L'épidémie cachée : une réponse internationale aux lésions cérébrales liées à la violence conjugale – BELIEVE-FR
Les données internationales sur la prévalence des lésions cérébrales (LC) causées par la violence conjugale (VC) sont rares et, en France, elles sont inexistantes. Un échantillon américain de victimes de VC physique révèle que 74 % ont subi au moins une LC et 50% de multiples LC. Sachant qu'une femme sur trois en Europe a subi une VC physique, il est alarmant de constater que la prévalence épidémiologique et les effets des LC sur la santé neuropsychologique des femmes restent presque entièrement inconnus. Contrairement à d’autres populations avec LC, les LC liées aux VC (LC-VC) sont souvent répétitives et combinées à des psychopathologies comorbides (e.g. trouble de stress post-traumatique [TSPT]). Concernant les LC répétitives, les recherches menées sur les joueurs de football américains démontrent un effet dose-réponse, où les dommages accumulés mènent à une fonction cognitive inférieure. La majorité de la recherche sur les LC chroniques a été menée sur les athlètes masculins, qui tendent à être relativement en bonne santé avec peu de comorbidités. Le TSPT chez les survivantes de VC (présent chez 57 % d’entre elles) est lié à un fonctionnement cognitif altéré. Bien que la population militaire souffre également de LC et de comorbidités psychopathologiques, la nature des LC entre les survivantes de VC et les anciens combattants est distincte. Le personnel militaire subit souvent des blessures par explosion plutôt que des coups directs à la tête et d’étranglement (causant une hypoxie cérébrale). Un nombre croissant de preuves montrent qu’explosion et violences contondantes entraînent des résultats neuropsychologiques différents. Des recherches sont donc nécessaires pour mieux comprendre comment les mécanismes spécifiques des LC-VC en conjonction avec les comorbidités expliquent l’altération du fonctionnement cognitif. Une des raisons susceptibles d’expliquer cet état de fait est le manque d'outils d'évaluation spécifiques pour les LC et les séquelles liées à la VC. BELIEVE-FR vise à répondre à cette problématique à travers la validation d'une batterie neuropsychologique gratuite et informatisée en France, en Français et en Arabe pour les survivantes de VC : la Batterie Believe (BB). Premièrement, le BB sera adapté au contexte français avec l’aide d’experts en neuropsychologie interculturelle et de la European Commission for Cross-Cultural Neuropsychology (Étude 1). En collaboration avec la Maison des Femmes, des données multicentriques seront recueillies dans trois régions de France sur la prévalence des LC-VC (N = 719 ; Étude 2). À l’aide du BB, nous analyserons l’impact cognitif des LC-VC, en tenant compte de la chronicité/gravité/recense des différents types de LC (Étude 3). En collaboration avec des partenaires internationaux, la première comparaison interculturelle des corrélats neurocognitifs des LC-VC sera effectuée (Études 4,10). Le BB sera aussi soumis à des tests psychométriques pour une validation convergente, écologique, interculturelle et clinique (N = 794 ; Études 7, 8, 9). Malgré l’omniprésence apparente des LC-VC, très peu de femmes demandent de l’aide (21 %). Bien qu’il ait été démontré que les altérations cognitives influent sur l’efficacité des femmes à obtenir de l’aide, on en sait peu sur leur contribution relative comparativement à d’autres variables modulatrices. Nous appliquerons donc la Modélisation des Équations Structurelles pour examiner la contribution relative des altérations cognitives et des variables psychosocioéconomiques sur la recherche d’aide (Étude 5). Des données qualitatives seront également recueillies en collaboration avec la Harvard Medical School et la Massey University afin de mieux comprendre les mesures de soutien qui auraient pu leur être utiles (étude 6). Ce projet ambitieux mais réalisable a la capacité de faire progresser la neuropsychologie appliquée aux LC-VC et d'offrir une pratique utile et factuelle aux survivantes.
Coordination du projet
Julia DAUGHERTY (LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE SOCIALE ET COGNITIVE)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenariat
TBI Network at the Auckland University of Technology
The Mind, Brain and Behavior Research Center, University of Granada
LPC Laboratoire de psychologie cognitive
Roger Sperry Laboratory, University of North Carolina Wilmington
Harvard Medical School
LAPSCO LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE SOCIALE ET COGNITIVE
University of Bethlehem
SUNY State University of New York
Aide de l'ANR 391 194 euros
Début et durée du projet scientifique :
mars 2024
- 48 Mois