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Rétablissement du Soi : une perspective phénoménologique sur la schizophrénie – SelfRecovery

Le rétablissement de soi : une perspective phénoménologique de l'expérience schizophrénique

Le projet vise à approfondir la compréhension de l’expérience vécue dans la schizophrénie et à modéliser conceptuellement le rétablissement. Il mobilise une approche interdisciplinaire entre psychiatrie clinique, psychologie, anthropologie et phénoménologie. Ce projet explore l'expérience de soi (ipseité) comme clé de lecture des troubles du spectre schizophrénique et leur rétablissement, en intégrant des données qualitatives et philosophie théorique.

Concevoir un cadre conceptuel et phénoménologique capable d’intégrer les différentes descriptions de l’expérience du rétablissement des troubles du spectre schizophrénique (TSS).

La recherche proposée poursuit deux objectifs principaux :<br /><br />Le premier objectif est de concevoir un cadre conceptuel capable d’intégrer les différentes descriptions de ce que signifie se rétablir des Troubles du Spectre de la Schizophrénie (TSS), des processus impliqués dans ce rétablissement et de leurs conditions de possibilité.<br /><br />Le second objectif vise à élaborer une description phénoménologique non normative de la genèse de l’ipseité, capable de rendre compte de l’expérience dynamique du soi en conditions ordinaires et pathologiques. Cette description doit intégrer différents niveaux de l’expérience du soi (minimal, incarné, narratif) dans une approche génétique et stratifiée de l’ipseité.<br /><br />L’hypothèse principale de cette recherche est que les processus de rétablissement dans les TSS et la genèse de l’ipseité présentent des structures expérientielles communes.<br /><br />Cette hypothèse implique les points suivants :<br /> • Le cadre phénoménologique permet de se concentrer sur la dimension expérientielle du rétablissement dans une perspective non normative.<br /> • Dans la mesure où les troubles du soi sont reconnus comme une altération de l’expérience des personnes vivant avec des TSS, nous supposons que le rétablissement entraîne une réorganisation de l’expérience de soi, qu’il nous faudra explorer.<br /> • La phénoménologie, en tant qu’outil épistémologique, permet un dialogue entre un niveau descriptif (analyse phénoménologique), des disciplines telles que la psychiatrie, la psychopathologie et l’ethnographie, ainsi que l’expérience des personnes vivant avec des TSS.

Approches théoriques, empiriques et participatives du rétablissement de soi dans les troubles du spectre schizophrénique (TSS)

Axe 1 – Phénoménologie théorique

Ce projet développe un cadre conceptuel intégrant différentes descriptions du rétablissement de soi dans les TSS, en s’appuyant sur trois approches phénoménologiques : statique (analyse du vécu du rétablissement), génétique (étude des processus de formation et de fragilisation de l’ipseité) et générative (exploration des conditions intersubjectives du maintien du soi). L’étude examinera les troubles de l’ipseité à travers l’imagination, l’affectivité et l’incarnation, et analysera comment la confiance en soi et en l’environnement peut être restaurée par des dispositifs sociaux et thérapeutiques.

Axe 2 – Recherche qualitative sur le rétablissement de soi

L’approche empirique repose sur des méthodes qualitatives pour examiner l’expérience personnelle de l’ipseité et les conditions matérielles du rétablissement. En lien avec la distinction entre phénoménologie statique, génétique et générative (voir Axe 1), cette recherche explorera : (1) le vécu subjectif du rétablissement, (2) ses processus dynamiques, et (3) les conditions institutionnelles et sociales qui le soutiennent.

Une approche participative garantit l’implication directe des personnes concernées grâce à un chercheur pair. Les participants seront recrutés à l’Immanuel Klinik de Rüdersdorf, dans les réseaux de soutien par les pairs en Allemagne (Ex-In Deutschland), ainsi qu’au Centre Hospitalier Universitaire de Toulouse et dans les Groupes d’Entraide Mutuelle (GEM) de Toulouse.

Axe 3 – Coordination scientifique interdisciplinaire et participative

Cet axe est le plus grand défi scientifique du projet, impliquant la collaboration entre chercheurs professionnels et chercheurs pairs. Un risque majeur est l’appropriation de l’expérience des personnes vivant avec un TSS par les chercheurs académiques (psychiatres, psychologues, philosophes), qui pourraient élaborer des modèles de trouble et de rétablissement sans réelle participation des premiers concernés, menant à une injustice épistémique (Drozdzowicz, 2020).

L’étude intègre plusieurs récits du rétablissement : perspectives philosophiques, récits en troisième personne de soignants et récits en première et troisième personne de chercheurs pairs. Ces différentes voix sont considérées comme également valides pour comprendre le rétablissement de soi.

Le défi est d’organiser un dialogue productif respectant la diversité des perspectives sans asymétrie. Le projet cherche à éviter à la fois une hégémonie épistémologique et un relativisme pur, en adoptant une approche perspectiviste fondée sur une herméneutique du dialogue. Inspirée de l’anthropologie culturelle, cette démarche comparative analysera ces récits pour mieux comprendre le vécu du rétablissement.

Résultats préliminaires :
Nos recherches préliminaires confirment que les personnes vivant avec un trouble du spectre de la schizophrénie peuvent connaître un expérience de rétablissement, impliquant une transformation de leur rapport à la maladie dans une dynamique de mieux-être, bien que parfois la maladie reste présente et les symptômes invalidants. Ce constat remet en question l’idée d’une condamnation liée au diagnostic, souvent associé à un mauvais pronostic de la schizophrénie. Au contraire, la littérature et nos résultats montrent que le rétablissement est un processus singulier, jalonné de rechutes et de difficultés, et qu’il se définit comme un parcours de vie plutôt que comme la seule évolution d’une maladie.

Initialement, nous pensions que le rétablissement impliquait surtout le soi personnel et les récits structurant l’identité. Or, nos entretiens qualitatifs ont révélé que les personnes concernées insistent sur l’importance des dimensions collectives et sociales dans leur expérience de rétablissement. Contrairement aux approches dominantes, ce processus n’est pas seulement individuel : il repose sur un environnement social soutenant, qui favorise le lien et la subjectivation.

Pour étudier le rétablissement expérientiel, une recherche participative s’impose. Les personnes concernées possèdent une expertise issue de leur vécu. Nous avons ainsi intégré deux chercheuses pairs en France et en Allemagne, recrutées pour leur connaissance « de l’intérieur ». Leur contribution permet de mieux définir l’objet d’étude, d’interroger les préjugés académiques et d’enrichir la confrontation des perspectives.

Toutefois, organiser une recherche participative demande des ajustements afin d’éviter les injustices sociales et épistémiques au sein de l’équipe. Nous veillons à instaurer une dynamique horizontale et respectueuse, au service de la construction du savoir. En ce sens, notre recherche est performative : elle interroge le rétablissement de la schizophrénie à travers son propre fonctionnement collaboratif et pluridisciplinaire.

Résultats attendus et perspectives :
• Créer un modèle intégratif du rétablissement expérientiel dans les troubles du spectre schizophrénique (TSS), basé sur un dialogue entre les usagers des services de santé mentale, les professionnels de la santé mentale et les acteurs du champ social.
• Identifier les facteurs (individuels, collectifs et/ou institutionnels) pouvant être des leviers du rétablissement et susceptibles d’orienter des politiques de santé publique ciblées.
• Renforcer le dialogue translationnel entre les sciences cliniques, les sciences sociales et la philosophie théorique, notamment dans le domaine en expansion des pratiques axées sur le rétablissement.
• Contribuer à l’autonomisation des usagers des services de santé mentale dans la recherche en psychiatrie et dans la construction de récits scientifiques et philosophiques les concernant.
• Structurer un pôle d’excellence interdisciplinaire européen dédié à la recherche sur les pratiques de rétablissement dans la schizophrénie.

Ouvrages :

Gozé, T. (2024). Phénoménologie et schizophrénie : Recherches pour une anthropologie du contact (Préface de I. Fazakas). Paris : Éditions Hermann.

Gozé, T., Englebert, J., Amadei, F., & Wykretowicz, H. (Eds.). (2025). Phénoménologie du soin. Paris : Hermann.

Articles de revue à comité de lecture :

Fazakas, I., Thoma, S., Bois, M., & Gozé, T. (Under review). Shaun Gallagher’s Pattern Theory of Self: A Critical Review from a Transcendental Standpoint. Philosophical Psychology.

Thoma, S., et al. (Under review). In need for revision. Why traditional phenomenological single case studies are not a recommendable role model. Phenomenology and the Cognitive Sciences.

Fazakas, I., Bois, M., & Gozé, T. (2024). Giving thickness to the minimal self: Coenesthetic depth and the materiality of consciousness. Phenomenology and the Cognitive Sciences. doi.org/10.1007/s11097-023-09951-w

Gozé, T., & Fazakas, I. (2024). Anthropologie phénoménologique et psychiatrie. Encyclopédie Médico-Chirurgicale.

Fazakas, I. (2025). Depersonalization, alienation, and depresentation in Husserl and beyond. Husserl Studies. doi.org/10.1007/s10743-024-09355-x

Scholz, T., & Thoma, S. (2024). Book review: Marie Koenig, Le rétablissement dans la schizophrénie. Sozialpsychiatrische Informationen, 4.

Fazakas, I. (2024). Bachelard et la matière des rêveries. Annales de phénoménologie – Nouvelle Série, 22, 35-71.

Fazakas, I. (2024). The flesh of stories of pain and suffering: Towards a hermeneutics of the ante-predicative. Ricoeur Studies, 15(2). doi.org/10.5195/errs.2024.674

Chapitres de livre

Gozé, T. (2024). Anomalies du Minimal Self et les voies d’une psychothérapie minimale des schizophrénies. In P. Cabestan & A. Urfer-Parnas (Eds.), Phénoménologie de la schizophrénie - Hommage à Josef Parnas (pp. xx-xx). Paris : Éditions du Cercle Herméneutique.

Popa, D., & Fazakas, I. (2024). Tengelyi, László (1954–2014). In N. de Warren & T. Toadvine (Eds.), Encyclopedia of Phenomenology. Springer, Cham. doi.org/10.1007/978-3-030-47253-5_447-1

Le projet vise à l'étude du processus de rétablissement dans les troubles du spectre de la schizophrénie (TSS). L'objectif de la recherche est de concevoir un cadre conceptuel capable de décrire l'expérience vécu du rétablissement, les processus phénoménologiques en jeu dans et leurs conditions de possibilité. Depuis une perspective phénoménologique la question du rétablissement expérientiel est liée à la notion centrale du Self. En effet, il a été avancé que les TSS peuvent être phénoménologiquement décrits comme des troubles de l’expérience de soi ou des perturbations de l'ipseité. Les aspects les plus centraux de ces perturbations se manifestent par une diminution de l'auto-affection, une hyperréflexivité et une perte de l'emprise du sujet sur le monde et sur sa propre expérience. La phénoménologie du rétablissement va s’intéresser à la manière dont le Self va pouvoir rétablir sa prise sur le monde et sur sa propre expérience. Comment décrire comment cela fait de se rétablir en tant que membre de la société, de se réapproprier et de reformuler sa propre identité afin d'habiter le monde à nouveau ? Le présent projet propose de chercher des réponses à ces question depuis la perspective des personnes concernées. La méthodologie de ce projet interdisciplinaire sera double. D'une part, nous mènerons une analyse phénoménologique de type philosophique qui nous permettra d'identifier les concepts opératoires de la littérature scientifique et philosophique qui nous permettent de décrire l'ipséité et ses processus constitutifs. D'autre part, nous mènerons plusieurs enquêtes qualitatives pour explorer la manière singulière de se rétablir. Nous utiliserons des méthodes d'entretiens qualitatifs inspirées de la phénoménologie (IPA, IPSE, PGQR) et des méthodes issues de l'anthropologie culturelle (go along, focus group). Il s'agira d’abord de décrire ce que cela fait de vivre avec un soi perturbé et ce que cela fait de s’en rétablir (analyse phénoménologique statique). La deuxième étape se concentre sur les processus en jeu dans les perturbations du soi et dans le rétablissement en saisissant ces expériences dans leur déroulement temporel. La description de ces processus fait appel à une approche génétique en phénoménologie. Enfin, la troisième étape thématise les structures pré ou a-subjectives qui rendent possible le rétablissement de l’ipseité. Cette étape se concentre sur le contexte intersubjectif, narratif et institutionnel qui fonctionne comme un support transcendantal pour l'émergence et les institutions de l'ipséité (analyse phénoménologique générative). Avec cette triple approche, nous chercherons à étudier les processus en jeu dans le rétablissement en les comparant à ceux en fonction dans l'ontogenèse du soi et des institutions de ses identités narratives, imaginatives et sociales. Nous espérons par là faire émerger, de manière inductive, des stratégies innovantes qui pourront ensuite être transférées dans les protocoles de soin.

Coordination du projet

Tudi Gozé (EQUIPE DE RECHERCHE SUR LES RATIONALITES PHILOSOPHIQUES ET LES SAVOIRS)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenariat

BUW Institut für Transzendentalphilosophie und Phänomenologie, Bergischen Universität Wuppertal
ERRAPHIS EQUIPE DE RECHERCHE SUR LES RATIONALITES PHILOSOPHIQUES ET LES SAVOIRS

Aide de l'ANR 339 789 euros
Début et durée du projet scientifique : octobre 2023 - 36 Mois

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