CEP&S - Changements Environnementaux Planétaires & Sociétés

Les questions de la confiance dans le réchauffement global: modélisation du climat, expertise et lien au politique – ClimaConf

Les ressorts de la confiance dans le changement climatique

La confiance accordée aux résultats scientifiques, aux rapports d’expertise et aux institutions du changement climatique constitue un enjeu majeur. Le projet ClimaConf propose d’étudier l’établissement de la confiance au sein des communautés de modélisation du climat, entre domaines disciplinaires différents ainsi que dans les relations entre science et politique.

Analyse des critères et de la construction de la confiance dans le changement climatique

La question de la confiance est centrale dans le problème du réchauffement climatique global, comme l’ont notamment rappelé les mises en causes du GIEC et des sciences du climat en 2009 et 2010, dans le contexte de l’enlisement des négociations climatiques de l’ONU. La modélisation est au centre de ces interrogations : comment des modèles reconnus lacunaires et très imparfaits peuvent-ils prétendre prédire l’avenir climatique de la planète et guider les politiques et l’économie? Le projet ClimaConf vise à explorer la question de la confiance à différents niveaux : explicitation des critères de confiance des climatologues dans leurs modèles et dans les projections du changement climatique d’abord ; l’enjeu est ici épistémologique et scientifique : comment caractériser la valeur que les chercheurs accordent à différents aspects de leurs simulations ? On étudiera également les relations d’autres communautés scientifiques au problème climatique, et à la modélisation en particulier, en s’interrogeant sur les possibles frictions entre cultures épistémiques différentes. A un troisième niveau, on analysera les ressorts de la confiance vis-à-vis de l’expertise et des scénarios du GIEC chez les décideurs politiques et les acteurs économiques et sociaux (ONG). <br />Il s’agira enfin d’interroger l’articulation entre ces différents niveaux de confiance et l’implicite qui voudrait que la confiance dans les chiffres scientifiques conditionne la confiance dans l’expertise, voire l’action politique. Ceci conduira à revisiter la construction du problème climatique et à approfondir l’étude des rapports entre science, expertise et politique qui y sont à l’œuvre – en analysant en particulier les demandes et politiques de recherches sur le changement climatique.<br />

Une première partie de ce projet porte sur une analyse à la fois scientifique et épistémologique du rôle de la modélisation du climat dans l’établissement de cette confiance. Les modélisateurs donnent un éclairage « de l’intérieur », à partir d’analyses de simulations CMIP 5 et de simulations réalisées avec leurs modèles, des différents critères contribuant à construire leur confiance (robustesse, évaluation par des observations, représentation physique…). L’approche de sciences sociales consistera à observer les pratiques des chercheurs, en collaboration avec ceux-ci, sans isoler les contenus cognitifs des contextes sociaux et politiques, pour comprendre la nature des connaissances obtenues et ce qui, pour ces chercheurs, fait preuve et fait science.
La seconde partie de ce projet, qui relève plus proprement des STS (science and technologies studies) visera, à partir d’études de textes, de participation à des conférences ou à des COP, d’entretiens ou d’enquêtes auprès de différentes catégories d’acteurs (politiques, ONG…) à examiner le rôle des résultats scientifiques dans différentes arènes et, plus fondamentalement, la coproduction des cadrages scientifique et politique dans la construction du problème du changement climatique.

Les climatologues du LMD ont participé à une analyse comparant les conclusions du rapport Charney de 1979 et celle du 4ème rapport du GIEC, pour comprendre les stratégies de recherche qui expliquent la robustesse et le caractère prémonitoire du rapport Charney. Leurs analyses des simulations CMIP 5 ont donné plusieurs résultats publiés ou soumis (quantification de l’effet direct du CO2, rôle de la résolution des modèles de climat sur la sensibilité, rôle du « tuning », notamment).
Les chercheurs du CAK, quant à eux, ont des travaux en cours sur l’analyse des pratiques de modélisation du climat (stratégies de modélisation, rôle de la « compréhension physique », façon dont les modélisateurs isolent des facteurs causaux malgré le caractère holistique des modèles…) – notamment dans le cadre d’un réseau de recherche interdisciplinaire européen sur la modélisation de l’atmosphère. Ils ont également étudié les grandes conférences et travaillent sur une synthèse de 20 ans de négociations climat.

A l’issue de ce projet, un livre sera rédigé pour communiquer à un public cultivé (mais non spécialisé) les déterminants de la confiance dans la modélisation du climat – et au delà, expliciter ce mode de production de connaissance original, essentiel mais mal connu.
Ce projet vise aussi à clarifier les relations entre science et politique dans le cas du changement climatique – et à montrer comment et à quelle conditions (scientifiques, sociales, institutionnelles…) les scientifiques du climat peuvent construire une connaissance robuste dans un cadre cependant largement déterminé par des exigences politiques.

Plusieurs articles analysant les simulations de l’exercice CMIP5 et le rôle de certains facteurs sur la sensibilité ou les changements climatiques ont été publiés ou soumis par les climatologues du LMD. Les chercheurs du CAK ont participé à des colloques sur la modélisation et publié des textes sur les négociations climatiques et les rapports entre science et politique dans ce domaine.

Faut-il faire confiance aux différentes productions sur le changement climatique : modélisation numérique du climat, expertises, prospectives ? Au delà de l’actualité de l’échec de Copenhague et des attaques contre le GIEC, la question de la confiance est centrale dans le problème du changement climatique. Ce projet veut explorer cette question sous divers aspects, en cherchant à expliciter les critères et conditions de sa construction, et à mieux comprendre l’articulation des différents niveaux qui y sont en jeu.

Poursuivant une collaboration entamée il y a plusieurs années, le projet réunit deux équipes, l’une de climatologues du Laboratoire deétéorologie Dynamique (LMD-IPSL) travaillant sur la modélisation du climat, l’étude et l’expertise des changements climatiques, l’autre de chercheurs en sciences sociales du Centre Alexandre Koyré (centre d’histoire des sciences de l’EHESS) qui travaillent depuis une dizaine d’années sur la modélisation, l’expertise du GIEC, les négociations et arènes de la gouvernance climatique (COP), et les débats publics autour du changement climatique.

Nous poserons la question de la confiance à plusieurs niveaux : celui de la confiance des climatologues dans leurs procédures de travail, leurs modèles et leurs simulations ; celui de la confiance mutuelle des climatologues et des autres scientifiques; celui de la fabrication de la confiance dans les rapports entre science et décideurs politiques, vis à vis de l’expertise et de ses diagnostics.

Le projet de recherche portera dans un premier temps sur une analyse à la fois scientifique et épistémologique du rôle particulier de la modélisation numérique du climat dans l'établissement de cette confiance. Il s’agira, dans une étroite collaboration entre les climatologues et les chercheurs en sciences sociales, d’expliciter les critères et procédures d'évaluation du niveau de confiance associé à différents aspects des simulations du changement climatique (compréhension des bases physiques des changements simulés, tests observationnels, robustesse des résultats, comparaisons multi-modèles, etc), et de mettre en évidence les choix fondamentaux des approches méthodologiques. Il s’agira également d’analyser les controverses épistémiques entre différentes communautés scientifiques. Enfin, dans une étude des rapports entre science, expertise et politique, on cherchera à étudier la fabrique de la confiance au sein (et vis-à-vis) de l’expertise du GIEC, et on s’interrogera, au-delà, sur la conception fondamentale des rapports science-politique qui a présidé à la construction du problème depuis vingt ans.

Coordination du projet

Hélène Guillemot (CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE ILE-DE-FRANCE SECTEUR PARIS A) – helene.guillemot@cnrs.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LMD CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE ILE-DE-FRANCE SECTEUR OUEST ET NORD
CAK CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE ILE-DE-FRANCE SECTEUR PARIS A

Aide de l'ANR 428 792 euros
Début et durée du projet scientifique : - 36 Mois

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