Stockage des grains en silos souterrains à l'époque pré-indutrielle : apprendre de l'archéologie expérimentale et de la biologie – SilArchaeoBio

Le stockage des céréales dans des silos souterrains hermétiques a probablement été pratiqué depuis le début du Néolithique jusqu'à très récemment dans certaines communautés à travers le monde. Pendant des milliers d'années, le silo souterrain a pu constituer un aménagement essentiel pour la vie et la survie des populations, avec un enjeu économique indéniable. Ces silos souterrains et les pratiques liées à sa construction et à son utilisation constituent aujourd'hui un patrimoine matériel et immatériel menacé ou disparu.
Les données historiques, archéologiques et ethnographiques ne permettent cependant pas d'éclairer complètement les pratiques d'ensilage souterrain à travers les âges. Les dernières fouilles archéologiques des grandes aires d'ensilage ont permis de compter les fosses, de caractériser leur forme et leur volume, de réfléchir à la chronologie et à l'organisation d'une aire d'ensilage groupée, mais pas de connaître le savoir-faire paysan et la qualité de la conservation des aliments dans les silos souterrains. Les communautés paysannes ont dû résoudre durablement les différents problèmes liés à ce mode de stockage des grains : attaques de ravageurs, humidité, échauffement des grains, alors que l'agriculture moderne utilise des silos aérés, refroidis et protégés par divers moyens chimiques, consommateurs d'énergie. Dans le projet pluridisciplinaire SilAchaeoBio, nous développons une approche d'archéologie expérimentale en recréant 13 fosses sur deux sites et en pratiquant le stockage des grains à court et long terme dans ces fosses étanches équipées d'enregistreurs des conditions climatiques intérieures. Différentes options techniques sont expérimentées et la qualité des grains est évaluée par l'acquisition de données biologiques à l'aide de méthodes d'analyse modernes. Les données recueillies fournissent des informations sur la durée de vie d'un silo et la durée du stockage souterrain garantissant les propriétés germinatives, la qualité et la sécurité alimentaire des grains stockés. Les enseignements de l'archéologie expérimentale conduisent à une nouvelle mise en lumière des analyses documentaires archéologiques, historiques, agronomiques pour produire de nouvelles interprétations de l'histoire économique des communautés paysannes du nord de la Méditerranée au Moyen Âge. Les connaissances produites dans cette étude pourront être utilisées dans d’autres situations géographiques et pour d’autres périodes.
Une telle conservation des grains sans recours à une source d'énergie pour la réfrigération et la ventilation et sans utilisation de pesticides, fait écho aux attentes du 21ème siècle pour des changements dans les systèmes de production agricole vers la localisation, la protection de l'environnement et la préservation de la santé humaine. Elle peut inspirer le développement des technologies actuelles.
En résumé, SilAchoBio établit un dialogue entre les méthodes scientifiques et les pratiques professionnelles liées à l'agriculture céréalière, en utilisant à la fois des données anciennes et des connaissances actuelles. Il s'ancre dans un contexte local (Roussillon) pour retrouver les savoirs paysans et comprendre le rôle des fosses souterraines utilisées comme silos à grains dans l'organisation économique et culturelle des sociétés ancestrales du bassin méditerranéen et au-delà. Ce projet pluridisciplinaire permettra de progresser dans la connaissance archéologique et historique et pourrait également faire émerger des solutions techniques applicables à l'agriculture durable du 21ème siècle.