Reconnaissance Moléculaire par des Foldamères Hélicoïdaux à Base d’Urées : Récepteurs pour Anions et Catalyseurs Bioinspirés – UREKAT
Hélices biomimétiques fonctionnelles
Reconnaissance moléculaire par des foldamères hélicoïdaux à base d’urée
Reconnaissance d’anions et développement de nouveaux catalyseurs
Bien que le domaine de recherche concerné soit principalement celui des foldamères, ce projet est caractérisé par une forte interaction avec le domaine des récepteurs artificiels d’anions ainsi que celui de l’organocatalyse activée par liaisons hydrogène. En effet, le transfert d’une information structurale vers une information fonctionnelle représente certainement un des enjeux les plus fascinants du domaine des foldamères. <br />Le but principal du projet UREKAT est le développement d’une plateforme hélicoïdale possédant des motifs intrinsèques de reconnaissance d’anions et de catalyse via des liaisons hydrogène.<br />Les objectifs spécifiques du projet sont d’analyser les modes de liaisons aux anions (ou ligands), de documenter l’origine de leur sélectivité, d’établir la relation entre la structure et le rendement catalytique et la stéréochimie qui en découle.<br />
Dans ce projet, nous proposons d’explorer plus en avant de nouvelles applications pour les foldamères en tirant parti de deux caractéristiques uniques du squelette hélicoïdal oligourée, à savoir la présence 1) d’un site de liaison préorganisé qui consiste en quatre NH libres de deux groupements urée positionnés dans un environnement intrinsèquement chiral à une extrémité de l’hélice et 2) d’un moment macrodipolaire le long de l’axe de l’hélice et dont le pole positif augmente potentiellement la force du site de liaison.
La première partie de ce projet sera consacrée à la conception et à la synthèse d’oligomères à base d’urée de taille variable (4 à 6 unités), à partir d’une réserve de carbamates activés (formation d’urée) ou de thiocarbamates (formation de thiourée). Leur structuration en hélice sera ensuite évaluée et leurs propriétés de liaison aux anions seront testées à la fois qualitativement et quantitativement par des titrages en solution (RMN, ITC…) ainsi que des techniques de cristallogénèse. En parallèle, les foldamères hélicoïdaux seront testés pour leurs propriétés en organocatalyse sur deux types de réactions : des réactions asymétriques sur des substrats modèles telles que la réaction de Michael de nitrooléfines et des réactions de polymérisation de lactides par ouverture de cycle (ROP) pour lesquelles une collaboration sera entreprise avec l’équipe de Didier Bourissou à Toulouse.
A ce jour, divers oligomères à base d’urée ont été produits, de différentes tailles et parties terminales. Ces oligomères ont été utilisés pour les deux principaux objectifs de ce projet : la reconnaissance moléculaire de divers anions et l’exploration de leurs propriétés catalytiques. Concernant la première partie, des études de titrage par RMN nous ont permis de déterminer des constantes d’association et ont montré l’influence de différents paramètres sur l’interaction anion/oligourée : les données suggèrent différents modes de liaison dépendant de l’anion étudié ou du type de terminaison de l’hélice oligourée. Dans l’ensemble, les résultats montrent que l’interaction est spécifique du site de liaison et que l’hélicité n’est que très peu affectée par l’interaction. Concernant la deuxième partie du projet, les oligourées ont été testées comme catalyseurs énantiosélectifs pour la réaction de Michael des composés 1,3-dicarbonylés (par ex. les malonates) sur les nitrooléfines et les résultats ont montré une énantiosélectivité comparable voire plus haute que pour un catalyseur classique à base d’urée tel que celui de Takemoto et ce à des charges beaucoup plus faibles (0.1 mol%).
Malgré une haute affinité et spécificité du site de liaison pour l’interaction des anions avec les hélices oligourées, certains systèmes se sont montrés plus complexes que d’autres suggérant un effet de coopérativité ou de changements conformationnels qui nécessitent d’être examinés plus en détails. De plus, la cristallisation des complexes reste encore un challenge car les anions ont tendance à interférer avec le packing global des hélices oligourées. L’introduction d’un contre-cation dans le squelette de l’hélice pourrait permettre de surmonter cette difficulté. Concernant les développements futurs des études concernant la deuxième partie du projet, nous prévoyons d’étendre la catalyse à d’autres réactions telles que l’addition de carbones nucléophiles sur des nitroalcènes, des réactions de nitro-Mannich ou de transfert d’hydrogène. Une autre extension très intéressante de ce travail sera d’évaluer le potentiel de foldamères oligourées sur support solide comme catalyseurs recyclables.
Une publication dans une revue scientifique à comité de lecture a été publiée en 2013 sur la structuration hélicoïdale de différents oligomères à base d’urée (Angew. Chem. Int Ed. 2013, 52, 4147-51). Une autre publication a été publiée courant 2016 sur les propriétés de
reconnaissance d’anions des oligourées (Anion recognition by aliphatic helical oligoureas; V. Diemer, L. Fischer, B. Kauffmann, G. Guichard, Chem. Eur. J. 2016, 22, 15684–15692.)
Concernant les propriétés des oligourées en organocatalyse, un brevet a été déposé en 2015 (U.S. Provisional Application 62/182,997 ; Title: Bioinspired catalysis using oligourea helical foldamers; Filing Date: June 22, 2015, Inventors: S. Goudreau, G. Guichard, L. Fischer, A. Salaün, V. Diemer, D. Bécart.) et une publication est en cours de rédaction.
Dans le domaine de la chimie des Foldamères (oligomères synthétiques à conformations controlées), l’un des enjeux majeur aujourd’hui est d’utiliser l’information structurale pour doter ces systèmes de fonctions. Inspiré à la fois par des systèmes biologiques et synthétiques, le projet UREKAT propose de développer, d’évaluer et d’optimiser des molécules synthétiques hélicoïdales pouvant se comporter comme des récepteurs d’anions et/ou des catalyseurs de réactions asymétriques et de polymérisation par ouverture de cycle. Les efforts seront concentrés sur des oligourées énantiopures, aliphatiques et structurées en hélice, faisant partie d’une classe de foldamères non-oligoamides dont la structure a récemment été caractérisée par diffraction des rayons X (Fischer et al. Angew. Chem. Int. Ed. 2010).
La forte motivation pour ce projet provient du fait que (1) la reconnaissance d’anions par des protéines est un processus très important en biologie (canaux ioniques, transporteurs d’ions, réactions enzymatiques, …), rendu sélectif notamment par des interactions par liaisons hydrogène, (2) l’essor de certaines approches à base d’urées et thiourées qui se sont révélées particulièrement efficaces pour la conception de nouveaux récepteurs d’anions et d’organocatalyseurs à base de liaisons hydrogène, (3) le réseau de liaisons hydrogène à trois centres stabilisant la structure hélicoïdale des oligourées est très robuste et (4) la proximité structurale de ces oligourées et des hélices à base de gamma-peptides donne accès à une grande diversité de foldamères mixtes.
Il a été montré que les oligourées sont très efficaces en termes d’interaction avec des biomolécules et prometteuses pour d’éventuelles applications médicales. En particulier, des hélices conçues pour mimer les peptides antimicrobiens sont capables de perturber la membrane cellulaire des bactéries et affichent ainsi des activités antimicrobiennes conséquentes. Avec le projet UREKAT, nous proposons d’aller au delà de l’état de l’art dans le domaine des applications des foldamères en exploitant deux caractéristiques uniques du squelette hélicoïdal des oligourées: (1) la présence d’un site de liaison prédéfini, constitué de deux groupement urées terminaux présentés dans un environnement chiral à une extrémité de l’hélice et (2) la présence d’un moment macrodipolaire le long de l’axe de l’hélice avec un pôle positif proche du site de liaison, qui pourrait contribuer à un effet coopératif dans la reconnaissance de ligands. Les propriétés telles que la sélectivité vis-à-vis des anions, l’affinité, la reconnaissance des ligands neutres (carbonyles) ou le pouvoir catalytique des oligourées seront modulées et optimisées en faisant varier les groupements terminaux, la nature des chaînes latérales, la taille de l’hélice ou encore en remplaçant ponctuellement des urées par des thiourées.
Les systèmes hélicoïdaux obtenus au terme de ce projet, aptes à la reconnaissance d’anions et à la catalyse à base de liaisons hydrogène, constitueront un premier pas vers l’élaboration d’architectures plus complexes, mimant plus étroitement la structure et la fonction de protéines, et en particulier d’enzymes.
Ce programme de recherche fondamentale sera réalisé à l’Institut Européen de Chimie et Biologie (IECB) à Bordeaux (France) qui offre un environnement tout à fait adapté en termes d’équipements et d’expertise scientifique pour la candidate.
Coordinateur du projet
Madame Lucile Fischer (CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION AQUITAINE LIMOUSIN) – l.fischer@iecb.u-bordeaux.fr
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
CBMN, UMR 5248 CNRS- Université Bordeaux I CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION AQUITAINE LIMOUSIN
Aide de l'ANR 355 101 euros
Début et durée du projet scientifique :
- 36 Mois