Blanc SVSE 8 - Blanc - SVSE 8 - Biochimie, biologie moléculaire et structurale

Métabolisme de l’ARNm et expression génétique chez Bacillus subtilis : une étude fonctionnelle et structurale des deux nouvelles ribonucléases Y et J – RNAJAY

Tuer le message : les enzymes qui déterminent la durée de vie d’un ARN messager

L’instabilité de l’ARN messager est fondamentale pour tout organisme et permet d’ajuster rapidement la synthèse protéique aux changements environnementaux. Comprendre les facteurs et enzymes qui interviennent dans la dégradation des ARN est donc important pour notre compréhension du contrôle de l’expression génétique.

Mécanismes et enzymes clés qui induisent la dégradation des acides ribonucléiques

Les protéines sont synthétisées à partir d’acides aminés en prenant pour matrice des molécules d’ARNm (Acides RiboNucléiques messagers) lors d’un processus appelé « la traduction ». Ces ARNm représentent des copies des gènes (ADN) qui codent pour ces protéines. Mais contrairement à l’ADN qui est très stable, l’ARNm est une molécule très fragile qui ne survit en moyenne que quelques minutes dans une bactérie. Cette instabilité est cruciale pour contrôler et moduler la biosynthèse des protéines et donc l’adaptation des bactéries à leur environnement. Des enzymes appelées ribonucléases (RNases) sont responsables de la dégradation des ARNm. Même chez les bactéries les plus étudiées comme Bacillus subtilis, certaines d’entre elles viennent seulement d’être découvertes. Ce travail concerne l’étude structurale et fonctionnelle des RNases J et Y chez B. subtilis, deux ribonucléases clés. La compréhension de leurs fonctions est importante tant au niveau académique que pour appréhender le métabolisme de l’ARNm dans de nombreuses bactéries pathogènes qui contiennent ces ribonucléases. L'importance de ces deux protéines en font des cibles potentielles pour la mise au point de nouveaux antibiotiques.

Afin d’identifier les substrats potentiels de la RNase Y au sein de la bactérie, nous allons étudier les niveaux des ARN messager dans une souche sauvage et le comparer à ceux observés dans une souche déplétée pour la nucléase. A priori, les ARN clivés par la RNase Y devraient être plus abondants dans la souche déplétée. L’utilisation de la technique de « puces à ADN » permettra d’analyser tous les transcrits présents dans la cellule au même moment.
La détermination de la structure 3D par diffraction des rayons X de la RNase Y seule ou en complexe avec d’autres protéines et/ou substrats permettra de mieux comprendre le fonctionnement de cette nucléase et de construire des mutants pertinents pour une analyse biochimique.
L’étude in vitro de la RNase Y et de la RNase J permettra de mieux connaître les paramètres qui déterminent la spécificité de ces enzymes.
Une approche par microscopie à fluorescence tentera de mieux comprendre l’importance de la localisation de la RNase Y à la membrane, une analyse qui sera assez délicate étant donné la petite taille des bactéries.

Les premiers résultats marquants que nous avons obtenus sont l’identification de centaines de nouveaux substrats de la RNase Y par une analyse transcriptomique. Cette étude est en cours d’évaluation et permettra à terme de conclure sur l’importance de cette ribonucléase dans l’initiation de la dégradation de tous les ARN transcrits dans la cellule.
La protéolyse ménagée de la RNase Y a permis de mettre en évidence un domaine C-terminal plus stable que la protéine entière qui pourra être utilisé pour les expériences de cristallisation.

Il est d’ores et déjà très probable que la RNase Y est une enzyme clé qui détermine la stabilité de centaines voire de milliers de transcrits au sein de la bactérie Bacillus subtilis. La compréhension structurale et biochimique du fonctionnement de la RNase Y mais également de la RNase J permet d’entrevoir leur utilisation comme cible pour la mise au point de nouveaux antibiotiques. En effet, un très grand nombre d’espèces bactériennes dont de nombreux pathogènes contiennent au moins une RNase J ou Y.

L’évaluation du rôle de la RNase Y sur les tous les ARN exprimés chez Bacillus subtilis est en cours et une publication associée est en préparation.

La transformation et la dégradation des ARNm est un élément clé du contrôle de l’expression génétique procaryote. Chez Escherichia coli, la RNase E a un rôle crucial dans ces processus mais chez Bacillus subtilis et les autres bactéries Gram positif, les enzymes dirigeant le métabolisme des ARNm sont très différentes. En effet, B. subtilis possède la RNase J1, qui est essentielle, et son paralogue, la RNase J2, enzymes qui ont deux activités, de type endoribonucléase comme la RNase E et 5’-3’ exoribonucléase qui requiert une extrémité 5’ monophosphate. La structure tridimensionnelle de la RNase J a révélé une conservation surprenante de l’architecture globale entre la RNase J et la RNase E résultant d‘une évolution convergente. Le groupe 1 analysera l’importance de cette conservation en créant des protéines chimériques entre la RNase E et la RNase J1. En théorie, la polyvalence des RNases J1/J2 pourrait expliquer toutes les caractéristiques décrites pour la dégradation des ARNm chez B. subtilis, qui débuterait par un clivage endonucléolytique, suivi d’une dégradation 5’ exonucléolytique. Cependant, l’inactivation/déplétion des RNases J1/J2 n’augmente que légèrement la demie vie globale des ARNm, ce qui n’est pas en faveur d’une fonction importante de ces nucléases dans l’initiation de la dégradation globale des ARNm.

Très récemment, le groupe 1 a caractérisé une nouvelle endoribonucléase essentielle (la RNase Y) chez B. subtilis. Malgré une absence totale de similarité de séquence, la RNase Y partage de nombreuses homologies fonctionnelles avec la RNase E : l’activité des deux enzymes est stimulée par l’extrémité 5’ monophosphorylée du substrat et ce sont les seules nucléases connues pour avoir un effet significatif sur la durée de vie globale des ARNm.
Le Groupe 1 propose d’étudier le rôle des RNases Y et J1/J2 dans l’initiation de la dégradation de l’ARNm et le contrôle de l‘expression génétique. Il analyseront aussi les paramètres qui déterminent la spécificité et la reconnaissance du site de clivage de la RNase Y. Une approche globale (tiling array) ainsi qu’une analyse détaillée des substrats potentiels seront réalisées par des techniques in vitro et in vivo. Le principal but de cette étude est de confirmer ou invalider la notion que la transformation et la dégradation des ARNm seraient plus similaires entre B. subtilis et E. coli qu’anticipé jusqu’à présent (le clivage endonucléolytique serait l’étape cruciale pour initier la dégradation des ARNm dans les deux organismes). Ainsi, la RNase J serait impliquée principalement dans la dégradation des produits 3’ formés par clivage exonucléolytique dans la direction 5’-3’. Cette propriété pourrait avoir évolué dans des organismes tels que B. subtilis qui, contrairement à E. coli, n’apparaît pas avoir un système de polyadénylation efficace pour permettre une dégradation 3’-5’ des ARN structurés.

En parallèle, le groupe 2 essaiera de déterminer la structure cristalline de la RNase Y, seule et en présence d’ARN. La caractérisation in vitro initiale de la RNase Y effectuée par le groupe 1 sera poursuivie par le groupe 2 en utilisant une approche plus quantitative, incluant des méthodes biophysiques qui permettront de déterminer des paramètres important liés à l’activité de la RNase Y comme les constantes catalytiques, la structure quaternaire, la dynamique de la protéine.

Les RNases Y et J représentent probablement les enzymes clés qui dirigent le métabolisme des ARN chez B. subtilis et de nombreuses autres espèces à Gram positif comme des pathogènes tels que Listeria, Staphylococcus aureus, Streptococcus or B. anthracis. L’étude de ces deux ribonucléases essentielles devrait augmenter nos connaissances fondamentales sur le métabolisme des ARN et la régulation génétique. De plus, du fait de leur nature souvent essentielle, ces RNases sont des cibles potentielles pour le design de nouveaux médicaments antimicrobiaux.

Coordination du projet

Harald Putzer (CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE ILE-DE-FRANCE SECTEUR PARIS B) – putzer@ibpc.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CNRS UPR9073 CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE ILE-DE-FRANCE SECTEUR PARIS B

Aide de l'ANR 300 000 euros
Début et durée du projet scientifique : février 2012 - 36 Mois

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