DS0101 - Comprendre et prévoir les évolutions de l'environnement

Adaptation et résilience des réseaux écologiques spatialisés face aux changements d'origine humaine – ARSENIC

Adaptation et résilience des réseaux écologiques spatialisés face aux changements d'origine humaine (ARSENIC)

La plupart des études en écologie prédictive se fondent sur une vision statique de la niche écologique. Le projet ARSENIC vise à comprendre comment les systèmes écologiques réagissent aux changements planétaires lorsque les niches écologiques sont considérées comme dynamiques, pouvant varier avec la composition de la communauté et les processus évolutifs.

Objectifs du projet

Un objectif est de comprendre en quoi l’évolution affecte les associations de traits entre espèces, et comment une variation des phénotypes entre espèces affecte les caractéristiques des réseaux d’interaction écologiques, les densités de population et la force des interactions. Un tel objectif se fonde sur le développement de modèles évolutifs des interactions trophiques ou mutualistes qui prennent explicitement en compte les différentes perturbations (par ex. le changement climatique, l’eutrophisation, la pollution aux métaux). Un second objectif est de comprendre la résilience et la robustesse des réseaux écologiques aux perturbations extérieures, et d’appréhender les effets des extinctions d’espèces clé de voûte dans les réseaux coévolués. Nous désirons aussi développer des versions spatialement explicites des modèles afin d’évaluer comment les distributions géographiques des espèces varient avec le changement climatique, en prenant en compte la coévolution des réseaux écologiques le long de clines environnementaux affectés par des perturbations externes. Un objectif final est d’aller au-delà des développements théoriques de ce projet et de donner une vision plus intégrative des réseaux d’interaction grâce à des aspects empiriques. Pour ce faire, nous comparerons les prédictions sur les distributions de traits avec des observations empiriques, provenant de grandes bases de données existantes et de nouveaux terrains développés dans ce projet. Nous étudierons en particulier les réseaux coévolués et les phénotypes des espèces en interaction le long de deux types de gradient : le long d’un gradient latitudinal (et donc climatique) de 1000 km, nous étudierons les interactions et les traits des espèces des réseaux plantes-pollinisateurs dans les pelouses calcaires ; le long de gradients de pollution aux métaux lourds proches d’anciennes mines, nous étudierons les interactions entre plantes métallicoles et non-métallicoles et les espèces herbivores et pollinisatrices.

ARSENIC est un projet collaboratif impliquant quatre laboratoires (EEP, IEES, ISEM et CEFE) et d’autres groupes satellites. La gouvernance du projet est partagée entre François Massol (EEP, Lille) et Nicolas Loeuille (IEES, Paris). Le projet est divisé en deux parties qui sont équilibrées en termes d’importance et d’investissement en temps. La partie 1 se concentre sur les développements théoriques nécessaires au projet. La partie 2 a pour objet l’obtention et l’analyse des jeux de données empiriques nous permettant de tester les résultats de la partie 1. Du fait de l’imbrication des deux parties, les deux coordinateurs du projet géreront conjointement les deux parties. Chacune des parties est divisée en quatre tâches. Dans la partie 1, les tâches 1 et 2 visent à comprendre les conséquences de la dynamique éco-évolutive sur la distribution des traits et l’architecture des réseaux. La tâche 1 s’attaque aux réseaux trophiques, la seconde, aux réseaux de pollinisation. La tâche 3 vise à comprendre les propriétés dynamiques des réseaux coévolués. La tâche 4 rend ces modèles spatialement explicites de manière à comprendre comment les aires de distribution des espèces changeront en fonction des changements planétaires, en relation avec la structure du réseau d’interaction et les contraintes évolutives. Dans la partie 2, les tâches 1 et 2 sont dédiées à la confrontation des modèles à des patrons empiriques obtenus à partir de grandes bases de données. La tâche 1 comprend les réseaux trophiques, la tâche 2, les réseaux de pollinisation. Les tâches 3 et 4 organisent l’obtention de nouvelles données sur deux types de gradients, la tâche 3 comparant les réseaux de pollinisation, les traits des plantes et des pollinisateurs dans les pelouses calcaires le long d’un gradient latitudinal, tandis que la tâche 4 compare les traits des plantes, des pollinisateurs et des herbivores, et les réseaux d’interactions associés, le long d’un gradient de pollution aux métaux lourds.

Le modèle théorique développé pour comprendre l’évolution des réseaux trophiques en fonction de la température nous a permis d’obtenir des résultats potentiellement marquants, mais à confirmer dans les mois qui viennent. Pour résumer, le modèle développé démontre : (i) que la taille des organismes dans les réseaux trophiques a tendance à diminuer avec l’augmentation de la température en l’absence d’effet direct de la température sur les taux d’interaction entre espèces. Cet effet, en accord avec de nombreuses observations empiriques, est la résultante de la dépendance des taux de mortalité / respiration et des capacités de charge des producteurs primaires en la température et de la structuration des relations prédateur-proie via la taille uniquement ; (ii) sous ces mêmes hypothèses, relativement générales, le modèle montre qu’on s’attend à trouver des réseaux trophiques plus courts (moins de niveaux trophiques) et plus larges (plus d'espèces sur les premiers niveaux) avec une augmentation de la température ; (iii) enfin, le modèle prédit que l'instabilité des réseaux trophiques, mesurée par le coefficient de variation de la biomasse totale, tend à augmenter avec une augmentation de la température, toujours sous ces mêmes hypothèses générales. L’ensemble de ce travail n’est pas encore publié, mais ces conclusions ont une portée potentiellement très générale qui risque de révolutionner notre compréhension de la règle de Bergmann dans les réseaux trophiques et de modifier de nombreuses prédictions relatives au maintien des réseaux d'interaction dans un contexte de changement global.

Une perspective à court terme du travail actuel est détendre le modèle d’évolution des réseaux trophiques vers d’autres types d’interactions. En utilisant un tel nouveau modèle, nous serons en mesure de prédire comment les réseaux de pollinisation évoluent le long de gradients de productivité primaire ou climatiques. Une autre perspective de modélisation immédiate se fonde sur la traduction en modèle spatialement explicite du modèle actuel, en utilisant des équations de diffusion, de manière à prédire comment les aires de distribution des espèces en interaction varieront en réponse au changement climatique. D’un point de vue empirique, nos perspectives immédiates tournent autour de l’utilisation des bases de données existantes afin d’identifier les corrélations entre traits dans les réseaux trophiques et de pollinisation, et la mise en relation de ces corrélations avec des variables environnementales telles que le climat ou la productivité primaire. Nous sommes actuellement en train d’obtenir des données sur les réseaux de pollinisation dans les pelouses calcaires. Grâce à ces données, nous pourrons tester les prédictions du modèle évolutif qui sera développé dans les mois qui viennent.

Massol, F., Dubart, M., Calcagno, V., Cazelles, K., Jacquet, C., Kéfi, S., & Gravel, D. (soumis) Island biogeography of spatially structured food webs. Advances in Ecological Research, 56 – papier soumis pour un numéro invité sur les réseaux d’interaction, à paraître fin 2016/début 2017 Kamenova, S., Bartley, T., Bohan, D., Boutain, J. R., Colautti, R. I., Domaizon, I., Fontaine, C., Lemainque, A., LeViol, I., Mollot, G., Perga, M.-E., Ravigné, V., & Massol, F. (soumis) Invasions toolkit: current methods for tracking the spread and impact of invasive species. Advances in Ecological Research, 56 – papier soumis pour un numéro invité sur les réseaux d’interaction, à paraître fin 2016/début 2017 Pantel, J. et al. (soumis) 14 Questions for Invasion in Ecological Networks. Advances in Ecological Research, 56 – papier soumis pour un numéro invité sur les réseaux d’interaction, à paraître fin 2016/début 2017 Geslin, B., Gauzens, B., Baude, M., Dajoz, I., Fontaine, C., Henry, M., Rollin, O., Thébault, E., & Vereecken, N. J. (soumis) Massively Introduced Managed Species and their consequences for plant-pollinator interactions. Advances in Ecological Research, 56 – papier soumis pour un numéro invité sur les réseaux d’interaction, à paraître fin 2016/début 2017 Allhoff, K. T. & Drossel, B. (2016) Biodiversity and ecosystem functioning in evolving food webs. Philosophical Transactions of the Royal Society of London B: Biological Sciences, 371. David, P. Thébault, E., Anneville, O., Duyck, P.-F., Chapuis, E., & Loeuille, N. (soumis) Impacts of invasive species on food webs: a review of empirical data. Advances in Ecological Research, 56 – papier soumis pour un numéro invité sur les réseaux d’interaction, à paraître fin 2016/début 2017 Romanuk, T., Loeuille, N. et al. (soumis) XX [titre non définitif]. Advances in Ecological Research, 56 – papier soumis pour un numéro invité sur les réseaux d’interaction, à paraître fin 2016/début 2017

Les changements environnementaux anthropogènes constituent une menace croissante pour la biodiversité et les services écosystémiques, créant ainsi une demande sociétale pour des prévisions écologiques encore inexistantes. Les modèles disponibles prédisent mal les effets de tels changements car ils ignorent les variations de niche dues aux interactions et à l’évolution. Il est en effet difficile de prédire comment les changements environnementaux se répercutent dans les écosystèmes et comment évoluent les traits des espèces sans comprendre d’abord le fonctionnement des réseaux écologiques et leur origine évolutive. Ainsi, comprendre la dynamique des réseaux d’interaction est important pour la recherche fondamentale et pour construire des programmes d’action sur les services écosystémiques et la conservation des espèces. La question qui motive ce projet est de comprendre les effets des changements globaux en intégrant les interactions et l’évolution des espèces. Pour étudier des réseaux complexes et leur adaptation aux changements, nous utiliserons une approche liant modèles de coévolution et analyses de données existantes ou collectées dans le cadre du projet. Pour relever ces défis, nous nous appuierons sur un consortium pluridisciplinaire aux compétences diversifiées, allant de la modélisation théorique au travail de terrain en passant par l’identification taxonomique.

Nous développerons des modèles de réseaux antagonistes et mutualistes spatialement structurés pour cerner les effets de l’évolution sur (i) l’association des traits chez les espèces en interaction, (ii) les propriétés dynamiques de ces réseaux et (iii) la dynamique des aires de répartition des espèces en interaction. Ces modèles révéleront comment le changement climatique, l’eutrophisation et la pollution affectent les propriétés des réseaux via l’évolution des forces d’interaction et des capacités de dispersion des espèces. Ces modèles préciseront pourquoi et comment certains traits de spécialisation s’associent évolutivement à une plus grande dispersion, et suggéreront ainsi des façons de tester l’importance des processus sélectifs sur les réseaux via les associations de traits intra- et inter-réseaux. Ces modèles étudieront aussi le lien entre sélection naturelle et stabilité des équilibres écologiques, en vue de résoudre le paradoxe diversité-stabilité de May. Enfin, les prédictions sur la dynamique des aires de répartition permettront de comprendre l’effet de l’évolution sur la distribution géographique de partenaires mutualistes ou trophiques.

Nous testerons ces modèles avec (i) des bases de données existantes sur les traits et les interactions et (ii) de nouvelles observations. Nous utiliserons des bases de données sur les interactions trophiques et de pollinisation et des bases sur les traits des espèces et leur répartition géographique afin de révéler des corrélations entre traits et position dans les réseaux ou entre traits au sein d’espèces de niveaux trophiques ou de degrés de spécialisation variés. Nous testerons aussi nos modèles via des observations de terrain. D’abord, nous examinerons les interactions plantes-pollinisateurs dans des pelouses calcaires, et les traits associés chez ces espèces, le long d’un gradient latitudinal de mille kilomètres. Pour quelques espèces de plantes entomophiles largement répandues, nous identifierons leurs pollinisateurs et mesurerons des traits pertinents chez ces espèces. Nous mesurerons aussi des traits chez les plantes afin de révéler des associations entre traits des plantes et richesse de leur faune pollinisatrice. Dans la second tâche d’observation, nous comparerons les communautés d’herbivores et de pollinisateurs liées aux populations métallicoles et non-métallicoles de Noccaea caerulescens. Nous étudierons les liens entre l’abondance des pollinisateurs et des herbivores, les différences de capacités d’accumulation de métaux lourds et les variations de taux d’autofécondation chez les plantes.

Coordination du projet

Francois Massol (Génétique et Evolution des Populations Végétales)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

IEES Paris Institut d'Ecologie et des Sciences de l'Environnement de Paris
ISEM Institut des sciences de l'évolution - Montpellier
CESCO Centre des sciences de la conservation
CEFE Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive
HYAX Hydrobiologie
UT Austin College of Natural Sciences
ISA Institut Sophia Agrobiotech
GEPV Génétique et Evolution des Populations Végétales

Aide de l'ANR 498 679 euros
Début et durée du projet scientifique : septembre 2014 - 48 Mois

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