Blanc SVSE 7 - Sciences de la vie, de la santé et des écosystèmes : Biodiversité, évolution des écosystèmes, écosystèmes productifs, agronomie

Dynamique évolutive des gènes contrôlant la recombinaison méiotique chez les plantes polyploïdes cultivées – DUPLIC

La boite à outils méiotiques chez les plantes : quand les duplications s’en mêlent

Les gènes de la recombinaison méiotique se sont diversifiés suite à des duplications très anciennes concomitantes à l’apparition des eucaryotes. Nous avons cherché à comprendre si les évènements de polyploïdie (duplication complète du génome) qui ont jalonné l’évolution des angiospermes ont conduit à enrichir encore le répertoire de gènes impliqués dans la recombinaison méiotique.

Deux gènes méiotiques valent-ils mieux qu’un seul ? Prendre en compte la récurrence de la polyploïdie pour prolonger l’apport des plantes modèles

La méiose et la recombinaison méiotique sont essentielles à la reproduction sexuée et permettent le brassage de la diversité génétique. Les efforts ont porté sur l'identification des gènes méiotiques chez des espèces modèles sans pour autant élucider comment cette « boîte à outils méiotiques » a été modelée par les épisodes de polyploïdie (duplication complète des génomes) qui ont marqué l'évolution de toutes les angiospermes. Car si ces duplications peuvent être une source d’innovations génétiques, elles contribuent également à perturber la bonne ségrégation des chromosomes en méiose, causant des pertes de fertilité et des problèmes d’aneuploïdie. Nous avons cherché à comprendre comment évoluent les gènes méiotiques suite à un évènement de polyploïdie ; l’enjeu étant non seulement d’approfondir notre compréhension du contrôle génétique de la recombinaison méiotique chez les plantes, mais aussi d’accélérer son exploitation dans des programmes de sélection.

Mettant à profit la complémentarité des différents partenaires, nous avons développé une approche multidisciplinaire pour déterminer 1) si les copies dupliquées des gènes méiotiques sont préférentiellement conservées ou au contraire éliminées après des épisodes de polyploïdie plus ou moins récents, 2) si celles qui restent dupliquées chez ces dernières sont toutes exprimées et 3) si elles codent alors les mêmes fonctions. Pour ce faire, nous avons analysés la séquence du génome de 14 espèces anciennement polyploïdes (i.e. paléo-polyploïdes) et produit des données de séquence pour deux modèles allo-polyploïdes cultivés récents, le colza et le blé. Sur ces deux espèces, nous avons également mesuré le niveau d’expression et de redondance de fonction (par analyse de mutants) des copies dupliquées. Nous avons enfin étudié la variabilité des différentes copies afin de corréler les variations d’expression à un taux de mutation plus ou moins élevé.

Nous avons montré que le taux de perte de gènes dupliqués par polyploïdie décroît dans le temps et que cette perte est plus marquée pour les gènes méiotiques (en particulier ceux impliqués dans la recombinaison) que pour la moyenne du génome. Des analyses menées sur deux jeunes polyploïdes, le blé et le colza, montrent que cette perte est passive, reflétant la trajectoire attendue lorsqu’il n’y a pas ou peu de pression de sélection s’opposant à l’élimination des copies dupliquées.

Nos résultats peuvent servir de support à la prédiction de la fonction des gènes méiotiques chez de nombreuses espèces végétale ; prédiction fondée à la fois sur la caractérisation fonctionnelle de leur homologue chez une espèce modèle (Arabidopsis, le riz) et sur leur histoire évolutive. Il s’agit là d’un résultat important dans la perspective d’assurer le transfert des connaissances acquises sur une espèce modèle aux espèces cultivées (biologie translationnelle appliquée).

Nos travaux ont été présentés lors de plusieurs conférences nationales et internationales et sont en cours de publication (article soumis). Ils ont contribué à la formation d’étudiants ou de jeunes chercheurs (post-doc) à l’interface entre les Sciences de l’Evolution et les Sciences Agronomiques (cours, stages, etc.). Encore « en devenir », notre production scientifique devrait se concrétiser très prochainement, contribuer à asseoir la visibilité des partenaires de ce projet à l’échelle internationale.

La recombinaison méiotique est un processus clé du développement des organismes sexués, indispensable à la production de gamètes équilibrés et donc à la fertilité et à la pérennité des espèces. Elle représente un enjeu majeur en amélioration des plantes car elle permet, grâce aux crossovers (CO), de brasser la diversité génétique initialement répartie entre individus ou entre espèces. Des efforts considérables ont donc porté sur l'identification des gènes responsables de la formation des CO chez les plantes, utilisant Arabidopsis thaliana, et dans une bien moindre mesure, le riz ou le maïs comme modèles. Notre compréhension de l'architecture génétique contrôlant la recombinaison méiotique reste néanmoins incomplète et il nous reste à élucider comment elle a été modelée par les épisodes successifs de polyploïdie (duplication complète des génomes) qui ont jalonné l'évolution de toutes les angiospermes. Ainsi, on ne sait pas de façon claire si les copies dupliquées des gènes de recombinaison sont préférentiellement conservées ou au contraire éliminées, si elles restent toutes fonctionnelles, ni si elles codent les mêmes fonctions. Car si les gènes responsables de la formation des CO se sont d'abord diversifiés suite à des duplications très anciennes, ils semblent être ensuite devenus "résistants aux duplications", revenant de façon itérative sous forme de copie unique dans les génomes anciennement polyploïdes d’Arabidopsis ou du riz. Il y a là une apparente contradiction qui mérite d'être étudiée en détail, compte tenu de la prépondérance de la polyploïdie chez les végétaux.
Notre projet vise à comprendre comment évoluent les gènes contrôlant la recombinaison méiotique suite à des évènements de polyploïdie. Nous chercherons notamment à découvrir si l'élimination préférentielle des copies dupliquées de gènes de recombinaison est une réponse générale, donc prédictible chez les polyploïdes ou au contraire si la polyploïdie peut être une source d'innovations génétiques dans le contrôle de la recombinaison méiotique. Pour cela, nous analyserons dans un premier temps les niveaux de rétention et/ou d'élimination des copies dupliquées de 18 gènes responsables de la formation des CO chez deux espèces polyploïdes récentes (environ 10 000 ans) d'intérêt économique, le blé (Triticum aestivum) et le colza (Brassica napus). Dans un second temps, et après avoir obtenu la séquence complète de chaque copie de chaque gène, nous chercherons à comprendre, pour un sous-ensemble de 7-8 d’entre eux, si les copies héritées des espèces parentales du blé et du colza sont toutes exprimées et fonctionnelles. Cette étude nous amènera à définir un nouveau sous-ensemble de 3-4 gènes dont nous étudierons la fonction plus en détail, en recherchant et en phénotypant des mutants pour définir si les copies dupliquées présentent toujours des fonctions redondantes ou si au contraire elles se sont diversifiées. Dans le cas où des mutants ne seraient pas identifiés, ceux-ci seront créés par transgénèse (extinction de fonction par RNAi). Enfin, nous analyserons les niveaux de diversité nucléotidique et les patrons d'évolution moléculaire des copies de 7-8 gènes au sein de collections de variétés élites ou anciennes.
Notre approche, intégrée et multi-système, permettra de mieux définir « la boîte à outils méiotique » commune aux deux espèces, et au-delà peut être de déterminer s'il existe des principes généraux gouvernant l'évolution des gènes de la recombinaison méiotique chez des espèces polyploïdes. Il permettra donc d’approfondir notre compréhension du contrôle génétique de la recombinaison méiotique chez les plantes et d’accélérer son exploitation dans des programmes de sélection.

Coordination du projet

Eric Jenczewski (INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE - CENTRE DE RECHERCHE DE VERSAILLES GRIGNON) – eric.jenczewski@inrae.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

INRA IJPB INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE - CENTRE DE RECHERCHE DE VERSAILLES GRIGNON
INRA GDEC INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE - CENTRE DE RECHERCHE DE CLERMONT FERRAND THEIX
INRA CNRGV INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE -CENTRE DE RECHERCHE DE TOULOUSE

Aide de l'ANR 380 000 euros
Début et durée du projet scientifique : - 36 Mois

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