Zones grises et Territoires: Transformations du travail et figure émergente du travailleur de plateforme – une comparaison France-Brésil – REGREYZandCo
Ce projet s’inscrit dans des thématiques développées par des chercheurs ayant une grande expérience de collaboration. En partant d'un objet empirique circonscrit dans les deux contextes nationaux – les chauffeurs et livreurs dont le travail est intermédié par des plateformes numériques, leurs conditions de travail et de vie et leur inscription dans le territoire local – nous interrogeons les formes classiques de précarité et d’informalité. Nous questionnerons la régulation de cette figure émergente sur le marché du travail, en mobilisant l'approche heuristique des zones grises, qui se rapportent à des tensions à l’origine de dynamiques alternatives plus ou moins stables, plus ou moins structurantes, dont on ignore a priori la durée et l’ampleur. Cette indétermination est à l’origine de l’institutionnalisation de nouvelles normes. Notre recherche mettra la focale sur le halo de formes de travail, de normes et de pratiques autour de cet objet empirique mouvant et opérant dans des contextes socio-politiques contrastés. Ces dynamiques éclairent les transformations du travail, dans leurs différentes articulations aux politiques sociales, aux institutions régulatrices et aux pratiques des travailleurs. Par cette démarche méthodologique, nous dévoilerons l’homogénéité transversale de ces processus en portant notre regard sur les conditions de travail – liées au travail via les plateformes mais aussi à la poly-activité pour certains. Pour ce faire, nous nous pencherons sur les conditions de vie (habitat, mobilités etc.) de ces travailleurs, sans perdre de vue le contexte dans lequel ils exercent leur activité mais aussi comment celle-ci structure les circuits urbains entre lesquels ils naviguent. Ainsi, examiner l’action des parties prenantes (institutions, organisations, syndicats, associations, coopératives, avocats, experts, universitaires) constitue un axe central de Regreyz&Co dans la mesure où elle traduit la dynamique et la rapidité des transformations, surtout en période de crise sanitaire.
Ces différentes ramifications de l'objet central révèlent les négociations permanentes autour du déplacement des frontières de ces différentes catégories de l'action. Elles sont reliées par les transformations des représentations et des statuts ou par des pratiques. Cette opération de méthode repose sur une approche socio-historique dans la mesure où elle pose les éléments des contextes brésilien et français, mais elle ne s’y limite pas en raison du caractère actuel d’apparition de phénomènes qui ont un impact direct sur le travail et dont on ne présageait pas leur apparition (notamment la place qu’occuperaient les plateformes en temps de Covid-19) au début de l’année 2020. Les transformations dans la législation du travail dans les deux contextes nationaux étaient l’aboutissement de tendances déjà présentes depuis les années 1980 – les lois El Khomri (2016) et de régulation de la mobilité urbaine et les ordonnances Macron (2017) en France ; la réforme du marché du travail au Brésil (2017). Les conséquences sur le marché du travail de ces réformes sont reliées à son positionnement en faveur des plateformes et à l’ouverture à de nouveaux secteurs de transport au Brésil et en France. L’État participe de la production d’une zone grise qui accélère la déconstruction de l’État-providence, au point de se trouver, par moment, dépassé par les processus en cours. L’étude des acteurs de résistance en même temps que de renouveau, autour des frontières des droits disputés mais également dans le déplacement vers de nouveaux espaces où se joue l’ascendance des figures émergentes, permet de dresser un portrait à la fois holistique et dynamique de la recodification du travail et des zones grises qui l’accompagnent. Il permet aussi de dégager de nouvelles catégories conceptuelles et typologiques comparatives, tout en mettant en valeur les phénomènes qui y échappent, ce qui participe à son tour de la constitution de zones grises potentiellement pérennes.
Coordination du projet
Christian AZAIS (Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
SAGEMM Universidade de São Paulo (USP) / Social activities, gender, markets and mobilitiesfrom below – Latin America (SAGEMM)
LISE Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique
Aide de l'ANR 195 892 euros
Début et durée du projet scientifique :
January 2022
- 36 Mois