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Des chasseurs-cueilleurs face aux changements environnementaux : le Magdalénien de la façade atlantique au Tardiglaciaire (18-14 kyr cal BP) – MAGDATIS

Magdatis : des chasseurs-cueilleurs paléolithiques face aux changements environnementaux

Le rôle des changements environnementaux dans l'évolution des territoires, des techniques et des cultures chez les groupes humains du Magdalénien dans l'ouest du bassin aquitain à la fin de la dernière glaciation (19000-14000 ans avant le présent)

Les relations entre milieux et sociétés chez les chasseurs-cueilleurs nomades du Paléolithique supérieur

Nomades, vivant de chasse et de collecte, les hommes du Paléolithique sont souvent perçus - par les scientifiques comme par le grand public - comme étroitement inféodés aux aléas de leur milieu naturel. De fait, l'une des principales questions qui se posent à l'archéologie paléolithique est de comprendre les relations entre les évolutions des techniques, des cultures, ou encore des territoires exploités par les groupes humains, et les changements du climat, de la faune et de la flore. Mais cette question est délicate car les données archéologiques et paléoenvironnementales n'ont pas le même degré de précision et sont inégalement fournies selon les périodes et les régions. Ce projet avait pour but de lever cet obstacle par l'étude d'un cas privilégié : le Magdalénien moyen et supérieur, vers 19000-14000 calBP (= années avant le présent), l'une des plus anciennes périodes où les données environnementales et archéologiques présentent une résolution suffisante pour être replacées dans un cadre chronologique commun et précis. Ceci permettait d'appréhender l'évolution des groupes humains en parallèle avec un changement climatique rapide et global : la fin de la dernière glaciation.

La zone d'étude choisie, l'ouest du bassin aquitain, présente au Paléolithique de forts contrastes écologiques (steppe, désert sableux, littoral océanique, piémont) qui en font un laboratoire idéal pour comparer les comportements des groupes humains dans des milieux différents. À travers l'étude des archives naturelles (sédiments, pollen, faune, etc.), un bilan paléoenvironnemental détaillé a été dressé pour cette zone (rythme de la déglaciation des Pyrénées occidentales, évolution dunaire du sable des Landes, transformation des faunes et flores continentales). Par ailleurs, en parallèle avec de nouvelles opérations de terrain (sondages, fouilles), une série de sites archéologiques clés, fouillés pour la plupart entre les années 1960 et 2000, ont été sélectionnés. Ces sites ont fait l'objet d'un réexamen collectif multidisciplinaire : révision de la stratigraphie, datation radiocarbone, étude des équipements en pierre et en matières osseuses (technotypologie lithique et osseuse, archéopétrographie), étude des gibiers chassés (archéozoologie, cémentochronologie) et des vestiges humains (anthropologie funéraire).

Les résultats du projet ont grandement modifié notre vision de l'espace ouest-aquitain au Paléolithique, de ses contraintes environnementales et de son peuplement humain. La Gironde, alors dominée par des paysages de steppe, semble ainsi avoir été désertée pendant deux millénaires, sans doute à cause de conditions alors trop froides et sèches. Dans les Landes, un désert périglaciaire règne pendant toute la période, expliquant la faiblesse de la présence humaine dans un espace sans doute très contraignant. En revanche, le littoral était plus souvent fréquenté et plus fortement exploité que ce que nous pensions jusqu'ici, attestant de l'existence d'une véritable économie littorale. Dans les basses vallées pyrénéennes, la déglaciation, achevée précocement, libère des paysages ouverts qui sont rapidement occupés par les groupes humains. Ce sont ainsi les variations du milieu qui dessinent la carte des espaces attractifs et répulsifs. En revanche, les industries lithique et osseuse montrent l'existence de réseaux de diffusion dont l'extension n'est pas conditionnée par les obstacles naturels et relève de logiques sociales. La cartographie de ces réseaux ne dessine pas des blocs distincts qui indiqueraient des populations différentes, mais montre au contraire des chevauchements témoignant d'une circulation généralisée de biens. Vers la fin de la période, ces réseaux se contractent, sans doute surtout à cause de dynamiques techniques. La fin de la période voit aussi l'apparition de nouvelles armes et des premiers indices fiables de domestication des canidés, probables auxiliaires de chasse. Ces innovations pourraient être une adaptation à un environnement plus favorable aux petits gibiers, dont la chasse devient alors plus fréquente. La recomposition de la faune à la fin de la période, avec en particulier la disparition du renne vers -14000, participe aussi de ces changements : le morcellement des troupeaux de rennes s'amorce dès -14800, plus tôt qu'envisagé jusqu'ici.

Les 5 millénaires revisités dans ce projet livrent une image plus nette du sud-ouest de la France, qui se révèle être le théâtre d'évolutions régionales reflétant des tendances plus globales. Mais le Magdalénien ne se résume ni à ses phases moyenne et supérieure, ni à son développement de part et d'autre du sable des Landes. La question de la continuité du peuplement dans certains espaces doit ainsi être approfondie en élargissant l'échelle géographique et en continuant l'effort de calage chronologique. La fin du Magdalénien et le début de l'Azilien, qui sont, en France, contemporains du remplacement des biocénoses glaciaires par des espèces tempérées, sont aussi un moment clé de l'histoire des chasseurs-collecteurs paléolithiques ; ce moment reste à explorer dans sa complexité. Les résultats de ce projet serviront donc d'élément de comparaison pour d'autres, en cours ou à venir. À court terme, ils seront mobilisés dans le cadre de projets auxquels plusieurs membres de Magdatis participent (PCR Dronne, dir. P. Paillet, 2011-2017 ; monographie du site de Peyrazet, Lot, dir. M. Langlais, 2008-2015) et de travaux qui se structurent dans les Pyrénées (projets multidisciplinaires sur la vallée d'Ossau). Plus généralement, la démarche adoptée dans le projet Magdatis (révision chronologique, analyse croisée des archives archéologiques et environnementales) essaime déjà dans de nouvelles recherches émergentes. Le retour aux données de base, souvent ingrat et chronophage, est en effet l'étape indispensable avant toute modélisation des relations de ces sociétés anciennes avec l'environnement. La poursuite de ce type d'enquête permettra une meilleure compréhension de l'évolution des sociétés de chasseurs-collecteurs avant que la domestication ne change profondément la relation de l'Homme à son environnement. En offrant des racines revisitées et un discours non simplificateur, ces résultats participent à la réflexion globale sur l'évolution des sociétés humaines.

Les résultats du projet ont donné lieu à une douzaine de communications lors de colloques nationaux ou internationaux, une dizaine de présentations lors de séminaires, réunions scientifiques et conférences grand public, et une vingtaine de publications dans des revues scientifiques à comité de lecture. Ces articles sont signalés sur la page Academia du projet (http://univ-tlse2.academia.edu/Magdatisproject). Un nombre équivalent d'articles est en cours de soumission, notamment dans le cadre de la préparation d'un numéro spécial de la revue Quaternary International qui comprendra une dizaine de contributions. Des outils de diffusion destinés à un public plus large ont également été élaborés. Nous avons ainsi réalisé trois films de 2 minutes chacun, destinés à valoriser le travail de datation effectué sur les collections paléolithiques du Musée d'archéologie nationale (Saint-Germain-en-Laye) et du musée d'Aquitaine (Bordeaux). Chaque film est construit autour de la datation directe d'une pièce d'industrie osseuse choisie parmi les objets emblématiques de la fin du Paléolithique supérieur. Ces films peuvent être visionnés sur le site des laboratoires Traces et Pacea et librement utilisés à des fins pédagogiques par les musées et universités. Nous avons également proposé aux éditions du CTHS la rédaction d'un ouvrage sur le Tardiglaciaire d'Europe de l'Ouest, dans la collection «Préhistoire en questions«, qui publie des ouvrages destinés à un public type étudiant. Enfin, en parallèle avec la rédaction de l'ouvrage, des posters seront réalisés en s'appuyant sur le même contenu. Plusieurs jeux en seront imprimés pour pouvoir être mis à disposition des laboratoires ou associations de médiation lors d'expositions ou d'animations.

Ce projet vise à étudier les dynamiques évolutives des groupes de chasseurs-cueilleurs paléolithiques en parallèle avec les transformations de leur milieu (climat, paysages, flore et faune). La question des relations homme-environnement dans les sociétés préhistoriques est donc au cœur de notre réflexion. Nous l’abordons à travers un cas d’étude privilégié : le Magdalénien classique (18000-14000 calibrated before present). Cette période est l’une des plus anciennes pour lesquelles la haute résolution des données environnementales et archéologiques permet d’appréhender, au sein d’une même chronologie 14C calibrée, les changements sociétaux au regard d’une réorganisation des biocénoses et d’un changement climatique rapide et global : la fin de la dernière glaciation (Tardiglaciaire). La zone d’étude choisie, l’Ouest aquitain, présente par ailleurs au Magdalénien d’importants contrastes écologiques dans un espace réduit (plaine steppique, désert sableux, littoral océanique, piémont pyrénéen) ; ce qui en fait un laboratoire idéal pour comparer les comportements mis en œuvre dans des milieux très différents.

Les connaissances sur le Magdalénien du sud-ouest français sont marquées par un cloisonnement des territoires de recherche et une parcellisation des savoirs, héritages de l’histoire de la discipline. Notre démarche correspond donc à une étape logique de mise en commun de données jusqu’ici dispersées, dans le cadre d’une approche systémique.

L’équipe constituée pour ce projet comprend un peu plus d’une vingtaine de participants dont beaucoup ont déjà été réunis par des collaborations antérieures. Aux spécialistes du paléo-environnement (palynologie, géomorphologie) s’associent les spécialistes de l’étude des comportements humains dans le domaine techno-économique (archéozoologie, technologie lithique et osseuse) comme dans le domaine symbolique (pratiques funéraires en particulier).

Le projet est organisé en deux grandes phases. La première est une étape d’acquisition de données, de réalisation de bases de données et de synthèses thématiques. Elle comprend notamment l’élaboration d’un cadre radiométrique unique, rénové à partir d’une large campagne de datations 14C par AMS. Un bilan paléo-environnemental régional précis sera également dressé (rythme de la déglaciation des Pyrénées occidentales, évolution dunaire du Sable des Landes, archives climatiques, transformation des biocénoses continentales). L’étude de plusieurs corpus archéologiques dans une sélection de sites-clés permettra de caractériser les comportements techno-économiques des groupes magdaléniens dans l’exploitation de leur milieu minéral et animal (identification des savoir-faire, des matériaux et produits recherchés, selon des méthodologies identiques afin d’assurer la comparabilité des résultats). La question de la structure sociale des groupes humains - en particulier la place de l’individu - sera abordée via la caractérisation des pratiques funéraires, mais également à travers une réflexion sur l’organisation sociale de certaines activités techniques (degré de spécialisation, caractère plus ou moins collectif…).

La seconde phase est une étape de synthèse et de valorisation. L’exploitation conjointe des résultats obtenus devra déboucher, d’une part, sur une évaluation fine de la nature et de la vitesse des changements environnementaux et de leur impact sur l’espace et les ressources disponibles pour les sociétés humaines ; d’autre part, sur une vision détaillée des transformations survenant dans les choix socio-économiques des groupes de chasseurs-cueilleurs. L’articulation de ces deux registres permettra une perception renouvelée des déterminants à l’œuvre dans les changements culturels.

Outre les articles et communications produits au fil de l’eau pendant la durée du projet, ce dernier se clôturera par la parution d’un ouvrage scientifique collectif et l’organisation d’un colloque international de prospective.

Coordinateur du projet

Monsieur Jean-Marc PÉTILLON (CNRS DR IDF SECTEUR SUD) – jean-marc.petillon@cnrs.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CNRS DR IDF SECTEUR SUD CNRS DR IDF SECTEUR SUD
PACEA UNIVERSITE BORDEAUX I
TRACES CNRS DR MIDI-PYRENEES

Aide de l'ANR 288 309 euros
Début et durée du projet scientifique : septembre 2011 - 36 Mois

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