) et microscopie (équipes Rosa-Calatrava et Bron). Dans un premier temps, une approche novatrice de biologie des systèmes (équipe Marquet, Smyth et al., manuscrit révisé soumis à Nature Methods), basée sur la mutation aléatoire de chaque nucléotide de chaque ARNv et la sélection de molécules fonctionnelles par la machinerie virale elle-même, permettra de définir, de manière exhaustive et non-biaisée, les séquences et éléments de structure secondaire des ARNv importants pour l’empaquetage. Nous identifierons et validerons ensuite des interactions intermoléculaires entre ARNv et testerons leur rôle fonctionnel dans la réplication virale, le co-empaquetage des segments partenaires et l’assemblage viral, in vitro, in cellulo et in viro. La souche influenza A/PuertoRico/8/34 (H1N1) (PR8), utilisée pour la production de vaccins, sera notre modèle d’étude. Enfin, la robustesse du réseau d’interaction ARNv/ARNv sera testée par tomographie électronique, en comparant l’organisation interne des virions PR8 avec celle de virus réassortants où des segments PR8 seront remplacés par des segments étrangers d’intérêt vaccinal.
Notre but ultime est de comprendre les règles qui régissent l’empaquetage des ARNv et le réassortiment génétique des VIA. Ces travaux permettront d’évaluer la probabilité de générer des virus réassortants y compris des virus pandémiques. La réussite de ce projet posera également des jalons pour une amélioration des processus de génération, de sélection et de réplication des virus réassortants utilisés pour la production de vaccins. Sa force repose sur la collaboration entre les équipes Marquet et Rosa-Calatrava et l’arrivée de l’équipe Bron, qui possède de fortes compétences dans l’analyse structurale des virus.
Monsieur Roland Marquet (Architecture et Réactivité de l'ARN)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
INSERM U1054 / CNRS UMR5048 Centre de Biochimie Structurale
UPR 9002 CNRS Architecture et Réactivité de l'ARN
VIRPATH Laboratoire de Virologie et Pathologie Humaine VirPath
Aide de l'ANR 502 000 euros
Début et durée du projet scientifique :
octobre 2015
- 36 Mois