Pour une approche cosmopolite des enjeux de patrimonialisation et de valorisation des sites d'art rupestre en Afrique Australe – COSMO-ART
L'approche cosmopolite comme nouveau paradigme pour la gestion du patrimoine de l'art rupestre en Afrique australe
Mobilisation de l'approche cosmopolitique pour renouveler les cadres d'analyse et de gestion patrimoniale des sites d'art rupestre en contexte postcolonial
Une approche cosmopolite, des objectifs et des enjeux
COSMO-ART a pour objectif d'étudier les défis posés par la patrimonialisation de l'art rupestre en Afrique australe, région qui possède la plus forte densité d'art rupestre au monde. Dans cette région, les pratiques patrimoniales ont été principalement construites sur le modèle occidental et, par conséquent, les politiques patrimoniales prennent rarement en compte la perspective dite émique sur les objets, lieux et savoirs auxquels les populations locales accordent une valeur symbolique ou identitaire. Ce constat soulève plusieurs questions fondamentales: Qui sont les usagers des sites et à quelles échelles ? Quelles sont les valeurs attribuées à l'art rupestre et par qui ? Comment ces valeurs sont-elles utilisées, éventuellement adaptées, et véhiculées par des actions de diffusion (de l'éducation au développement touristique) ? Quels sont les systèmes de valeurs induits et légitimés par la construction de discours patrimoniaux ? Quelles sont les perceptions des vulnérabilités de ces sites ? Comment le modèle de conservation occidental et les systèmes de conservation traditionnels fonctionnent-ils ensemble ? Une génération après la fin de l'apartheid, que signifie le «patrimoine de l'art rupestre« pour toutes les parties prenantes ?<br />De manière appliquée, les réponses à ces questions visent à développer un cadre méthodologique solide, holistique et intégré, afin d'améliorer la gestion et le développement durables du patrimoine de l'art rupestre. L'un des objectifs est de fournir des outils de prise de décision utiles aux agences du patrimoine, en particulier dans ces contextes territoriaux où la diversité des cultures et des populations produit des ensembles de valeurs qui se mélangent et parfois s'opposent. Dans un tel contexte, les approches basées sur les valeurs atteignent leurs limites et ne peuvent fournir le cadre solide nécessaire à une gestion efficace. Le résultat est l'échec final de nombreux projets de développement, avec les désillusions et le ressentiment qui s'ensuivent. C'est notamment le cas de l'art rupestre en Afrique australe. Bien que les plans de gestion récents tentent de prendre en compte la diversité des valeurs attribuées à l'art rupestre, un fossé persiste entre les intentions et leur mise en œuvre. COSMO-ART vise à combler ce manque méthodologique par la mise en œuvre d'une approche cosmopolite, laquelle vise à identifier des points d'intérêt interculturels et interactifs entre différents registres de perception et peut servir de base de réflexion pour les gestionnaires en charge de gérer les sites d’art rupestre.
Pour atteindre ces objectifs, COSMO-ART rassemble une équipe de chercheurs issus de différents domaines scientifiques, apportant leur expertise en archéologie, histoire, muséologie, géographie humaine et sociale, anthropologie culturelle, géomorphologie et science des matériaux, avec des chercheurs de France et d'Afrique australe. Construire des ponts entre ces domaines scientifiques pour dépasser les approches disciplinaires et mettre en place un projet interdisciplinaire associant l'expertise sud-africaine et française est un véritable défi, au cœur de COSMO-ART. Nous le relèverons grâce à la gestion conjointe des WP par des chercheurs de différents laboratoires, de différents pays et de différents horizons scientifiques.
De plus, la critique fondamentale des processus de patrimonialisation au cœur de COSMO-ART exige de nous une approche réflexive et émique. En effet, les chercheurs sont aussi des acteurs des phénomènes qu'ils étudient et sont susceptibles de les influencer. Cette position critique et réflexive sur nos propres pratiques et notre positionnement en tant que chercheurs est transversale à l'ensemble du projet.
Pour mettre en œuvre une approche cosmopolite et mener une recherche interdisciplinaire, COSMO-ART sera alimenté par des données de différents types, provenant (i) de l'analyse de corpus, (ii) d'observations de terrain, (iii) d'entretiens avec les utilisateurs des sites d'art rupestre, (iv) de l'évaluation in situ de la conservation des sites, et (v) d'analyses physico-chimiques des pigments et des altérations de la roche. L'analyse combinée de ces données sera soutenue par un SIG spécialement développé pour le projet.
L'objectif de ce SIG est triple : (a) intégré au plan de gestion des données (DMP), élaboré conjointement par tous les partenaires depuis la phase initiale, il contribuera à l'organisation et à la gestion des données collectées ; (b) avec des champs d'entrée conçus de manière appropriée pour les données collectées dans chaque WP, il sera utilisé pour mettre en perspective des données de différentes natures et visualiser comment les utilisations/pratiques, les valeurs perçues, les vulnérabilités et les stratégies de gestion interagissent ; (c) intégrant des données à différentes échelles, il générera des cartes thématiques qui seront des supports pertinents pour la discussion, la coopération et les actions participatives ayant comme objectif de visualiser, préciser et valider les différents niveaux de valeurs partagées entre les différentes parties prenantes.
Nous avons décidé de diversifier les types de résultats afin de mieux démontrer l'intérêt et l'efficacité du projet, à la fois pour les universitaires et les praticiens du patrimoine, tout en communiquant les résultats en direction des communautés locales.
- Numérique et en ligne : réalisation de SIG (un par zone d'étude) intégrant les usages et les valeurs attribuées aux sites d'art rupestre. Pour assurer la pérennité du SIG, tout en permettant son accessibilité et son enrichissement, le SIG sera hébergé sur des serveurs en France et en Afrique australe. L'interface sera conçue pour permettre une utilisation en ligne aisée et des projets collaboratifs.
- Imprimés : articles scientifiques sur la méthodologie et les résultats dans des revues internationales en libre accès ; une publication collective synthétique, sur le renouvellement de la méthodologie dans les sciences du patrimoine et l'approche cosmopolite, avec une forte orientation appliquée. Deux possibilités sont envisagées pour la publication synthétique : (i) soit un livre édité conjointement dans la série des publications de l'ICOMOS, de Wits University Press ou de l'Origins Centre, soit (ii) un numéro spécial de la revue Conservation and Management of Archaeological Sites.
- Communications orales : plusieurs présentations dans des congrès internationaux tels que l'Association archéologique panafricaine (PANAF), la Société des archéologues africains (SAFA), l'Association des archéologues professionnels d'Afrique australe (ASAPA), etc.
- Un colloque international sera organisé (2025), avec l'objectif de sensibiliser à la complexité de la gestion du patrimoine rupestre en comparant des études de cas dans des contextes culturels variés. Ouvert à l'ensemble de la communauté scientifique, ce colloque sera également l'occasion pour les membres du consortium de présenter les premiers résultats du projet et les apports de la mise en œuvre de l’approche cosmopolitique dans la gestion du patrimoine rupestre. Le colloque aura lieu en Afrique du Sud, à l'Université Sol Plaatje et sera organisé par tous les membres du consortium.
- Promotion du patrimoine en direction des publics : des événements publics tels que des expositions et des conférences sur le patrimoine de l'art rupestre seront organisés en Namibie, en Afrique du Sud et en France. Deux expositions sont prévues en 2023. La première sera construire en lien avec les deux communautés san résidant à proximité du site d’art rupestre de Wildebeest Kuil (Juillet 2023 ; région de Kimberley, Afrique du Sud. A partir des photographies prises par les jeunes des deux communautés, il s’agira d’interroger ce qui fait patrimoine pour ces communautés. En lien avec le centre culturel franco-namibien, la deuxième exposition prendra place dans la semaine nationale namibienne du patrimoine (septembre 2023) avec des photographies des sites d’art rupestre du massif de l’Erongo, Namibie.
L’objectif de COSMO-ART est d’appréhender et de mettre en perspective différents regards portés sur les sites d’art rupestre, d’en proposer une approche globale et intégrée, et ce afin de pouvoir identifier les tensions et potentiels conflits. La mise en perspective de deux terrains d’Afrique australe, respectivement situés en Namibie et en Afrique du Sud, a pour objectif de proposer une réflexion globale sur les enjeux politiques et sociaux du patrimoine en contexte postcolonial en discriminant à la fois, leurs points communs et leurs particularités liées à leur contexte sociétal, culturel et historique. La mise en perspective des matrices réalisées sur les deux terrains d’étude permettra de sortir des particularités régionales pour proposer une analyse globale des valeurs constitutives de la patrimonialisation des sites d’art rupestre d’Afrique australe.
Sur cette base, l’objectif est de consolider cette approche en vue de penser les conditions de sa transférabilité à d’autres régions marquées par la présence de sites d’art rupestre, ou d’autre types de sites patrimonialisés. Dépassant le contexte territorial de l’Afrique australe, il est d’ores et déjà envisager de tester cette approche sur d’autres lieux marqués par la présence de l’art rupestre et a priori, par des pratiques et des regards différenciés (gravures du mont Bégo, roches gravées guadeloupéennes).
Enfin, dans une perspective appliquée, l’un des objectifs du projet est d’assurer un transfert des résultats obtenus en direction des acteurs gestionnaires avec un accompagnement, et si possible un renouvellement, dans la manière d’aborder les plans de gestion. A priori, l’implication des acteurs gestionnaires dans le collectif de recherche devrait faciliter la réalisation de cet objectif appliqué, sous condition de leur implication effective dans le projet. En vue de renforcer l’opérationnalité du projet ANR COSMO-ART, le projet RAHMSA (Rock Art Heritage Management in Southern Africa) a débuté début 2023 (financement IRN du CNRS). Alors que COSMO-ART est ciblé sur des actions de recherche en Afrique du Sud et en Namibie, le projet IRN RAHMSA vise à transférer les résultats obtenus dans le cadre de l’ANR en direction des pays partenaires, tout structurant plus largement les échanges scientifiques à l’échelle de l’Afrique australe avec l’implication de deux nouveaux pays partenaires : le Botswana et le Zimbabwe.
Au 20/08/2023, les productions scientifiques sont les suivantes :
Les mémoires d’étudiants
Hugo Quemin, 2022, « Regards sur la patrimonialité. La mise en tourisme d’un site d’art rupestre dans la région de Kimberley : genèse, enjeux et limites d’une approche communautaire des modalités de gestion et réflexions autour des spécificités politiques de l’archéologie ». Master1 GeM, USMB.
Hugo Quemin, 2023, « Heritage values and constructed issues at stakes for Erongo rock art, Namibia”. Master 2 USMB.
Anaïs Empereur, 2023, « Rock art conservation in Wonderwerk Cave », mémoire de master 1, Université de Bordeaux
Les articles
Quemin H., Duval M., Morris D., Pinto L., 2023 submitted, “Exploring multiple conditions of participation on community-based heritage management: a case study of Wildebeest Kuil Rock Art Tourism Centre, South Africa”. Public Archaeology
Les conferences
Baracchini L., 2022. « De réfugiés à propriétaires de site archéologique. Quelles relations au patrimoine rupestre pour les communautés locales des !Xun et les Khwe de Platfontein (Kimberley, Afrique du Sud) ? ». 7èmes Rencontres des Études Africaines en France, Toulouse, du 28 juin au 1er juillet 2022.
Baracchini L., nov. 2023, «Giving« voice, sharing pictures and rethinking heritage, A photovoice project with displaced San communities (Kimberley, South Africa)”, SAA Annual Conference, Neuchâtel.
Baracchini L., nov. 2023, «Partager des images, repenser le patrimoine rupestre : un projet de photographie participative avec des populations san d'Afrique du Sud« , journée d’étude Particip’Arc, MNHN.
Duval M., Hœrlé S., 2022. Challenges to Rock art Heritage Management in the Southern African Mountains: the Maloti-Drakensberg World Heritage Site, Lesotho/South Africa. Southern African Mountains Conference, Drakensberg Monk’s Cowl, Afrique du Sud, du 14 au 18 mars 2022.
Duval M., 2022. Les apports de l’approche géographique dans l’analyse du processus de patrimonialisation des sites d’art rupestre en Afrique australe. Enseignements à partir des sites d’art rupestre dans le massif du Drakensberg. 7èmes Rencontres des Études Africaines en France, Toulouse, du 28 juin au 1er juillet 2022.
Quemin H., 2022. La mise en tourisme d'un site d'art rupestre dans la région de Kimberley (Afrique du Sud) : genèse, enjeux et limites d'une community-based approach. 7èmes Rencontres des Études Africaines en France, Toulouse, du 28 juin au 1er juillet 2022
Les expositions
« Places in me », exposition photographie à partir des clichés réalisés par les populations Khwe et !Xun de Platfontein, Kimberley area. Juillet 2023. cosmo-art.org/actions/
« Heritage and Culture: a rock-solid foundation - A tribute to rock art in Namibia”, Windhoek, Sept. 2023
COSMO-ART propose une nouvelle approche des usages et perceptions des sites d’art rupestre : l’approche cosmopolitique. Elle vise à identifier des convergences d’intérêt et, dans un but de gestion durable, articuler les intérêts des acteurs. COSMO-ART testera l’applicabilité de la méthode, développée par des membres du consortium dans le site UNESCO du Maloti-Drakensberg (Afrique du Sud-Lesotho), sur deux autres territoires : 1/ la région de Kimberley (Afrique du Sud) et 2/ le massif de l’Erongo (Namibie). Une telle approche cosmopolitique nécessite de s’appuyer sur une méthodologie à la fois systémique, diachronique et interdisciplinaire, croisant les apports de l’archéologie, l’histoire, la muséologie, la géographie humaine, l’anthropologie environnementale et culturelle, la géomorphologie et la science des matériaux. Le projet s’organise en 3 WP : 1/ Usages et valeurs ; 2/ Mise en tourisme et médiation ; 3/ Vulnérabilités et stratégies de gestion.
Coordination du projet
Mélanie DUVAL MASSALOUX (ENVIRONNEMENTS, DYNAMIQUES ET TERRITOIRES DE LA MONTAGNE)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenariat
The Sol Plaatje University / School of Humanities
National Heritage Council of Namibia / Archaeology and Heritage Research Department
EDYTEM ENVIRONNEMENTS, DYNAMIQUES ET TERRITOIRES DE LA MONTAGNE
PACEA DE LA PREHISTOIRE A L'ACTUEL : CULTURE, ENVIRONNEMENT ET ANTHROPOLOGIE
Origins Centre Museum - Wits University / Archaeology Division
SARADA Wits University / African Rock Art Digital Archive
University of Pretoria / Department of Anthropology and Archaeology
University of Western Australia / The Centre for Rock Art Research + Management
EA Eco-Anthropologie
TRACES Travaux de Recherches Archéologiques sur les Cultures, les Espaces et les Sociétés
Afrique au Sud du Sahara
National Museum of Namibia / National Museum of Namibia
University of Namibia / History and Environmental Studies
RARI Wits University / Rock Art Research Institute
Aide de l'ANR 559 188 euros
Début et durée du projet scientifique :
janvier 2022
- 48 Mois
Liens utiles
- Voir la liste des projets sélectionnés
- Site internet du projet Pour une approche cosmopolite des enjeux de patrimonialisation et de valorisation des sites d'art rupestre en Afrique Australe
- Lien permanent vers ce résumé sur le site ANR (ANR-21-CE27-0011)
- Voir les publications dans le portail HAL-ANR