L’appariement inégal entre élèves et écoles – MATCHINEQ
L’appariement inégal entre élèves et écoles
Ce projet ANR étudie l’impact inégal des mécanismes d’affectation scolaire, mis en place dans de nombreux pays pour accroître la liberté de choix. Ces politiques peuvent creuser les inégalités. Nous analysons ces effets et les réponses possibles dans trois contextes : le choix scolaire au Chili, l’affectation centralisée à l’université en France et l’affectation décentralisée au Canada.
Préoccupations distributives dans les systèmes d’affectation en éducation et solutions potentielles pour les élèves défavorisés.
La majorité de la littérature en économie s’est concentrée sur la conception de mécanismes centralisés, prenant en compte les classements des élèves entre différentes alternatives et les capacités d’accueil disponibles dans les établissements. L’objectif principal était d’évaluer dans quelle mesure les préférences correspondaient aux affectations et de proposer des mécanismes alternatifs susceptibles d’améliorer cette adéquation. Ce projet a déplacé l’attention vers l’impact de ces mécanismes sur les résultats éducatifs et les inégalités entre groupes sociaux.<br />Ce projet ANR a étudié les effets inégaux des mécanismes d’affectation des élèves aux établissements scolaires. De nombreux pays ont mis en place des politiques visant à accroître la liberté de choix, donnant lieu à des mécanismes attribuant les élèves à certaines écoles. Une préoccupation majeure est que les bénéfices de ces choix ne soient pas répartis de manière équitable. Nous étudions ces enjeux et les solutions possibles dans trois contextes différents.<br />Au Chili, le libre choix de l’école joue un rôle central dans le système éducatif public, les parents étant libres de choisir l’école de leur enfant, tandis que les établissements sont financés par un bon gouvernemental par élève. Ce système a été réformé à plusieurs reprises, affectant à la fois les caractéristiques des écoles et les règles d’affectation. Nous analysons comment les caractéristiques des établissements ont évolué dans le temps, notamment en réponse à des changements importants dans la structure des subventions publiques, et comment ces évolutions ont influencé les résultats aux tests. Nous étudions également les changements dans le mécanisme d’affectation lui-même. Ces deux réformes visaient à améliorer l’accès des enfants issus de milieux défavorisés.<br />En France, nous étudions l’impact d’un mécanisme centralisé d’affectation à l’université, dans lequel les élèves peuvent bénéficier en attendant une meilleure offre. Or, les coûts et les bénéfices de cette attente diffèrent selon le milieu socio-économique des élèves, ce qui peut engendrer des inégalités d’accès.<br />Au Canada, nous analysons l’effet des pairs du lycée sur les décisions de candidature dans un système décentralisé, où le processus de candidature est coûteux, ce qui peut renforcer les inégalités liées au statut socio-économique.
Dans l’ensemble des projets, nous utilisons les méthodes les plus avancées en modélisation structurelle, en combinant la théorie économique avec des bases de données riches sur les choix, les résultats et les caractéristiques des élèves et des établissements.
Au Chili, les données administratives nous permettent d’observer les écoles choisies par les parents ainsi que la manière dont ils les classent entre elles. Nous disposons également d’informations détaillées sur les caractéristiques des établissements, telles que l’expérience moyenne des enseignants ou la taille des classes. Nous combinons ces données avec de nouveaux estimateurs que nous développons pour les fonctions de production éducative et les modèles de choix, afin d’évaluer l’efficacité des caractéristiques des écoles et d’identifier comment améliorer les systèmes d’affectation.
En France, nous nous concentrons sur le processus de décision dynamique des élèves. Nous observons comment les étudiants classent les formations universitaires, mais nous modélisons également les facteurs qui les amènent à attendre une meilleure offre dans le cadre d’un mécanisme d’affectation en plusieurs tours. Cela nous permet ensuite d’évaluer les coûts et bénéfices associés à ce système.
Enfin, les données canadiennes nous permettent de retracer les formations auxquelles les étudiants postulent, mais aussi leur parcours scolaire au lycée, incluant les classes fréquentées et les notes obtenues. Cela nous permet de construire des groupes de pairs et d’analyser comment ces derniers influencent les décisions de candidature à l’université.
Projet 1 (Chili) : Choix scolaire, qualité éducative et inégalités
Ce projet s’intéresse au rôle du libre choix de l’école dans le système éducatif chilien et à ses implications sur la qualité de l’enseignement et les inégalités.
Dans un premier article, les auteurs développent une nouvelle fonction de production éducative et montrent que la taille des classes réduit significativement les résultats aux tests en moyenne, mais que l’ampleur de cet effet varie fortement d’une école à l’autre. Ils identifient également des effets importants des ressources financières, mais peu d’effets de l’expérience des enseignants.
Dans un second article, les auteurs étudient une réforme visant à améliorer l’accès à l’école pour les élèves défavorisés. Ils constatent que son impact sur la ségrégation et l’accès à des écoles de qualité reste limité, principalement parce que les familles ont soumis trop peu de choix d’écoles. Des simulations montrent que le potentiel de la réforme pourrait être bien plus important si les élèves classaient davantage d’écoles et si les quotas pour les élèves défavorisés étaient étendus.
Projet 2 (France) : Affectation centralisée à l’université
Les admissions dans l’enseignement supérieur en France s’effectuent en plusieurs tours. Si les élèves perçoivent l’attente comme un coût, celle-ci permet néanmoins d’améliorer l’adéquation entre préférences et affectations. Nos résultats montrent que les gains nets sont substantiels. Bien qu’ils soient plus faibles pour les élèves issus de milieux socio-économiques défavorisés, ces derniers bénéficient eux aussi de gains importants en bien-être et en réussite éducative.
Projet 3 (Canada) : Effets de pairs dans les choix de candidature à l’université
Ce projet examine comment les pairs influencent les choix de candidature à l’université et comment cela contribue aux écarts de comportement entre élèves favorisés et défavorisés.
Les résultats montrent que les choix de candidature sont fortement influencés par les pairs, que ce soit à l’échelle de l’établissement ou du quartier. Les élèves favorisés ont tendance à évoluer dans un environnement où les pairs postulent à des programmes plus sélectifs, ce qui contribue à expliquer pourquoi les élèves défavorisés ne postulent pas à des formations qui pourraient pourtant leur être bénéfiques.
Ce projet s’est concentré sur la manière d’améliorer l’appariement des élèves — en particulier les plus défavorisés — aux programmes éducatifs existants. Mais il reste beaucoup à faire concernant la provision optimale des programmes et des choix disponibles.
Les choix individuels ne coïncident pas toujours avec les objectifs de la société, en raison d’externalités. Au-delà des externalités financières, inévitables dans des systèmes éducatifs subventionnés, les effets de pairs jouent un rôle central : la composition des élèves au sein d’un programme influence directement sa qualité. De plus, du point de vue individuel, il est souvent difficile de faire le «bon« choix : les biais comportementaux — ou internalités — sont fréquents.
Ainsi, les choix sont souvent restreints. Des dispositifs comme les bons ciblés permettent à certains groupes d’accéder à des établissements, mais au détriment d’autres. L’admission à l’université empêche également un accès totalement libre. Pourtant, les décideurs publics disposent de peu de repères sur la taille et la composition optimales des différentes options éducatives. Quel est le bon équilibre entre liberté de choix, mérite académique et exigences de mixité sociale dans l’affectation scolaire ? Les places dans les formations universitaires sont-elles fournies de manière optimale au regard des besoins de la société ? Comment inciter les étudiants à faire des choix plus alignés avec l’intérêt collectif ?
Ces questions sont à l’origine du projet ERC Starting Grant obtenu par le porteur du projet ANR, qui prend désormais le relais. Dans ce nouveau projet, lui et son équipe visent à développer une méthodologie permettant d’analyser empiriquement la provision optimale de choix, à l’aide de modèles dynamiques de choix discrets intégrant les externalités et internalités. L’objectif est d’appliquer cette méthodologie à des contextes et données similaires, afin de faire progresser cette recherche vers un impact plus large — tant sur le plan scientifique que sur le plan des politiques publiques.
3 TSE working papers:
De Groote, O. and Gazmuri A., “School choice and class-size effects: Unintended consequences of a targeted voucher program”, TSE working paper, n. 1526, April 2024.
De Groote, O. and Rho, M., “Matching disadvantaged children to daycare: Evidence from a centralized platform”, TSE working paper, n. 1600, December 2024.
Fabre, A., “Robustness of Two-Way Fixed Effects Estimators to Heterogeneous Treatment Effects”, TSE Working Paper, June 2023.
4 manuscrits non publié:
Fabre, A., “The Geography of Higher Education and Spatial Inequalities”, December 2023.
De Groote, O., Fabre, A., Luflade, M., Maurel, A., “Sequential College Admission Mechanisms and Off-Platform Options”, June 2025.
Gazmuri, A., Prager, E., “Peer Learning in College Applications”, December 2024.
Botbol, L., Gazmuri, A., “Effects of centralizing school admissions on education equality”.
2 travail en cours:
Pal, J. “Optimal Policy Design for Teacher Recruitment”
Foucault, G. and Pal, J. “Effort Choices and Funding Instruments in Higher Education”
Les participants à ces projets ont également présenté ce travail lors de dizaines de séminaires et conférences, détaillés dans les remerciements des articles. Cela inclut des séminaires de département dans des institutions économiques de premier plan telles que Duke University et l’Université de Pennsylvanie, ainsi que des conférences sélectives et le RESTud tour, destiné aux meilleurs candidats du marché du travail en Europe.
Bien que certains articles aient été directement ciblés par le projet ANR, l’expérience acquise avec les données, le contexte et le sujet a également nourri l’inspiration des chercheurs impliqués, conduisant à une importante production scientifique.
Les programmes de choix d'école permettent aux élèves (et à leurs parents) de choisir l'école de leur choix dans le but d'améliorer l'accès à une éducation de haute qualité. Les capacités scolaires étant limitées, il n'est pas possible d'affecter chaque élève à son choix préféré. Il est donc important de définir un mécanisme d'affectation des étudiants. Il y a peu d’évaluation de l'impact de ces mécanismes sur l'égalité d'accès à une éducation de qualité. La manière dont elles sont mises en œuvre pourrait nuire aux groupes socialement défavorisés pour plusieurs raisons. Par exemple, cela pourrait réduire les options disponibles pour les élèves défavorisés si les écoles sont en mesure de sélectionner les élèves. De plus, la désinformation sur les règles ou les ressources limitées pour candidater et pour attendre les meilleures options pourraient nuire de manière disproportionnée aux étudiants issus de milieux socio-économiques défavorisés. Ces caractéristiques sont fréquemment présentées dans de nombreux contextes de choix d'écoles sans une compréhension claire des conséquences en termes de résultats scolaires et d'inégalité. Notre équipe propose un projet dans lequel nous analyserons des programmes d'éducation qui visent à améliorer les résultats parmi les personnes socialement défavorisées. Nous étudierons comment les caractéristiques du système d'allocation impactent les résultats scolaires pour différents groupes socio-économiques à la fois dans l'enseignement obligatoire et supérieur. Nous utiliserons et étendrons des modèles économétriques structurels pour étudier le comportement des élèves, ce qui nous permettra d'étudier des déterminants de l'inégalité sociale et de simuler les résultats dans le cadre de politiques d'appariement alternatives.
Coordination du projet
Olivier De Groote (Fondation Jean-Jacques Laffont / TSE)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenariat
Fondation Jean-Jacques Laffont / TSE
Aide de l'ANR 249 225 euros
Début et durée du projet scientifique :
septembre 2022
- 48 Mois